La Tchéquie veut encadrer l’exercice de la médecine traditionnelle chinoise

Photo illustrative: acupuncturebox / Pixabay, CC0

Acupuncture, massages ou gymnastique qi gong… La médecine traditionnelle chinoise suscite un intérêt grandissant auprès des Tchèques. Début juin, les sénateurs décideront s’il convient de reconnaître ou non les études dans cette discipline et de les introduire dans les universités tchèques. Le projet d’amendement à la loi qui entend légaliser la formation des « thérapeutes » et des « spécialistes » de la médecine chinoise a été récemment approuvé par les députés. Il déplaît toutefois à la Chambre tchèque des médecins (ČLK). Ses représentants voient là un « tournant dangereux », qui mettrait sur un même plan les guérisseurs chinois et les médecins occidentaux.

Visualisation de la clinique de médecine orientale  à Hradec Králové,  photo: ČT24
Ces dernières années, plusieurs centres de médecine traditionnelle chinoise ont vu le jour en République tchèque. Depuis la signature d’un accord bilatéral, l’an dernier, par les présidents tchèque et chinois, Miloš Zeman et Xi Jinping, leur création est soutenue également sur le plan politique. Ainsi, une grande clinique entièrement consacrée à cette médecine orientale sera prochainement ouverte dans les locaux de l’hôpital universitaire à Hradec Králové (Bohême de l’Est), sa construction étant financée conjointement par les Chinois et par l’Etat tchèque. Plusieurs autres hôpitaux tchèques lancent aussi une coopération avec des établissements chinois.

La clinique de médecine traditionnelle chinoise dans le quartier de Kobylisy à Prague a ouvert ses portes il y a dix ans et accueille des patients très différents – de tout jeunes enfants comme des personnes âgées de plus de 90 ans. La médecin en chef, Dagmar Komárková avait tout d’abord travaillé dans un hôpital « ordinaire », avant de découvrir ces traitements pendant son congé parental :

Photoillustrative: ČT24
« J’ai étudié à une école de la médecine traditionnelle chinoise ici, en République tchèque. La formation a duré quatre ans et demi. Puis, j’ai passé plusieurs stages en Chine et j’ai fait des études d’acupuncture aux Etats-Unis. »

Cependant, la formation en médecine traditionnelle chinoise n’est pour l’instant pas reconnue par l’Etat. Cela pourrait bientôt changer grâce à un projet qui entend intégrer ces pratiques de la médecine non conventionnelle dans la législation tchèque. Les études, qui seraient proposées par des universités, pourraient préparer à des diplômes formant deux types de praticiens : les « thérapeutes » qui devraient passer une licence en trois ans, et les « spécialistes », ayant effectué un cursus de cinq ans. De leur côté, les professionnels de la santé n’auraient besoin que d’une courte formation de requalification. Professeur de médecine chinoise dans un établissement privé, Jozef Lucký présente les avantages de cette loi :

« Les gens qui étudient ce domaine n’auront plus la crainte de voir leur cabinet fermer demain. Ils sauront quelles sont leurs compétences. Aujourd’hui, n’importe qui peut pratiquer la médecine chinoise. »

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Le projet est vivement critiqué par la Chambre tchèque des médecins (ČLK), qui appelle à ne pas faire de la médecine traditionnelle chinoise l’équivalent des traitements modernes. Au printemps dernier, les médecins en question avaient par ailleurs adressé une lettre soulignant leur opposition à la légalisation de ces cursus scolaires à la Chambre des députés. Ils n’avaient néanmoins pas réussi à convaincre les membres de la Chambre basse du Parlement puisque les députés ont adopté la loi, en avril dernier, à une large majorité, comme s’en plaint le président de la ČLK, Milan Kubek :

« Pourquoi donc l’Etat ne prépare-t-il pas une loi pour réguler tous les guérisseurs ? Car nous avons aussi nos herboristes en République tchèque. »

L’auteur du projet, le député du mouvement ANO et médecin Rostislav Vyzula peut compter dans sa quête sur un allié de poids – le ministère de la Santé qui réfute les arguments de la ČLK. Nous écoutons l’adjoint du ministre, Roman Prymula :

« Nous ne voulons pas remplacer la médecine occidentale par la médecine orientale. Il doit s’agir de traitements complémentaires qui ne seront pas remboursés par l’assurance maladie. »

L’avenir de cet amendement, qui entend également simplifier et raccourcir la formation des infirmiers (cf. http://radio.cz/fr/rubrique/faits/moins-detudes-pour-les-infirmieres-tcheques), sera prochainement débattu par les sénateurs. Il se peut toutefois qu’à la différence des députés, la Chambre haute du Parlement rejette ce projet. C’est du moins ce que le Comité sénatorial pour la santé lui a conseillé de faire.