La musique dans le cinéma tchèque des années 1990
Le cinéma ne sort pas indemne de la Révolution de velours et les années 1990 sont une décennie charnière durant laquelle l’industrie du cinéma doit revoir complètement ses modes de fonctionnement et de financement. Ce sont désormais les producteurs privés qui font la pluie et le beau temps sur le septième art, parfois pour le meilleur, plus souvent pour le pire. Mais laissons au film « Pelíšky » le soin de siffler le coup d’envoi de ce troisième dimanche musical consacré à la musique dans le cinéma tchèque et cette fois-ci donc aux années 1990.
C’est Jan Hřebejk, un des réalisateurs parmi les plus prolifiques du cinéma tchèque contemporain, qui signe « Pelíšky », son deuxième long-métrage. Son premier film, la comédie musicale « Šakalí léta », avait déjà rencontré un succès d’estime puisqu’il avait été distingué en 1993 par le premier Lion tchèque attribué, la récompense suprême du cinéma tchèque, l’équivalent des Césars français.
Les années 1990 commencent toutefois tristement pour la cinématographie tchèque et ce sont des films dont la conception remontait à la décennie précédente qui tirent leur épingle du jeu. Avec par exemple Zdeněk Troška, ancien étudiant de la FAMU, la prestigieuse école de cinéma pragoise, qui était considéré à l’époque comme l’un des meilleurs espoirs de l’industrie cinématographique. Zdeněk Troška signe au début de la décennie 1990 la comédie de terroir « Slunce, seno, erotika ». Ce film achève une trilogie consacrée à la vie d’un village de Bohême de Sud, Hoštice u Volyně, dans lequel est né le réalisateur qui ne satisfera finalement jamais complètement les espoirs placés en lui. Le chanteur Karel Černoch signe une composition d’un film que certains considèrent culte et d’autres indigent. Réalisatrice majeure de la Nouvelle vague tchécoslovaque, Věra Chytilová ne s’est quant à elle jamais remise de la période de la Normalisation et enchaîne depuis des comédies sans saveur. A l’exception peut-être de « Dědictví aneb Kurvahosigutntag », une autre comédie de terroir avec Bolek Polívka qui excelle dans le rôle titre de bon à rien rustre qui devient soudainement millionnaire suite à un héritage inespéré. Si en ce début de décennie, l’industrie du cinéma tchèque a des difficultés, c’est qu’elle a été entièrement privatisée après la chute du communisme. Les cinéastes n’ont plus les moyens de faire des films : dans les années 1960, plus de trente nouveaux films par an sortaient sur les écrans tchécoslovaques, pour l’année 1992, on en produit seulement neuf. Pourtant, des réalisateurs talentueux ne demandent qu’à émerger. C’est le cas de Jan Svěrák, le fils de Zdeněk Svěrák, lequel a déjà beaucoup apporté au cinéma tchèque. Après un film de fin d’études remarqué, « Ropáci », en 1988, Jan Svěrák réalise le road-movie « Jízda » au début de la décennie suivante, un film qui semble matérialiser la liberté retrouvée dans le pays. Le groupe Buty en signe la bande-son et sera récompensé de ces efforts par un Lion tchèque de la meilleure musique en 1994. Deux ans plus tard, ce même Jan Svěrák est l’artisan du renouveau du cinéma tchèque sur la scène internationale avec « Kolja », un film scénarisé par son père Zdeněk Svěrák, lequel assure également le premier rôle. Cette histoire, qui évoque la rencontre entre un vieux musicien célibataire et un jeune enfant russe dans la Tchécoslovaquie des années 1980, remporte le Lion tchèque et l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. La bande originale, qui fait la part belle à Antonín Dvořák et à Bedřich Smetana, est l’œuvre du compositeur Ondřej Soukup. Ainsi, le cinéma tchèque retrouve peu à peu des couleurs à mesure qu’il s’assure un système de financement viable et qu’éclot une nouvelle génération de réalisateurs et d’acteurs. Parmi ces cinéastes, on trouve Petr Zelenka qui aime à mettre en scène les destins croisés de ses personnages. Son premier long-métrage, « Knoflíkáři », distingué évidemment du Lion du meilleur film en 1997, propose des morceaux originaux et d’autres issus de la scène alternative tchèque, et notamment du groupe Už jsme doma. Du côté des acteurs qui apparaissent à cette époque, on trouve par exemple Pavel Liška, Tatiana Wihelmová, Jiří Macháček ou encore Anna Geislerová. Tous les quatre sont à l’affiche de « Návrat idiota » (Le retour de l’idiot), un film de Saša Gedeon, qui remporte, est-il besoin de le préciser, le Lion du meilleur film. La musique est composée par un habitué des contributions cinématographiques, le Slovaque Vladimir Godár, qui n’a rien à voir avec Jean-Luc.Ces acteurs, aux côtés entre autres d’Ivan Trojan ou de Jan Budař, seront utilisés à toutes les sauces dans le cinéma des années 2000 et constitueront l’ossature principale des castings des films réalisés souvent par les réalisateurs rencontrés dans cette présente rubrique. Ce cinéma contemporain sera le thème d’un prochain dimanche musical.