Le sanctuaire de Notre-Dame-de-Lorette

Lorette

Le carillon du sanctuaire Notre-Dame-de-Lorette au Château de Prague fête cette année le 235e anniversaire de sa mise en marche en août 1695. Depuis, ce carillon non seulement mesure le temps mais par son jeu rend la vie des Pragois plus agréable et attire l'attention de visiteurs. Je vous invite donc à visiter ce beau monument historique se trouvant sur la place Loretanske, en compagnie du palais Cernin, siège du ministère des Affaires étrangères, et de l'ancien couvent des capucins.

Lorette
Le sanctuaire de Notre-Dame-de-Lorette, un haut lieu de dévotion, est aussi un important complexe architectural. Il s'organise autour d'une Santa Casa (maison sainte), réplique d'un sanctuaire italien à Loreto près d'Ancône, qui, selon la légende, serait la maison de la Vierge transportée par des anges en 1294. La réplique pragoise de la Santa Casa, qui d'ailleurs n'est pas unique en Bohême, il en existe une cinquantaine réparties dans tout le pays, affirmait la victoire des catholiques en célébrant le culte de la Vierge, après la bataille de la Montagne Blanche. Dans l'ensemble qui se visite aujourd'hui, la Santa Casa qui en est le centre architectural et idéologique, fut le premier bâtiment, puisqu'elle fut construite de 1626 à 1631 par Giovanni Battista Orsi, grâce à l'argent de la princesse Benigna Katerina de Lobkowicz qui, après avoir visité la Santa Casa de Mikulov, en Moravie du sud, souhaita édifier un site analogue à Prague.

Seize colonnes engagées en chapiteau corinthien rythment sa façade et ménagent des niches où sont placées des statues de prophètes et de sibylles. Les reliefs relatent la vie de la Vierge. A l'intérieur, l'autel en argent et la statue en bois de tilleul sont consacrés à la Vierge. Le reste du complexe s'édifia rapidement autour : la cour est entourée de cloîtres construits avant 1664, plus tard surmontés d'un étage par l'architecte baroque célèbre, Kilian Ignac Dientzenhofer, entre 1747 et 1751.

La façade est l'oeuvre de Krystof Dientzenhofer, le père. Il l'éleva en 1721, juste avant de mourir. Elle sera achevée par son fils qui aménagera la terrasse. Elle se compose de deux pavillons latéraux, d'un corps central avec un clocher coiffé d'un bulbe. Son décor se présente comme celui d'un retable sculpté, où le thème de l'Annonciation tient la place centrale. Sur le pignon gauche de la façade, Marie est agenouillée tandis que l'ange se trouve sur celui de droite. Ils sont accompagnés, sur la balustrade et au-dessus du portail, de statues de saints et des évangélistes.

L'église de la Nativité est la plus grande chapelle du complexe et l'une des plus belles réalisations baroques de Prague. Jan Jiri Aichbauer (1685-1737) agrandit en 1734 l'église à laquelle avaient aussi travaillé les Dientzenhofer. Vaclav Vavrinec Rainer peignit la fresque du choeur La présentation au temple, Jan Adam Schöpf réalisant celle de la nef. Les tableaux des autels latéraux sont d'Antonin Kern, l'un des meilleurs maîtres de la tendance rococo et dont on retrouve les oeuvres au musée du couvent Saint-Georges, au Château. La statuaire très abondante semble être mise en scène et donne un petit air de théâtre à ce sanctuaire.

A l'angle sud-est du cloître nous trouvons la chapelle Notre-Dame-des-Douleurs, dont un autel latéral de 1730 présente une curieuse scène : il est dédié à une sainte espagnole, sainte Wilgeforte. Selon la légende, la princesse vertueuse aurait demandé à Dieu de la protéger d'un mariage arrangé par son père avec un païen. Ce qu'il fit en la gratifiant d'une imposante barbe. Le père, furieux, aurait alors fait crucifier la malheureuse. Le culte de cette sainte espagnole ne s'imposa jamais en Bohême, pas plus que celui d'autres saints ainsi importés, notamment saint Félicissime et sainte Marcia, dont les squelettes sont conservés sous les autels latéraux de l'église de la Nativité. Toutefois la tradition populaire reconnaît dans ce portrait de sainte Wilgeforte une autre sainte tchèque du haut Moyen Age, Starosta, dont la légende est identique. On ne peut pas quitter le sanctuaire de Lorette sans voir des précieux objets d'orfèvrerie conservés à l'étage, dont le fameux Soleil de Prague, ostensoir aux 6222 diamants, signé des plus grands artistes viennois, don de Ludmila Eva de Kolowrat qui légua sa fortune au sanctuaire.

En face du sanctuaire Notre-Dame-de-Lorette, il y a le palais Cernin, siège du ministère des Affaires étrangères. Il est l'oeuvre principale de Francesco Caratti, les réaménagements intérieurs étant confiés à F. M. Kanka qui créea aussi le jardin baroque. Carlo Lurago construisit les portails d'entrée en 1747. Le commanditaire de ce palais, le comte Humprecht Cernin de Chudenice entendait rivaliser avec le Château. Entre celui-ci et son palais ne s'élevaient que quelques demeures modestes, l'endroit étant ravagé pendant la guerre de Trente Ans.

En 1779, dans un état de délabrement avancé, le palais fut mis en vente mais ne trouva pas acquéreur. Il fut transformé en hôpital pendant les guerres napoléoniennes, puis en caserne en 1851. Siège du ministère des Affaires étrangères à partir de 1919, il abrita aussi le siège du protectorat nazi lors de la dernière guerre. Une autre page tragique s'écrivit ici quand on retrouva le 10 mars 1948, au pied du palais, le corps disloqué de Jan Masaryk, fils du premier président de la République tchécoslovaque, alors ministre des Affaires étrangères dans le cabinet Gottwald.

Avant de quitter la place de la Lorette, voici encore quelques mots sur l'ancien couvent des capucins, le plus vieux monastère de cet ordre en Bohême. Il fit construit au début du XVIIe siècle. L'église de Notre-Dame-des-Anges a la modestie des constructions chères aux capucins. Le cycle des quatorze peintures gothiques qui l'avaient ornée est maintenant à la Galerie nationale. A Noël, elle abrite la plus grande crèche de Prague en bois, datant du XVIIIe siècle.

Auteur: Astrid Hofmanová
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