La pauvreté en Tchéquie : les sociologues défient les données statistiques

Le taux de pauvreté en Tchéquie peut être considéré de points de vue différents. Le livre Soumission de Michel Houellebecq s’est classé deuxième dans la traditionnelle enquête annuelle du quotidien Lidové noviny. Un jeune Tchèque issu d’un foyer d’enfants remporté un prestigieux concours international. Les Tchèques ne veulent plus se considérer comme des rouspéteurs mécontents. L’année prochaine, Charles Aznavour se produira pour la première fois à Prague. Tels sont les sujets que nous avons choisis pour cette revue de presse.

Photo: Štěpánka Budková

La République tchèque ne fait pas partie des pays européens les plus riches, sa population est pourtant moins menacée par la pauvreté que celles de la majorité des pays européens C’est du moins ce que révèlent les dernières données statistiques d’Eurostat concernant le taux de pauvreté dans les différents pays de l’Union européenne. Ainsi, seuls 97 Tchèques sur 1000 seraient menacés par la pauvreté, classant la Tchéquie devant des pays comme le Danemark ou les Pays-Bas. Dans un texte publié sur le site echo24.cz, Petr Holub présente pourtant un regard différent :

« Des sociologues de l’Académie des sciences prétendent que l’on ne saurait croire les données statistiques, même lorsqu’elles sont signées par une institution européenne reconnue. Ils considérent qu’en réalité, en Tchéquie, la pauvreté menace un bien plus grand nombre de personnes que dans les pays riches de l’Union européennes. Cela ne veut pas dire qu’Eurostat aurait commis une erreur dans ses calculs, mais qu’elle a tout simplement choisi une approche qui ne rend pas exactement compte de la réalité, car s’intéressant seulement au taux de pauvreté par rapport aux revenus bas. »

D’après ces sociologues, Eurostat prend notamment en compte la répartition de la richesse qui est en Tchéquie, un des pays les plus égalitaires d’Europe, très équilibrée. Ce qui semble en dire cependant davantage sur la pauvreté, c’est le sentiment individuel de pauvreté. Petr Holub note à ce sujet:

« Dans une enquête de la société SILC lancée à l’échelle européenne, la Tchéquie occupe la douzième position. C’est un résultat assez satisfaisant, même s’il est moins favorable que celui d’Eurostat, prouvant que la société locale appartient à la partie stable de l’Europe. Il y a cependant lieu de s’interroger si l’Etat social local est effectivement aussi efficace comme on l’aime le prétendre ».

Le livre Soumission de Michel Houellebeck plébiscité dans une enquête littéraire

Photo: Flammarion

Comme chaque fin d’année, le quotidien Lidové noviny a lancé une enquête auprès de dizaines de personnalités de l’univers littéraire, éditeurs, critiques, auteurs, traducteurs, appelés à choisir les ouvrages qui les ont marqués le plus au cours de l’année écoulée. C’est le livre La fin de l’homme rouge ou le Temps du désenchantement de l’écrivaine biélorusse Svetlana Aleksievitch, prix Nobel de littérature 2015, qui est sorti vainqueur de cette traditionnelle enquête, suivi de Soumission de Michel Houellebecq. Dans les pages du journal, Zbyněk Petráček a justifié ce dernier choix en notant :

« Michel Houellebecq porte son regard sur les perspectives de la société occidentale. C’est un regard provocateur et exacerbé, un regard sombre et autocritique, un regard qui est ironique et à la fois rationnel. Et c’est à cela que le livre doit son succès... En raison de son caractère provocateur, l’ouvrage a la chance de devenir une icône de groupes différents. Soumission peut devenir l’icône de ceux qui mettent en garde face à l’islamisation de l’Europe, tout en représentant une sorte d’anti-icône de ceux qui considèrent toute critique de l’islam ou de l’ouverture multiculturelle comme un signe d’islamophobie. Pour les uns, Houellebeck peut se présenter comme un apôtre des risques jusque-là minimisés, tandis que pour les autres, il peut représenter le côté sombre de l’Europe et de son chauvinisme ».

Jiří Peňás, toujours dans Lidové noviny, remarque pour sa part que tout en étant une fiction, Soumission de Michel Houellebecq doit son principal intérêt à son contexte politique, à travers le spectre de l’islamisation et la faiblesse et la corruptibilité de l’Occident. Par ailleurs, la majorité des ouvrages plébiscités dans cette enquête annuelle contiennent aussi un certain message politique.

La réussite internationale d’un jeune Tchèque pas comme les autres

Lukáš Kotlár, photo: Mary C, ČRo

Un des derniers suppléments hebdomadaires du quotidien Právo, Café, a consacré sa première page, illustrée de photos, à une histoire peu banale. Son protagoniste qui s’appelle Lukáš Kotlár et qui est âgé de 19 ans, a grandi d’abord dans une nurserie et, ensuite, comme des centaines d’autres garçons et jeune filles tchèques, dans un foyer d’enfants. En dépit de cette situation de départ peu favorable et du fait qu’il soit d’origine rom, il a réussi à réaliser ses rêves d’enfant et ses ambitions qui lui ont finalement permis d’être reçu par des membres de la famille royale de Grande-Bretagne, en récompense de sa réussite dans un concours international. L’auteure de l’article intitulé « Depuis un foyer d’enfants à la famille royale », Andrea Zunová, a retenu quelques autres points clés de sa vie :

« C’est à l’âge de douze ans que Lukáš Kotlár a obtenu une bourse pour un prestigieux lycée, Open Gate, ce qui a constitué un tournant décisif dans sa vie. Il a pu alors quitter le foyer d’enfants, faire de nouvelles rencontres, se consacrer à des choses intéressantes. Etudiant, il s’est inscrit au programme DofE pour le prix international du duc d’Edimbourg qui récompense les jeunes de 14 à 24 ans, afin de les motiver et de les soutenir dans leur épanouissement individuel. Si, en Tchéquie, le programme voit participer des milliers d’étudiants, dans le monde ils sont des millions à y être incrits. Le talent, le sport, le volontariat et une expédition d’aventure, tels sont les catégories dans lesquelles les participants sont invités à réussir. »

Au bout de plusieurs années de travail a après avoir obtenu le plus haut niveau dans l’ensemble de ces catégories, Lukáš Kotlár a été sélectionné pour représenter la République tchèque à une rencontre à Londres avec le prince Edward et son épouse, Sophie. Un événement, d’après ses propres paroles, exceptionnel qui a encouragé sa détermination à soutenir à son tour les besoins des enfants. Désormais, ce jeune homme pas comme les autres veut réaliser un autre projet : des études universitaires en sciences politiques.

Pour mieux connaître la mentalité et les dispositions des Tchèques

Photo: Archives de Radio Prague

L’un des mythes les plus répandus liés à la mentalité nationale veut que les Tchèques soient des rouspéteurs qui sont tout le temps mécontents. Les premiers résultats de l’une des recherches sociologiques les plus complexes jamais organisées dans le pays et concernant les différents aspects de la vie et de la satisfaction de la population locale semblent cependant montrer le contraire. Dans la dernière édition de l’hebdomadaire Respekt, qui a apporté cette information, Sylvie Lauder a écrit :

« Les données réunies auprès de près de 13 000 personnes vivant dans 5 000 ménages répartis dans près de 700 communes à travers toute la Tchéquie révèlent que les habitants tchèques se sentent assez contents. Aux questions relatives à la santé, à la qualité de l’habitat, ainsi qu’à la catégorie aussi incertaine qu’est le ‘sentiment de bonheur’, la majorité des personnes interrogées ont répondu par l’affirmative. »

La réalisation de l’enquête, dont l’étendue n’a pas de précédent dans le pays et à laquelle participent sociologues, économistes, politologues et démographes, est à mi-parcours. Ces experts estiment, comme le remarque l’auteure de l’article, que les informations réunies pourront être d’un grand intérêt pour l’ensemble de la sphère publique, depuis le gouvernement et les communautés locales, jusqu’aux organisations à but non lucratifs et les médias. Plus encore : ils espèrent qu’elles puissent être mises à profit lors de l’articulation de politiques concrètes.

Charles Aznavour attendu pour la première fois à Prague

Charles Aznavour, photo: Mariusz Kubik, CC BY 3.0 Unported

Les sites de l’ensemble des grands journaux locaux ont retenu l’information sur le concert qui sera donné en avril prochain à Prague par Charles Aznavour. Sur le site idnes.cz qui le présente comme « l’une des plus grandes figures de la musique actuelle mondiale », on a pu aussi lire :

« C’est pour la première fois que le légendaire chanteur, musicien et comédien français se produira en République tchèque avec un programme d’adieux contenant les chansons les plus connues qui ont marqué sa riche carrière musicale. Charles Aznavour s’était déjà présenté une fois dans l’ancienne Tchécoslovaquie, en donnant en novembre 1978, un concert à Bratislava, la capitale slovaque. Sa production, prévue en 1969 à Prague, avait été annulée en raison de la mort de l’étudiant Jan Palach, qui s’était immolé en signe de protestation contre l’occupation du pays par les chars soviétiques ».

Sur les pages culturelles, Charles Aznavour, 91 ans, est aussi présenté comme « un nouvau romantique, un Napoléon de la chanson, un Frank Sinatra français qui a apporté à la musique français de la nostalgie, de la mélancolie, ainsi que des sujets auparavant tabous ».