Le combat pour ses droits et l'Etat de droit de Yekta Uzunoglu, aujourd'hui en grève de la faim
C'est une affaire compliquée qui sent le crime organisé après la révolution de velours, avec des relents d'histoires d'espions communistes. Yekta Uzunoglu, homme d'affaires kurde originaire de Turquie, a été emprisonné en 1994 pour être relâché plus de deux ans après sans un mot d'explication. Aujourd'hui, 13 ans après, Yekta Uzunoglu veut obtenir justice et souhaite une réforme des institutions judiciaires et policières tchèques. La semaine dernière, il a entamé une grève de la faim, soutenu par plusieurs personnalités de la vie publique tchèque.
Vous avez entamé une grève de la faim la semaine dernière, pourquoi ?
« Il y a 13 ans que je suis persécuté par la justice et la police tchèques. J'étais l'un des plus grands entrepreneurs du pays à l'époque, en 1994. Je venais de signer un contrat de 340 millions de dollars pour Skoda et quand je suis rentré chez moi j'ai été arrêté. Je ne savais pas que c'était des policiers, ils m'ont emmené je ne sais où ; plus tard j'ai su que c'était des membres de la police. J'ai été enfermé en prison pendant deux ans et demi avec les plus grands criminels de ce pays. Au bout de deux ans et demi j'ai été libéré, mais entre temps j'ai reçu la nationalité allemande en prison. »
Donc vous avez été libéré au bout de deux ans et demi sans aucune explication ?
« Sans aucune explication... On pense que c'est le seul cas dans ce pays après la révolution, mais ce n'est pas vrai. C'est un cas qu'on connaît aujourd'hui, mais il y a plein de cas similaires et les gens soit manquaient de courage, soit n'avaient pas assez de moyens pour financer les procès qui coûtent assez cher dans ce pays. »
Quelle est votre interprétation aujourd'hui, 13 ans après - quelle est l'explication à votre arrestation ?
« Le chef de police qui m'a arrêté s'appelle Opava. Entre temps, il a été condamné à 14 ans parce que le juge pense qu'il a été le chef du plus grand gang de ce pays, le gang de Bedrych. C'est lui qui m'a arrêté... Mes avocats ont longtemps tenté de montrer dans mon affaire que ce type était « discutable » mais personne n'a réagi : ils l'ont laissé encore dix ans en exercice, le temps pour lui et son gang de tuer des gens et commettre tous leurs crimes. Il a été arrêté en 2004 seulement... »
Pourquoi cette grève de la faim aujourd'hui ? Vous avez donc la nationalité allemande, pourquoi ne pas quitter ce pays où vous avez par ailleurs obtenu très récemment le prix Frantisek Kriegl de la Charte 77 mais où vous n'arrivez pas à obtenir justice ?
« J'aime ce pays, j'ai plein d'amis ici. A l'époque, dans les années 70, on s'est battu contre le régime totalitaire et on n'avait pas peur à cette époque, je ne trouve aucune raison d'avoir peur aujourd'hui. C'est pour ça, c'est un combat pour ce pays, pour la démocratie et pour un nouveau système judiciaire. »
Qu'est-ce que vous réclamez aujourd'hui en faisant cette grève de la faim ?
« On veut certaines réformes de la justice et de la police, surtout de l'inspection du ministère de l'Intérieur. Il faut qu'on trouve des solutions pour les cas de criminels dans les rangs de la police. »
A votre niveau personnel, vous voulez également que votre nom soit blanchi ?
« Oui, c'est ça. Karel Schwarzenberg, aujourd'hui ministre des Affaires étrangères, fait partie des signataires d'une lettre ouverte publiée il y a neuf mois et intitulée « J'accuse ». Comme Emile Zola, la lettre accuse tous les policiers coupables dans cette affaire, la justice de ce pays et les structures de police coupables dans ce cas. »
Maintenant qu'il est ministre cela pourrait peut-être arranger votre cas ?
« Naturellement, il essaie dans le gouvernement d'actualiser ces problèmes, pas seulement à cause de mon cas, qui comme je l'ai dit n'est pas unique dans le pays. Il faut que ce gouvernement trouve une solution à ce problème. »
Quel est le problème principal, la mafia dans la police ?
« Pas seulement dans la police, dans la justice et au niveau des procureurs aussi. On a une mafia contre laquelle jusqu'à maintenant on ne peut pas se battre. Les politiciens ont peur, les écrivains et les journalistes aussi. C'est la première fois qu'on parle de ça. Mais ça fait déjà 13 ans que j'en parle moi. »