Le 654e anniversaire de la mort du roi Jean de Luxembourg
Le 26 août, jour anniversaire de la mort du roi tchèque Jean de Luxembourg, une messe fut célébrée à la cathédrale Saint-Guy, au Château de Prague. Selon l'écrivain Jan Smid, qui a pris cette initiative, le roi Jean souhaitait les offices pour lui-même et sa famille en raison de la donation qu'il avait faite, en 1341, celle d'édifier la cathédrale Saint-Guy. Ce roi est né sous le signe du Lion, il est mort sous le signe du Lion, mais surtout, il a vécu sous le signe du Lion: pendant 36 ans, il protégeait le pays tchèque devant l'intrusion de mercenaires étrangers. Le 26 août 1346, Jean de Luxembourg a fini ses jours par la mort la plus glorieuse d'un roi dans notre histoire, sur le champ de bataille de Crécy. Grâce à lui, le Royaume tchèque a vécu, pendant 36 longues années, une période de calme et d'essor, au milieu d'une Europe agitée. Cette période aurait pu être plus longue si le roi n'avait pas été fidèle à sa parole de chevalier qui l'empêcha de s'éloigner d'une bataille perdue d'avance. Non seulement Prague, mais aussi la ville de Crécy organise des commémorations en hommage de Jean de Luxembourg, y compris la reconstitution de la bataille mémorable. Ainsi, cette page d'histoire ne peut ne pas remémorer l'époque du règne de ce roi de la dynastie des Luxembourg sur le trône tchèque.
Jean de Luxembourg a trouvé la mort dans la bataille de Crécy le 26 août 1346, dans les rangs des Français où, malgré sa cécité, il avait vaillamment combattu contre le roi anglais Edouard III. La mort du roi aveugle a inspiré des chroniqueurs qui en avaient fourni des témoignages allant de l'authenticité à la légende, expression de respect et surtout d'admiration. Le milieu tchèque cependant ne suivait toujours pas avec trop de sympathie la diplomatie européenne de Jean de Luxembourg, appelé roi étranger. Il est vrai que le jeune roi ne s'est pas identifié entièrement au milieu tchèque. Ses présences plutôt sporadiques, il faut les expliquer avant tout par l'intérêt pour la richesse du royaume, nécessaire pour financer ses expéditions de guerre en Italie, en Allemagne et en France. Car la paix fut en danger permanent en cette période-là, dans les pays tchèques aussi bien qu'au Luxembourg et dans les pays avoisinants. Mais c'est grâce à ces expéditions justement, et aux négociations diplomatiques de Jean de Luxembourg, que le Royaume de Bohême a gagné en renommée dans les milieux politiques de la cour pontificale et auprès des rois européens.
Il n'était point facile pour le roi Jean de Luxembourg de persuader au moins une partie de la noblesse tchèque de la nécessité de libérer l'Etat tchèque de l'isolement politique et de lui permettre un plein épanouissement dans le contexte européen. C'est un grand mérite du roi Jean de Luxembourg que les pays tchèques en ont fini avec leur limitation territoriale, pour entrer dans la conscience de toute l'Europe féodale d'alors. Les pays tchèques sont devenus attrayants pour l'opinion politique européenne, pour les commerçants aussi bien que pour les ambassadeurs des cultures étrangères. La politique étrangère de Jean de Luxembourg, si peu comprise à l'époque en Bohême, fut sans aucun doute une politique moderne et dynamique. Ce roi, resté dans son pays un étranger aux yeux de la noblesse provinciale, a fait pour l'essor du royaume tchèque beaucoup plus que ses prédécesseurs. Grâce à lui, et surtout grâce à son fils Charles, la culture française et italienne seront de mise, évitant dorénavant l'intermédiaire germanique. Et il ne fait pas de doute que sous le règne de son fils Charles IV, le Royaume de Bohême a connu son plus grand épanouissement.
Le fils de Jean de Luxembourg, Charles, est incontestablement le plus grand roi tchèque. Par son père, Charles, baptisé Venceslas, est proche de la grande noblesse occidentale. Son long séjour à la cour de France devrait être déterminant. Il y a abandonné son prénom, pour celui de Charles, s'est lié d'amitié du futur Charles V et y a poursuivi ses études sous la direction de Pierre Roger, futur pape sous le nom de Clément VI. Après un séjour en Italie, il a regagné la Bohême comme représentant plénipotentiaire de son père. En 1346, date de la mort de Jean de Luxembourg, Charles succède à son père sur le trône de Bohême.
Jean de Luxembourg a consolidé comme jamais l'importance du Royaume de Bohême, lequel, sous son fils Charles IV, allait devenir le pays le plus important de l'Europe centrale: il forme alors un trait d'union, en raison de sa situation stratégique, entre l'Europe de l'Est, l'Europe de l'Ouest, mais aussi par rapport à l'Italie. En 1356, Charles IV promulgua la Bulle d'or, acte diplomatique capital qui définit la place privilégiée de la Bohême dans l'empire germanique. En même temps, le roi Charles IV est désigné comme le premier électeur du Saint Empire romain germanique.
Une période de prospérité, commencée par Jean de Luxembourg, se poursuivra encore sous le règne du fils de Charles IV - Venceslas, héritier de cette dynastie. Son règne cependant est marqué par une grave rivalité entre la noblesse, le roi et l'Eglise. C'est déjà la réforme tchèque qui s'annonce. Mais ce serait un autre chapitre de l'histoire que celui consacré aujourd'hui à la période brillante du règne des rois de la dynastie luxembourgeoise sur le trône de Bohême.