Le Paradis tchèque - où se trouve-t-il vraiment ?
Dans cette rubrique nous vous avons plusieurs fois présenté une magnifique région de la Bohême de l'est et du nord-est, qui porte le nom de « Paradis tchèque ». Aujourd'hui, tout le monde sait que quand on parle du Paradis tchèque, il s'agit de la région qui commence un peu après la capitale de l'automobile, Mlada Boleslav, en direction de Jicin à l'est et de Turnov au nord-est. Pourtant, il n'en fut pas toujours ainsi. Au XIXe siècle, par exemple, une toute autre région de Bohême était appelée « Paradis tchèque ». Ce sera le sujet de notre rubrique touristique de cette semaine.
La région comprise, grosso modo, entre Jicin et Trutnov est-elle vraiment paradisiaque ? Probablement oui, car du point de vue touristique elle offre un peu près tous les attributs que la Tchéquie, en tant que pays hautement touristique peut offrir : de magnifiques paysages, des montagnes, des charmantes vallées, des étangs romantiques, des monuments culturels et historiques, des possibilités de pratiquer un peu tous les sports... sauf la mer bien sûr. Trutnov est une sorte de porte des sports d'hiver vers les monts Jizerske ou les Monts des Géants, ou de circuits touristiques des plus intéressants en été, dans les environs de Jicin on peut visiter les « Prachovske skaly », un ensemble de formations de grès des plus attrayants pour les touristes. La ville de Jicin, elle-même est connue pour le rôle qu'elle a joué dans l'histoire de la marionnette tchèque et même Mlada Boleslav, la capitale de l'automobile tchèque, avec son usine Skoda Auto, située à l'orée du Paradis tchèque peut présenter son quartier historique et ses environs attirants pour le simple touriste, tchèque ou étranger en mal de calme et de promenades à vélo, par exemple, pas trop exigeantes. Vers la fin du siècle dernier, pourtant, une discussion assez animée a éclaté au sein des milieux touristiques. Le Paradis tchèque se trouvait-il vraiment dans cette région ? La discussion a commencé déjà bien avant autour de l'appellation « Paradis tchèque » ? Qu'est-ce que cela voulait dire ? En remontant dans le passé, on est arrivé à la constatation que le Paradis tchèque, au XIXe siècle concernait une tout autre région, tout aussi paradisiaque que celle qui porte ce nom de nos jours. Il s'agissait de la région du nord-ouest de la Bohême, celle qui entoure la ville de Litomerice. Pourquoi ? Bohuslav Balvin, une personnalité de la renaissance nationale tchèque de cette époque nous l'explique en ces termes : « De plein droit, le paysage de la région de Litomerice peut porter l'appellation de paradis de la Bohême, tout ici est fertile, que ce soit les cultures de tous genres, les charmants jardins où les collines décorées de vignes. » Dans ce paradis du XIXe siècle était compris aussi la région des monts des Doksy, petite chaîne de collines sur le cours inférieur de la rivière Ohre, mais aussi celle d'Usti nad Labem, plus au nord. Il ne faut pas oublier, qu'en ce temps-là, la région était habitée par une majorité allemande et faisait donc partie des Sudètes. Pour cette raison, l'appellation de « Paradis tchèque » dépassa les frontières et commença à être employée même en Allemagne voisine, d'où provenait d'ailleurs la plus grande majorité des touristes. On était, d'ailleurs, au temps du développement d'un phénomène nouveau au sein de la société de l'époque : le tourisme... Dans le premier tome d'une oeuvre importante sur le royaume de Bohême, publiée en 1833, et dont l'auteur était l'Allemand Sommer, le Paradis tchèque représente la région de Litomerice pour sa fertilité et son caractère pittoresque. Il est intéressant de constater que les spécialistes allemands de ce nouveau phénomène qu'était le tourisme, probablement lié aux voyages des grands explorateurs, pensaient à une bien plus vaste région que celle de la petite ville de Litomerice pour l'appellation de Paradis tchèque. Cela pouvait être la région de Decin et Usti nad Labem, comme nous l'avons déjà mentionné, avec le cours de l'Elbe qui découpe un canyon dans le massif de grès, ou bien encore celle du château de Strechov, ou bien celle des formations de grès de la frontière tchéco-allemande avec la célèbre Porte de Pravcice. Pour le naturaliste allemand, Alexander von Humbold, le Paradis de Bohême se trouvait dans l'ouest du Massif central tchèque, dont le symbole était représenté par le plus haut sommet, Milesovka, culminant à un peu plus de 1000 mètres d'altitude. Non loin de là, en effet, les curistes pouvaient savourer les bienfaits des bains de Teplice, ou profiter d'une magnifique vue sur les Monts métallifères, le Massif central tchèque, les vallées des rivières Bela ou Bilina. C'était au XIXe siècle... Aujourd'hui, le panorama est quelque peu altéré par le développement de l'industrie minière dans la région. Il est intéressant de découvrir que l'appellation de « Paradis de Bohême », à l'origine, « Paradis tchèque » plus tard, a été fortement influencée par la présence d'une forte minorité allemande sur le territoire de l'ancien royaume de Bohême, au temps de la monarchie des Habsbourg, plus tard après la naissance de l'Etat tchécoslovaque en 1918. En effet, le Paradis tchèque du XIXe siècle se situait dans des régions où la population allemande était majoritaire. Après le déplacement des Allemands des Sudètes, suite aux accords de la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le Paradis tchèque s'est aussi déplacé. Il s'est retrouvé dans la région actuelle de Jicin et de Turnov, grâce aussi à nombre d'écrivains, poètes, ou personnalités du XXe siècle. Mais, déjà vers la fin du XIXe siècle, le premier guide touristique, plutôt une description de la région comprise entre Turnov, Jicin, Liban, Sobotka et Knezmost, mais aussi celle des environs de Mlada Boleslav et de Liberec, était publiée par Vaclav Durych originaire de Turnov. Et c'est pour cette région que le journaliste d'un périodique local employa le terme de « Paradis tchèque ». Pour Durych, ce paradis était sa région, celle de Turnov avec « ses charmants châteaux, ses ruines, ses majestueuses montagnes, ses villes de formations de grès ou ville de pierres, ses monuments glorifiant la Bohême et son pouvoir. Pourquoi le transport du Paradis tchèque de la Bohême du nord-ouest en Bohême du nord-est a-t-il été accepté si facilement ? Très certainement parce que d'une région où la minorité allemande était très présente dans le passé, le Paradis tchèque se retrouvait dans une région à majorité tchèque pouvant être fière de son histoire, non loin des frontières allemandes, certes, mais sur une « terre tchèque ». Comme quoi, le patriotisme peut jouer un rôle important dans la dénomination des régions touristiques. Dans l'histoire du Paradis tchèque, les spécialistes en la matière relèvent encore une chose intéressante : le cycle de peinture intitulée « Ma patrie » du grand peintre tchèque Mikulas Ales, au Théâtre national de Prague, présente quatorze vues. Parmi elles, il y a les rivières Otava et Jizera, alors qu'aucune autre rivière n'est représentée, pas même la célèbre Vltava qui traverse Prague ! Coïncidence ? La Jizera est le principal cours d'eau qui traverse le Paradis tchèque actuel. Pendant longtemps encore, la Tchéquie possédait deux Paradis, l'ancien - mentionné surtout dans la littérature de langue allemande, la région de Litomerice - le nouveau dans les guides touristiques et les oeuvres des écrivains, la région de Turnov et Jicin. Le Paradis tchèque fait aujourd'hui partie des eurorégions, reçoit des centaines de milliers de visiteurs par an, mais... Il est peut-être menacé par le développement du trafic routier et les plans de construction d'une autoroute qui en traverserait une partie. La réalisation de ce plan lui ferait perdre, très certainement, une partie de son atmosphère « paradisiaque ». Nous espérons que ce petit rappel de l'histoire du Paradis tchèque vous donnera l'envie de vous y rendre, de monter aux ruines du château fort de Trosky, visibles à des dizaines de kilomètres alentours, de vous perdre un peu dans la ville de rochers de Prachov, de visiter les châteaux du duc de Vallennstein, de remonter dans le passé, dans le vieux quartier de Jicin, de faire de merveilleuses ballades à pieds ou à vélo dans les environs de Turnov, ou même de descendre l'impétueuse riviére, au printemps surtout, qui traverse ce paradis, la Jizera.
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