La publicité en République tchèque

Gilles Bérouard

Quelles sont les caractéristiques du marché de la publicité en République tchèque ? Quels grands traits caractérisent l'évolution de ces dix dernières années ? Pour tenter de répondre à ces questions, Radio Prague s'est adressée à Gilles Bérouard, président de Euro RSCG Prague, l'agence du groupe Havas qui vient de remporter le prix de la meilleure agence de publicité en République tchèque.

« Ce prix est très important car c'est un prix reconnu et, je l'espère dans notre cas, extrêmement mérité. Reconnu car fondé sur un certain nombre de critères objectifs : le nombre de prix gagnés lors de cérémonies créatives en République tchèque, l'efficacité des campagnes qui se mesure en fonction du nombre de prix gagnés au ZEFI, en fonction de la productivité de l'agence (chiffre d'affaires comparé au nombre d'employés), et également en fonction d'une enquête réalisée par un organisme indépendant auprès des 200 plus gros annonceurs du pays. Maintenant, c'est vrai que ce prix a un bonus à la taille, autrement dit les grandes agences sont privilégiées car elles ont beaucoup plus d'opportunités de développer des campagnes qui leur rapporteront forcément beaucoup plus de prix. Cette année, c'est en quelque sorte la consécration du travail de nos équipes pour l'ensemble de nos clients, qui sont tous des clients qui gagnent des parts de marché, ce qui est le rôle de la publicité : générer une croissance durable et profitable pour les clients. »

Quels sont les grands traits du marché de la publicité en République tchèque ?

« Il y a trois grands traits : c'est un marché mature, compétitif, et comparable aux autres pays de l'Ouest aujourd'hui.

C'est un marché mature, parce que le nombre de marques a explosé ces dix dernières années, le paysage média a lui aussi explosé : il y a une dizaine d'années, quand je suis arrivé, faire un plan-média à la télé c'était choisir entre un écran à 19h et un écran à 19h20. Aujourd'hui, on a tous les outils de mesure d'audience, tous les écrans possibles, toute l'offre en presse, en affichage, et en 'print'. On avait des équipes qui découvraient la publicité, aujourd'hui elles sont formées et possèdent plus de dix ans d'expérience.

Un marché extrêmement compétitif, puisqu'on a le même nombre d'acteurs internationaux ou locaux qui opèrent sur ce marché, comme en France, aux Etats-Unis, en Angleterre, ou en Allemagne. Les dix plus grands acteurs mondiaux sont également présents ici.

C'est un marché qui est comparable aux pays de l'Ouest au niveau, malheureusement, du manque de compréhension de la valeur ajoutée qu'apportent la communication et la publicité. On est en Rt, et cela amplifie davantage cette tendance, sur un marché qui privilégie l'investissement dans le 'hard', dans les machines, et beaucoup moins l'investissement dans le 'soft'. On est dans un pays de technologie industrielle, on adore les machines, et forcément on perçoit moins la valeur ajoutée que peuvent apporter les conseils et la publicité. Mais ce que je dis est aussi vrai pour nos confrères des autres domaines du conseil, que ce soit le conseil légal ou le conseil stratégique. »

De quelle manière a évolué le marché de la publicité dans le pays depuis dix ans ?

« Il y a eu une double évolution. Une évolution lente par ceratins aspects : recrutement, formation, de développement des talents et des expertises. Et d'un autre côté il y a eu de véritable bonds. Notamment par rapport au cadre juridique. Celui-ci étant inexistant, plutôt que d'en recréer un, la profession a essayé de tirer le meilleur profit des systèmes qui existaient en Europe de l'ouest.

Finalement, l'impact de l'entrée dans l'UE a été extrêmement faible pour notre profession, parce qu'en fait, cette entrée avait été anticipée. Le point d'inflexion n'a pas été 2004 mais plutôt il y a 6-7 ans au début des négociations pour l'adhésion : c'est le vrai moment où l'ensemble des acteurs étrangers a pris la décision de procéder à des investissements lourds et massifs, où les privatisations ont été accélérées. C'est aussi le moment où beaucoup de grands acteurs locaux sont devenus des filiales de sociétés étrangères. Et le vrai bouleversement de ces cinq dernières années, c'est la disparition des grands acteurs locaux au profit de ces filiales de sociétés étrangères. Cela nous amène à avoir de moins en moins d'opportunités de d'apporter un vrai conseil stratégique par rapport à des entreprises qui doivent avoir un 'mix-marketing' local, et à faire davantage des travaux d'adaptation et d'exécution.

Heureusement, depuis 2-3 ans, il y a un vrai retournement stratégique, et la majeure partie des grands acteurs internationaux a constaté que trop de globalisation tuait la compétitivité de leur stratégie locale, et qu'il fallait mieux faire du 'multi-local', ou prafois même du 'local'. Mais le futur de notre industrie passera aussi par le futur développement des PME locales. »

Quelle est la différence entre 'multi-local' et 'local' ?

« Nous sommes dans un métier aux confluents de la création et de la conception, mais aussi de l'exécution et de la production. On est le seul métier de conseil qui produit littéralement ses idées. Sur des marques internationales et globales, quand on reçoit tous les films pour la télévision de Londres et Paris, notre savoir-faire est plutôt dans l'exécution : faire-en sorte d'exécuter le plus rapidement possible au coût le plus faible. Quand par contre on a face à nous des acteurs locaux avec des marques locales, notre première valeur ajoutée est bien sûr dans la qualité et la pertinence de nos recommendations stratégiques qui se fondent sur une vision, une intuition, et une compréhension. A nous de faire en sorte que ces idées soient très bien exécutées. Donc aujourd'hui, nous avons des clients pour lesquels nous ne faisons que du travail d'exécution et de production et d'autres clients pour lesquels on fait, heureusement, beaucoup de stratégie et de développement créatif.»

Comment se réparti le portefeuille de clients de Euro RSCG?

« En proportion, on est à 60% de notre portefeuille en développement local, et 40% d'adaptation internationale, sachant qu'à peu près 80% de nos clients sont des clients gagnés localement, auprès d'entreprises soit locales soit internationales qui ont été amenées à faire un appel d'offres sur le marché local. »