La Montagne sainte de Příbram, lieu de miracles

La Montagne sainte de Příbram, photo: Ondřej Tomšů

Surnommé « le cœur spirituel de la Bohême » pour sa situation dans le centre du pays, Svatá Hora (la Montagne sainte en français) est le lieu de pèlerinage marial le plus visité en République tchèque. Erigé il y a plus de trois siècles de cela sur une colline à une soixantaine de kilomètres au sud-ouest Prague, ce vaste complexe d’édifices baroques domine l’ancienne ville minière de Příbram. Les pèlerins et les touristes du monde entier y admirent la statuette gothique en bois de la Vierge Marie, tel un objet de dévotion au même titre que l’Enfant Jésus de Prague.

La Montagne sainte de Příbram,  photo: Ondřej Tomšů
« Nous ouvrons la basilique tous les matins à 6h30. La première messe y est célébrée à 7h00. Nous fermons les portes à 18h00. Après la dernière messe, le sacristain place la statuette de la Vierge Marie dans un coffre-fort. Toute la journée durant, elle est exposée sur l’autel. Tout le monde peut venir lui adresser une prière ou simplement se recueillir », explique David Horáček, prêtre rédemptoriste à Svatá Hora. Son ordre est en charge du sanctuaire depuis le milieu du XIXe siècle.

D. H.: « Le premier archevêque de Prague, Arnošt de Pardubice, qui avait sa résidence d’été non loin d’ici, au château, aurait sculpté cette statue lui-même. Une autre version veut qu’il l’ait fait tailler par un sculpteur dans du poirier. Avec le temps, le bois prend une teinture noire proche de l’ébène, ce qui explique le teint foncé de la Vierge et de l’Enfant Jésus qu’elle tient dans ses bras. Cela étonne parfois les gens. C’est une statue gothique, haute de 49 centimètres et très fine, ce qui ne se voit pas car elle porte des robes assez amples. La statuette est donc placée au milieu de notre magnifique autel en argent, derrière une vitrine. »

David Horáček,  photo: Ondřej Tomšů
« A la fin de chaque messe, le prêtre ou le sacristain monte un escalier mobile pour retirer la statuette de l’autel et l’installer sur un petit trône. Chacun peut alors s’en approcher pour rendre hommage à la Vierge, se confier à elle ou la remercier, en s’inclinant devant elle ou en embrassant sa robe. »

La légende veut que sous le règne de l’empereur Charles IV, dans la seconde moitié du XIVe siècle, l’archevêque Arnošt de Pardubice ait placé la statuette dans sa chapelle privée à Příbram. Durant les guerres hussites, elle a été cachée dans les mines d’argent qui, plus tard, ont fait la réputation de Příbram, désignée ville royale à la fin du XVIe siècle par l’empereur Rodolphe II. C’est à cette époque que la statuette est placée dans la chapelle située sur la Montagne sainte qui domine la cité.

Toujours selon les légendes, le premier sanctuaire a été édifié sur la colline au XIIIe siècle par le chevalier Malovec. Celui-ci aurait voulu exprimer sa gratitude envers Marie, qui l’aurait protégé des brigands. Le premier miracle de la Vierge mentionné dans les archives est celui de la guérison d’un certain Jan Procházka, comme nous le raconte le prêtre David Horáček :

La Montagne sainte de Příbram,  photo: Ondřej Tomšů
« Cette histoire remonte à 1632. Aveugle pendant dix-neuf ans, Jan Procházka a fait un même rêve plusieurs nuits en suivant dans lequel il lui était suggéré d’effectuer un pèlerinage à la Montagne sainte. Il a entrepris ce pénible périple, accompagné de son petit-fils âgé de huit ans. Au bout de trois jours de prière dans la chapelle construite par le chevalier Malovec, Jan Procházka a retrouvé la vue. Cette guérison miraculeuse a été confirmée par les médecins. Jan Procházka est resté ici en qualité d’ermite et s’est occupé de la chapelle. Il a même creusé un puits à la Montagne Sainte qui existe toujours. Il a une profondeur de 70 mètres, mais la source d’eau a disparu. Il nous arrive pourtant encore de rencontrer parmi les pèlerins des personnes âgées qui se souviennent avoir bu l’eau de cette source. »

La nouvelle du miracle se propage rapidement jusqu’à la cour impériale. Après la visite de Ferdinand II et de son fils, la Montagne sainte accueille des milliers de pèlerins qui viennent implorer la Vierge Marie. Chargée de l’administration du sanctuaire à compter de 1647 et soutenue par de nombreux mécènes, la Compagnie de Jésus entreprend la construction d’un vaste complexe d’édifices baroques à l’emplacement de la petite chapelle, selon un projet de l’architecte italien Carlo Lurago. Au cœur de ce complexe qu’entourent chapelles et galeries, se trouve la basilique qui abrite désormais la statuette de la Sainte Vierge. Les jésuites, actifs dans les pays tchèques jusqu’à la suppression de l’ordre par le pape Clément XIV en 1773, ont fondé une école pour garçons issus de divers milieux sociaux. Les élèves suivaient notamment une formation musicale, servaient pendant la messe et accueillaient les pèlerins en chantant « la version locale » de l’Ave Maria. Près d’un millier de garçons sont passés par cette école qui n’a fermé ses portes qu’en 1956. Les anciens élèves continuent de se rencontrer lors des grands pèlerinages à la Montagne sainte.

La Vierge et l'Enfant Jésus,  photo: Ondřej Tomšů
Un événement important se déroule sur ce lieu de pèlerinage, le 22 juin 1732, sous l’administration jésuite de la Montagne sainte : le couronnement de la statuette de la Mère de Dieu. Depuis, la Vierge Marie et l’Enfant Jésus portent chacun une petite couronne en or décorée de pierres précieuses et de perles. Célébré chaque année en juin, l’anniversaire de la fête du couronnement compte, aujourd’hui encore, parmi les principaux événements qui se tiennent à « Svatá Hora ». Le sanctuaire est aussi un lieu touristique et culturel, notamment depuis la vaste rénovation du complexe achevée en 2016. Les travaux ont permis l’ouverture d’un musée avec une exposition interactive sur l’histoire des lieux. La Montagne sainte propose également des exercices spirituels aux croyants. Mais elle reste avant tout un lieu de pèlerinage très fréquenté, depuis plusieurs siècles, tant par les Tchèques que par les étrangers. David Horáček :

« Les pèlerins viennent du monde entier, de Singapour, des Etats-Unis, de France, mais surtout d’Allemagne, bien sûr. A l’époque, les pèlerinages commençaient par l’accueil des processions qui arrivaient avec des bannières, les femmes portaient des costumes traditionnels, on chantait, on jouait de la musique, on priait. Ces processions n’existent plus aujourd’hui, les pèlerins arrivent en bus ou en train. Néanmoins, très prochainement, un groupe de jeunes viendra à pied. »

Pèlerins et touristes peuvent également emprunter un escalier couvert qui relie la Montagne sainte à la ville de Příbram : une « échelle pour le ciel » longue de 460 mètres qui compte plus de 300 marches. L’habillage de la statuette de la Vierge Marie, qui compte des centaines de robes du monde entier (mais pas la moindre en provenance de France), est une autre attraction des lieux. Les robes historiques, dont celle cousue par une des filles de Marie-Thérèse d’Autriche, sont exposées au musée. Le prêtre David Horáček ouvre un placard dans la sacristie :

David Horáček,  photo: Ondřej Tomšů
« Cette robe provient de l’île de Trinidad. Elle est belle, n’est-ce pas ? Certaines robes sont brodées, par exemple celle-ci, où l’on peut même lire l’inscription ‘Vajnory 1957’. C’est un quartier de Bratislava où vivent actuellement deux femmes qui maîtrisent encore la broderie traditionnelle de la région. Nous avons ici des robes magnifiques, de toutes les couleurs, cousues à partir de tissus très différents et avec toutes les décorations imaginables. Personnellement, ma préférée est celle-ci, avec un motif tournesol ; elle vient d’Afrique. »

Certaines robes ont été cousues par des gens qui ont ainsi voulu exprimer leur gratitude pour le soutien que la Vierge Marie leur a apporté et les miracles qu’elle aurait accomplis. Les archives de la Montagne sainte font état de plus de 4 000 événements miraculeux et, selon le prêtre rédemptoriste David Horáček, des miracles continuent à se produire.

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