L’Etat tchèque se mobilise contre la précarité menstruelle
A l’étude depuis l’automne dernier, la lutte contre la précarité menstruelle engagée par l’Etat tchèque se concrétise. En juillet, un appel d’offres devrait être lancé pour procéder à l’achat de 10 millions de serviettes hygiéniques afin de constituer des réserves en cas de crise, dont une partie sera distribuée sans attendre aux femmes les plus vulnérables.
Dans les tuyaux depuis plusieurs mois, le projet de gratuité des serviettes hygiéniques pour les femmes en situation de précarité, porté par la ministre des Finances, Alena Schillerová (ANO), devrait voir le jour à la rentrée prochaine. Cette dernière avait dressé les contours de l’initiative à l’occasion de la conférence de presse des ministres du 24 mai dernier :
« Dans notre pays vivent à peu près 70 000 femmes qui luttent contre cette pauvreté et qui ont de nombreux problèmes à l’école ou au travail en ce moment, parce qu’elles n’ont pas suffisamment de moyens pour se procurer des serviettes hygiéniques. Ainsi, nous nous sommes mis d’accord avec les réserves matérielles d’Etat pour qu’à des fins humanitaires, et pour prévenir une quelconque crise, soient achetées 10 millions de serviettes à usage unique jusqu’à la fin 2023, et que dans le cadre d’un renouvellement annuel régulier, 2 millions d’unités soient dédiées annuellement […] aux banques alimentaires qui les distribueront aux femmes en ayant besoin. »
Les mesures annoncées diffèrent toutefois de ce qui avait été esquissé en décembre 2020. A l’époque, le gouvernement semblait plutôt préconiser une baisse de la TVA de 21 à 10 % sur les produits d’hygiène féminine, qui aurait dû être effective ce printemps. Le projet initial a finalement été reconsidéré, pour des raisons principalement budgétaires, puisque la première piste aurait représenté un coût pour les caisses de l’Etat estimé à 300 millions de couronnes par an contre 24 millions de couronnes en tout pour la version actuelle.
Si la démarche pourrait, comme l’avance Alena Schillerová, contribuer à lever le tabou autour de la précarité menstruelle et ainsi réduire les inégalités entre les hommes et les femmes en situation de détresse, cette démarche n’a toutefois pas manqué de faire réagir, notamment dans le secteur associatif. Dans un article du 30 juin publié par Hospodářské noviny (HN), les représentants de plusieurs associations ont souligné le fait que le prix des serviettes demeurait relativement abordable, environ 25 couronnes pour un lot de 20, et surtout, que les femmes en situation de grande précarité avaient des priorités bien éloignées. Le logement et l’alimentation figurent, en effet, en tête des préoccupations des femmes et mères confrontées à la misère.
Dans l’opposition, la vice-présidente du parti Pirate, Olga Richterová, a, quant à elle, souhaité relativiser la portée de la mesure. « Acheter un camion de serviettes hygiéniques est bien plus facile que de résoudre les causes de la pauvreté » a-t-elle déclaré auprès de HN, reprochant au gouvernement de vouloir masquer sa propre négligence à l’égard des plus pauvres alors que les élections législatives approchent à grands pas.
Concordance des échéances ou pas, les premiers lots de serviettes devraient être livrés dans le courant du mois de septembre, soit peu de temps avant le scrutin national fixé début octobre. Le président de l’Administration des réserves matérielles d’Etat, Pavel Švagr, défend néanmoins le fait que ces aides humanitaires étaient en discussion depuis quatre ans déjà, mais que les aléas budgétaires successifs avaient contraint à repousser le calendrier de leur mise en œuvre.
L’idée d’un accès gratuit aux protections périodiques est revenue dans le débat public en novembre 2020 lorsque l’Ecosse a légiféré sur le sujet, une première dans le monde à une telle échelle. La réforme avait alors conduit Andrej Babiš à étudier la faisabilité d’une telle opération en République tchèque et à confier le dossier à Alena Schillerová.