Le Signal festival ou le futur de Prague en lumières
En quelques années, le Signal festival s’est imposé à Prague comme un des rendez-vous incontournables au cœur de l’automne. A chaque édition, des centaines de milliers de personnes se pressent pour découvrir des installations lumineuses qui offrent une autre perspective sur la ville et son espace. Le festival des lumières, dont la sixième édition, débutée jeudi, s’achève ce dimanche, propose une vingtaine de créations. Certaines sont signées d’artistes étrangers, et notamment français, comme Romain Tardy ou Guillaume Marmin, que Radio Prague a rencontrés.
Après Vinohrady et le centre-ville, investir Karlín
En 2013, lors de la première édition du festival, un quart de million de personnes avaient investi les rues de la capitale tchèque pour découvrir sous un nouvel angle de nombreux édifices de la ville. L’année dernière, ils étaient quatre millions. Le Signal festival a connu un développement rapide, et il entend bien poursuivre sur cette lancée. Matěj Vlašánek est le coordinateur du programme de l’événement :
« Pour cette édition, nous avons préparé un certain nombre de changements. La principale nouveauté, c’est que nous avons pour la première fois investi le quartier de Karlín, où les visiteurs peuvent découvrir cinq installations et où le festival a cette année été lancé. On y trouve aussi l’un des temps forts du festival avec l’installation ‘Future Ruins’ de Romain Tardy. »L’œuvre de Romain Tardy, artiste visuel reconnu et qui a déjà réalisé des installations dans de nombreux pays autour du globe, est en effet visible sur la place de Karlín. Elle tire profit de la façade de l’un des plus grands édifices religieux en Tchéquie, l’église Saints-Cyrille-et-Méthode. Romain Tardy :
« Cela a été adapté spécifiquement pour cet endroit, pour cette église. Je suis venu en repérages à Prague, une ville que je connaissais déjà puisque j’avais eu la chance de participer au Signal festival pour la deuxième édition. C’était il y a quelques années maintenant. Et donc, quand l’équipe m’a présenté ce lieu, on s’est dit que cela pouvait être très bien pour ‘Future Ruins’. Il y a ce contraste. Le rapport de tailles, d’échelles entre l’église et les structures lumineuses fonctionnaient bien. L’ambiance du parc, aussi, était intéressante. »
Marier les époques
« Ce contraste », dont parle Romain Tardy, c’est le mariage entre des époques, des architectures et des technologies différentes…
« C’est une installation qui s’appelle ‘Future Ruins’, qui est composée d’une projection vidéo sur la façade de l’église, d’une quinzaine de structures lumineuses à base de tubes LED et d’un système son avec plusieurs canaux. L’idée de cette pièce, c’est d’évoquer quelles pourraient être les ruines de notre époque, nos ruines technologiques. C’est pour cela que je suis content de présenter ce projet en face d’une église qui a plusieurs siècles et de créer ce contraste entre une architecture très ancienne et des éléments, faits d’aluminium et de barres LED, très technologiques aujourd’hui. Cela nous permet de confronter deux époques différentes. »Une idée partagée par son collègue Guillaume Marmin, qui figure à l'affiche du festival et dont on trouve l’installation au cœur de la ville de Prague, aux abords du pont Charles :
« Je trouve intéressant de voir comment des outils d’aujourd’hui, des lumières avec du design d’aujourd’hui, dialoguent avec ce style très classique, avec les dorures, avec les moulures, avec les peintures. On pourrait penser que tout cela est assez éloigné mais en fait, je trouve que cela crée une complémentarité qui marche plutôt pas mal. »
La recherche d’un langage commun entre lumière et musique
Guillaume Marmin a lui été invité à jouer avec le palais Colloredo-Mansfeld, un édifice dont l’architecture a beaucoup évolué et aujourd’hui marqué par le style néo-rococo. Le visiteur est plongé en immersion dans un couloir à l’ambiance travaillé avant de rejoindre la pièce principale du bâtiment…
« Le spectateur se retrouve face à un mur qui est recouvert de projecteurs. Il y a 120 projecteurs que nous avons fabriqués nous-mêmes et qui sont capables de créer des faisceaux très fins. Je voulais que ce soit des lignes de lumière qui dessineraient l’espace, grâce à la projection d’un brouillard dans la salle. Il y a aussi un éclairage périphérique, qui permet d’éclairer chaque partie des murs de la salle. Tout cela est animé sur la même composition sonore, pour créer une sorte de scénographie lumineuse, qui est vraiment dédiée pour ce lieu, parce que c’est une nouvelle installation qu’on a pensée vraiment en fonction du lieu. C’est pour cela que cela s’appelle ‘Rococo’ d’ailleurs. »Le Signal festival propose avant tout une expérience visuelle. Mais dans le cas de « Rococo », l’ambition est également de mobiliser d’autres sens…
« Je travaille avec Philippe Gordiani, qui est un compositeur et ami français. On a l’habitude de travailler ensemble. On cherche vraiment un langage commun, entre la lumière et la musique. Nous avons donc une manière d’écrire assez complémentaire. On essaie d’imaginer à la fois la musique et à la fois ce que cela peut donner visuellement. »
Un événement européen inscrit dans l’histoire au futur de son pays
Depuis plus de cinq ans, le Signal festival permet donc cette discussion entre les disciplines artistiques. Il est progressivement devenu un des événements majeurs du genre sur le continent européen. Romain Tardy a pu constater son évolution :« C’est très intéressant de revenir cinq ans après la première fois. Il y a cinq ans, les gens commençaient un peu à en entendre parler mais on ne le connaissait pas vraiment. Maintenant, je pense que cela fait partie des références européennes des festivals de lumières. On en entend parler en France, en Belgique aussi où j’habite maintenant. C’est un festival qui est vraiment connu dans toute l’Europe, c’est un beau projet européen. L’Europe est quelque chose qui me tient à cœur et je suis donc content de pouvoir y participer et d’en parler avec des artistes qui viennent aussi de toute l’Europe et même d’au-delà. »
Pour la première fois, le festival a choisi de mettre en avant un thème. Celui-ci est de rigueur puisqu’il s’agit de s’associer aux célébrations du centenaire de la création de la Tchécoslovaquie. Mais le Signal festival a décidé de prendre le problème à l’envers. Matěj Vlašánek :
« Notre festival et nos installations sont liés à un travail avec des technologies modernes, et même les plus modernes, par exemple avec l’intelligence artificielle. Il nous a donc semblé que, plutôt que de se tourner vers le passé, ces cent dernières années, nous devrions nous orienter vers le futur. C’est pour cela que nous avons choisi le thème ‘NEXT:100’. La question que nous avons posée aux artistes qui installent dans le cadre du festival, c’est de savoir quelle est leur vision des cent années à venir, en ce qui concerne l’évolution de la société, de notre Etat commun, ou bien dans l’accès à l’art et à la création. »Les réponses sont à découvrir jusqu’à dimanche soir à Prague. A noter que les installations en extérieure sont gratuites, même si l’achat de lunettes 3D est parfois recommandé pour profiter de certaines créations, tandis que celles en intérieure sollicitent les portefeuilles des festivaliers.