Le 6 février 1895 est né Ferdinand Peroutka, journaliste, écrivain, co-fondateur des émissions tchèques d'Europe libre

Dans la pléiade des grands de l'histoire contemporaine tchèque, une place d'honneur revient à Ferdinand Peroutka: penseur, journaliste, écrivain, éditeur, prisonnier des camps de concentration, exilé, et premier directeur des émissions tchèques d'Europe libre. Tout cela l'était, de sa vie, Ferdinand Peroutka. Le prix décerné chaque année aux meilleurs journalistes porte son nom. Peroutka est né le 6 février 1895. Il y a de cela dix ans, en 1991, les cendres de Ferdinand Peroutka, décédé à New York, ont été transférées dans son pays natal et reposent au cimetière national de Vysehrad, à Prague.

Ferdinand Peroutka a été l'une des grandes figures de la première République tchécoslovaque. Sa carrière de journaliste, il l'a commencée lors de son premier exil en Allemagne, où il s'était enfui à cause du refus du service militaire dans l'armée austro-hongroise. De retour en République tchécoslovaque, il s'est vite fait remarquer: homme de lettres et homme politique à la fois, son oeuvre journalistique pouvait, à ce titre, fournir une image mûre et critique sur la société et l'Etat d'entre-deux-guerres. De 1919 à 1924, ses articles tranchants paraissaient dans le journal politique "Tribuna". L'esprit de critique constructive de Peroutka n'a pas pu échapper à l'attention du premier Président tchécoslovaque, Tomas Garrigue Masaryk, lequel, lors de leur première rencontre, en mars 1923, a offert au journaliste un million de couronnes pour promouvoir la parution d'un hebdomadaire indépendant. Celui-ci va s'appeler "Pritomnost"- le Présent, et Peroutka va rester, depuis 1924 jusqu'à 1939, rédacteur en chef de cette revue des intellectuels tchèques en publiant, simultanément, dans d'autres journaux, tel que Lidove noviny.

La création de Peroutka était caractéristique par une orientation univoque vers les valeurs et les traditions démocratiques de la pensée ouest-européenne, tout comme par un style brillant, le sarcasme tranchant et la capacité d'exprimer les formulations exactes et explicites. Son langage ne connaissait pas de mots vagues, ni ambigus ou dogmatiques. En témoignent aussi les titres de ces ouvrages: "Qui sommes-nous", "On continue", et notamment, son oeuvre fondamentale, quoique inachevée, "La construction de l'Etat". Par ses pensées politiques, Peroutka restait hors des partis, à l'exception d'un court épisode qui l'avait, en 1926, amené dans les rangs du parti national, sur initiative de son ami, l'écrivain Karel Capek. Bien que Peroutka ait été un ami très proche du Président Masaryk, il n'est jamais devenu défenseur de la politique du Château. Il convient d'ajouter aussi que les trois hommes: le Président Masaryk et les deux écrivains, Peroutka et Capek, se rencontraient souvent, grâce à des causeries littéraires et politiques non formelles organisées régulièrement chez les frères Capek.

La pensée et les attitudes de Peroutka étaient intransigeantes à l'égard de toutes les dictatures. Cela est devenu fatal pour lui, pour la première fois en 1939, quand il était arrêté par la Gestapo et emprisonné durant toute la guerre dans les camps de concentration de Buchenwald et de Dachau. Mais revenons encore à l'an 1939 qui a marqué le début de l'occupation hitlérienne de notre pays. Une polémique s'est déclenchée, alors, autour de son attitude envers le diktat de Munich. L'idée déterminante de Peroutka, dans ces moments tragiques, a été la suivante: éviter à tout prix la tragédie de la nation. En ce sens, il était d'accord avec le Président Edvard Benes lequel, pour cette même raison, a préféré se soumettre à la décision des puissances.

Le retour de Peroutka, en Tchécoslovaquie d'après-guerre, n'a duré que 3 ans. Ayant renoué avec le travail journalistique, il était le premier à critiquer le nouveau mal: le comportement de certains Tchèques envers les Allemands des Sudètes et le pillage des villages frontaliers. De même que sous la première République, lorsqu'il mettait en garde devant la révolution bolchevique en Russie, Peroutka s'est mis à nouveau à réveiller l'opinion devant le danger d'une nouvelle dictature, le communisme. Après le putsch communiste de février 1948, Peroutka est parti en exil. Ayant passé un certain temps en Allemagne et en France, il a définitivement quitté l'Europe, à la fin des années 50, pour s'installer aux Etats-Unis. C'est là qu'il est devenu co-fondateur de la station radiophonique Europe libre et, depuis 1951, le premier directeur de ses émissions en langues tchèque et slovaque.

Il existe des preuves sur les préparatifs de liquidation physique de Peroutka par le régime des années 50, pour lequel il était l'ennemi numéro 1, par ses critiques des crimes communistes. En exil, il entretenait des contacts avec sa patrie par l'intermédiaire du Conseil de la Tchécoslovaquie libre, considéré comme un contre-gouvernement en exil.

Ce n'est qu'à la fin de sa vie, en Amérique, que Peroutka a pu réaliser son rêve et publier ses romans: "La vie de la Vierge" et "Le nuage et la valse" - une vue panoramique de la guerre. A l'âge de 83 ans, Ferdinand Peroutka meurt, le 20 avril 1978, à New York. En faisant ses adieux à cet homme, son compatriote, l'acteur Jiri Voskovec, a dit alors sur son cercueil: en enterrant Peroutka, on enterre, en même temps et pour toujours, le meilleur esprit démocratique de la première République tchécoslovaque.

Après la Révolution de velours, les cendres de Peroutka ont été, en 1991, transférées dans son pays où elles reposent au cimetière national de Vysehrad, à Prague.