L'anniversaire de la Charte 77
Cette page d'histoire nous reportera au 1er janvier 1977. Ce jour, le mouvement de dissidents dans l'ancienne Tchécoslovaquie, la Charte 77, a publié son premier document, la Déclaration de la Charte 77, reprenant les formulations de la déclaration finale de la conférence d'Helsinki sur la sécurité et la coopération en Europe. Cet acte servira de point de ralliement aux dissidents tchécoslovaques et aux opposants à la normalisation, consécutive à l'écrasement du Printemps de Prague en 1968. Les activités de la Charte 77 ont duré 16 ans, depuis l'automne 1976 à l'automne 1992. Voici des dates et des données essentielles qui resteront liées au nom de la Charte 77:
Face au régime normalisateur du Président Gustav Husak, la Charte 77 représentait une conscience démocratique et libre de la nation et une opposition permanente aux pratiques totalitaires. Son premier objectif a été tout simple: la Charte ne demandait au gouvernement tchécoslovaque d'alors rien d'autre que de respecter les articles de sa propre constitution relatifs aux droits de l'homme et ancrés dans l'acte final de la Conférence d'Helsinki de 1975. Elle demandait l'accomplissement des libertés et des droits élémentaires de l'homme, que ce soit dans le domaine de la libre pensée, de la religion du droit à l'enseignement ou du droit au libre abandon du pays.
Une impulsion directe à la création de la Charte 77 a été la publication du pacte international sur les droits civiques et politiques et du pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels. Deux documents auxquels la Tchécoslovaquie a accédé sans que le régime totalitaire ne les introduise dans la pratique.
Devenir signataire de la Charte 77 a été, d'après ses premiers promoteurs, une activité libératrice, un moyen de déployer une résistance digne, bien évidemment, au prix des persécutions allant depuis la perte de l'emploi, de l'interdiction de faire des études, jusqu'aux interrogatoires à la police politique, à l'emprisonnement et aux tentatives de bannissement forcé du pays. Le régime faisait tout pour tenir les larges couches de la population dans l'ignorance: du moment de la signature de la Déclaration par Vaclav Havel, Ludvik Vaculik, Zdenek Mlynar, Petr Uhl, Pavel Kohout, Jiri Nemec et Vaclav Komenda, aucun de ces noms n'est apparu dans les médias officiels. Seules les stations radiophoniques Europe libre et la Voix de l'Amérique en fournissaient des informations.
La Charte 77 n'a pas été une organisation politique au sens réel du mot: elle n'avait pas de statuts, ni de membres organisés. L'institution des porte-parole a été son seul organe permanent. Parmi les premiers porte-parole, on note le professeur Jan Patocka, l'ancien ministre des Affaires étrangères, Jiri Hajek et Vaclav Havel, principal animateur de la Charte, élu président de la République après la chute du régime communiste. La Charte a été une communauté libre, non formelle et ouverte à tous, sans distinction de conviction, de profession et de foi, à tous ceux qui ont été unis par la volonté de faire respecter les droits civiques et de l'homme dans le pays et dans le monde.
L'une des principales activités de la Charte 77 a été la publication de documents datés, numérotés et correctement signés: il s'agissait de protestations, de prises de position ou de réactions à l'évolution et à la situation dans le pays destinées à être remises par les porte-parole aux organes de l'Etat et à la presse. Inutile de dire que la StB était toujours là pour l'empêcher. Ainsi, ces documents ne se propageaient que par l'intermédiaire du samizdat ou par le réseau d'Europe Libre, la Voix de l'Amérique et la BBC. Avant la fin de 1989, le nombre de documents publiés a atteint 572.
La Charte 77 n'avait pas d'ambitions politiques. Dans son travail, elle mettait l'accent sur les principes de responsabilité civique, de culture politique, de tolérance et de supériorité de la morale et des valeurs spirituelles sur la politique. Une politique "non politique" a donc été le programme de la Charte 77. Plus tard, quand le nombre de signataires emprisonnés ne cessait d'augmenter, le Comité de défense des poursuivis injustement, le VONS, a été créé dans le pays, alors qu'en dehors, c'était les centres de solidarité et de défense de la Charte, ayant leurs sièges à Paris, à Stockholm, en Autriche, et en Hollande. Les gens réunis autour de la Charte représentaient toute une communauté "underground" qui faisait paraître son journal "Les informations sur la Charte", donnaient des conférences et des spectacles à domicile.
Après la révolution démocratique de 1989, le Forum civique a été crée sur initiative des signataires de la Charte 77 qui avaient une part décisive à la chute du régime communiste.
Novembre 1989 a marqué un tournant dans la vie des signataires. Plusieurs d'entre eux ont été élus au Parlement ou ont accepté des postes au gouvernement. Vaclav Havel a été porté à la tête de l'Etat. La Charte 77 a cessé d'exister le 3 novembre 1992. La déclaration publiée à la fin de ses activités dit que la Charte a joué son rôle historique. Ses signataires ont cependant été invités à continuer à faire prévaloir les idéaux d'une société civique honorable, par des méthodes appropriées à la situation actuelle. 154 signataires se sont catégoriquement opposés à la cessation de la Charte, en décidant, en décembre 1992, de continuer ses activités et de s'enregistrer en tant qu'organisation, ayant pour mission "le soutien de la justesse et le rétablissement du sens de l'honneur et de la moralité dans la société".