Le château de Jezeří

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L’un des endroits les plus intéressants de République tchèque, le château de Jezeří, dans les monts Métallifères, est situé à dix kilomètres du passage frontière avec l’Allemagne de Hora Svaté Kateřiny. Depuis 1623 siège fastueux de la famille Lobkowicz et important centre culturel de la région, Jezeří a été dans un récent passé voué à l’abandon.

L’extraction de lignite qui a enseveli les communes voisines de Ervěnice, Nové Sedlo, Komořany, Třebušice, Dřínov, Albrechtice et Dolní Jiřetín, a failli sacrifier également cette monumentale construction baroque. De ce fait, Jezeří est devenu le symbole d’une lutte contre la dévastation complète de la région. Bien que sauvegardé, le château s’y dresse isolé, au milieu du massif boisé des monts Métallifères, comme l’unique témoin de la civilisation d’autrefois. Cinq ans après notre première visite de Jezeří, nous nous y sommes rendus une nouvelle fois pour voir le progrès des travaux et pour visiter les parties déjà restaurées et rendues accessibles, depuis, au public.

Les visiteurs de Jezeří entrent par un beau jardin du château situé dans la partie supérieure du complexe. La vue qui s’ouvre devant eux du haut de la rampe fait penser à un paysage de science-fiction : rien d’autre que les mines d’extraction de lignite à ciel ouvert. Elles s’étendent jusqu’à la ville de Most où deux nouveaux lacs artificiels viennent d’être crées à la place des mines exploitées. Auparavant, un grand lac se trouvait tout près du château dont le nom, Jezeří, est d’ailleurs dérivé du mot jezero, le lac. Malgré son isolement du reste du monde, et malgré le fait que son nom ait été rayé de la carte à cause de l’extraction de lignite, Jezeří est le deuxième château le plus visité de la région d’Ústí nad Labem, raconte la châtelaine Hana Krejčová :

« En 1996, nous avons commencé en partant de zéro. Le nombre total de visiteurs a alors atteint le chiffre de 600. L’année écoulée, c’était déjà plus de 15 000 visiteurs et ce nombre sera sûrement dépassé, cette année, car nous avons accueilli à ce jour plus de 13 000 personnes et ce n’est pas encore la fin de la saison. Pour la clôturer, le dernier week-end du mois d’octobre, nous proposons depuis quelques années une exposition de fantômes du château qui fait venir plus de 2000 visiteurs. »

La première salle que nous visitons est la salle à manger, ornée de tableaux saisissant l’histoire de l’endroit depuis 1363 lorsqu’un chateau fort se trouvait à cet emplacement. Notre guide Miroslav Přibyl ouvre la porte de la salle voisine où les travaux de construction sont toujours en cours :

« C’est la salle de billard qui se distingue par ses peintures murales mais qui n’ont rien à voir avec l’histoire du château de Jezeří. Il s’agit de répliques des fresques qui ornent la salle de bal au château de Český Krumlov et qui ont été dessinés ici dans les années 1980 par les Américains pour le tournage du film d’horreur Hurlement II. »

La famille princière des Lobkowicz a possédé le château de Jezeří sans interruption depuis 1623 jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale. François Maximilien de Lobkowicz, grand amateur de musique, y a fondé l’orchestre du château. D’illustres musiciens et solistes de Vienne, de Dresde et d’autres villes étaient invités à Jezeří. C’est ici aussi que l’oratorio de Joseph Haydn « La création » a été exécuté pour la première fois, sous la direction de Cartellieri. Des noms de compositeurs tels que Mozart, Salieri et Beethoven sont aussi liés à Jezeří. Christoph Willibald Glück y a passé son enfance et ses opéras et symphonies étaient donnés au théâtre du château de Jezeří. Le romancier Goethe, qui venait se soigner dans les villes d’eau de Teplice et Karlovy Vary, a plusieurs fois séjourné à Jezeří.

Deux incendies ont ravagé le chateau. Son aspect actuel est le résultat des rénovations baroques, observe notre guide :

« Après 1713, le château a reçu son plan caractéristique en forme de la lettre H et son style est un style de baroque tardif. La famille Lobkowicz y est restée jusqu’à la guerre. Après l’annexion des Sudètes au Reich allemand, en 1938, ses membres sont partis en exil en Angleterre. Le docteur Max Ervin Lobkowicz, ami de Jan Masaryk, était l’ambassadeur du gouvernement tchécoslovaque en exil à Londres. Après l’occupation de la Tchécoslovaquie, en mars 1939, Jezeří est passé sous l’administration nazie directement subordonnée à Hitler. Un camp d’internement pour les officiers d’élite des alliés y a été créé. La guerre terminée, les Lobkowicz sont retournés en Tchécoslovaquie, mais pas pour longtemps. Avec le changement du régime et l’arrivée des communistes au pouvoir, leurs biens ont été confisqués et la famille s’est réfugiée cette fois-ci en Amérique. En 1949, les soldats de l’Armée populaire tchécoslovaque s’installent au château de Jezeří. »

L’armée est restée à Jezeří jusqu’en 1955. Les pires moments de son existence, Jezeří les a vécus dans les années 1970 :

« Dans les années 1970, la démolition du château en raison de l’avancement de l’extraction de lignite était envisagée. Laissé intentionnellement à l’abandon, Jezeří était en proie au pillage et commençait à tomber en ruines. Du riche mobilier d’autrefois, rien n’y est resté. Heureusement, la démolition n’a finalement pas eu lieu. Dans les années 1980, après une longue lutte, on a réussi à modifier les limites d’extraction fixées. Les premiers travaux de sauvetage ont commencé avant 1989. Au début des années 1990, le château a été restitué à la famille Lobkowicz, à sa branche de Roudnice. Hélas, la réparation de l’ancien siège familial s’est avérée trop coûteuse et les Lobkowicz ont décidé de vendre, en 1996, le château de Jezeří à l’Etat tchèque pour une couronne symbolique. »

Le circuit de visites ne cesse de s’élargir. Au départ, une seule salle était accessible aux visiteurs. Aujourd’hui, il y en a dix, hormis la chapelle du XIXe siècle avec un ostensoir abritant une rélique précieuse : une épine de la couronne de Jésus. Le reste du château qui compte près de 200 pièces attend seulement d’être restauré. Il n’empêche que Jezeří est un monument de première catégorie, tout à fait exceptionnel tant pour sa valeur artistique et architecturale que pour ses destinées et son rôle de centre culturel de la région des monts Métallifères.

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