L'armée vend les anciennes fortifications frontalières
Les constructions gigantesques en béton érigées à la fin des années 1930 le long de la frontière tchécoslovaque pour défendre le pays contre Hitler sont à vendre. Ne sachant que faire d'eux, l'armée tchèque vient avec une offre publique tout à fait inhabituelle : les intéressés peuvent acheter les blockhaus faisant autrefois partie d'une ligne fortifiée sur les frontières nord, ouest et sud du pays.
« L'armée suppose que la majorité des blockhauss soit vendue et qu'elle ne garde que quelques gros ouvrages équipés d'artillerie. A quelques exceptions près, les fortifications sont en bon état de conservation, compte tenu du matériel dont ils sont faits - le béton qui résiste bien à l'usure du temps. »
Quelques-unes des anciennes fortifications ont été aménagées en musée et rendues accessibles au public. C'est le cas de la forteresse Hanicka et Stachelberg. En descendant dans leurs intérieurs souterrains, obscurs et bien froids, et en écoutant le guide raconter leur histoire, les réminiscences traumatisantes de l'année 1938 revivent :Six jours avant la signature des honteux accords de Munich sur l'annexion des territoires limitrophes à l'Allemagne, la mobilisation générale de l'armée tchécoslovaque est décrétée par le gouvernement tchécoslovaque. Des réservistes sont convoqués depuis déjà le 13 septembre. La détermination à défendre le pays est massive. De même, le volume des forces mises à la disposition de la défense du pays est spectaculaire : 14 corps de commandement, 34 divisions d'infanterie. Une brigade des forces aériennes munie d'avions de bombardement lourds est prête à bombarder l'ennemi à la frontière sud et nord. La défense aérienne est assurée par l'artillerie antiaérienne et l'aviation de chasse. Certaines usines d'armement dont celles de Vsetin, de Povazska Bystrica et d'Uhersky Brod prennent spontanément part à la défense. Celle-ci est renforcée par les fortifications lourdes et légères. La ligne surnommée Maginot est fort redoutée par la Wehrmacht allemande. Hitler laisse même entendre que des pertes similaires à celles de Versailles ne sont pas à éviter. La mobilisation est achevée avec succès, sauf que, finalement, elle ne sert à rien. Les accords de Munich que le gouvernement tchécoslovaque est obligé d'accepter, y mettent fin. L'ordre de démobilisation donné le 6 octobre 1938 suscite un désaccord général dans l'armée. La déception des hommes du rang prêts à combattre est inimaginable. Le système de défense édifié pendant des années reste inexploité. Le pays est amputé de deux tiers de son territoire. Le 15 mars 1939, l'occupation du Protectorat de Bohême-Moravie commence.
Aujourd'hui, les anciens blockhaus ont plus de 70 ans. Pas tous se trouvent dans des endroits cachés et éloignés des maisons d'habitation. On peut les rencontrer sur un sentier touristique ou dans un jardin. Leur utilisation pose des problèmes. Il y avait des tentatives de les exploiter comme entrepôts de légumes et fruits mais le climat n'y convient pas. En dépit de leur âge, ils sont en bon état ce que la majorité d'entre eux doit aux enthousiastes et aux clubs militaires qui n'hésitent pas à investir de l'argent et du travail dans leur entretien. Grâce à eux, ils deviennent une attraction touristique recherchée. Ainsi, la forteresse de Dobrosov accueille annuellement près de 45 000 visiteurs. La majorité absolue des fortifications est hélas laissée à l'abandon. Leur vente est un espoir. Ce qui la complique, c'est qu'elles n'ont pas été inscrites au cadastre, en tant que constructions militaires clandestines. Un avantage, d'autre part, est que les fortifications ne figurent pas sur la liste du patrimoine protégé et ne sont pas soumises à de quelconques conditions. A qui l'armée pense les vendre ? Ecoutons Jan Pejsek :« Nous préférons la vente aux propriétaires des terrains sur lesquels les blockhaus ont été construits, c'est-à-dire aux communes et villes. Si ces dernières n'en veulent pas, ils seront offerts à d'autres intéressés et vendus à ceux qui offriront le plus. Les annonces ont déjà été publiées dans la presse régionale et sur Internet. »
Selon Jan Pejsek, le plus d'intéressés se recrutent parmi les membres des clubs militaires. Quant aux communes et villes sur le territoire desquels les blockhaus se trouvent, c'est très individuel. Ainsi, la mairie de Mikulov, ville morave près de la frontière autrichienne, est l'un des premiers candidats sérieux. L'adjoint du maire, Jaroslav Smecka, a déjà entamé des négociations avec l'armée :« L'armée nous a proposé le transfert gratuit de 46 fortifications figurant sur notre cadastre, mais la ville n'est intéressée que par celles qui se trouvent sur son territoire, concrètement par une grande fortification et deux blockhaus légers qu'elle voudrait confier aux amateurs de l'histoire pour qu'ils les rendent accessibles au public et y aménagent des musées de l'histoire militaire tchécoslovaque. »