Les ballades pragoises de Vladimír Merta
Artiste touche-à-tout, le musicien et compositeur tchèque Vladimír Merta est également un chanteur qui s’est très tôt engagé contre le régime communiste. Membre du cercle de chanteurs folk Šafrán, qui regroupait entre autres musiciens de talent Jaroslav Hutka, Vlastimil Třešňák, Dagmar Andrtová-Voňková ou Jiří Dědeček, et qui fut très vite interdit par les autorités d’alors, Vladimír Merta est l’auteur de nombreuses créations. Il est également à l’origine d’un album intitulé, en français, Ballades de Prague, fruit d’un séjour à Paris dans les années 1960.
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C’est grâce à la relative libéralisation des années 1960 en Tchécoslovaquie que Vladimír Merta a pu se rendre dans l’Hexagone, avec une bourse d’études de plusieurs mois. L’invasion du pays par les armées du Pacte de Varsovie change la donne. Il y a quelques années, il s’était souvenu de cette époque au micro d’Alžběta Ruschková :
« Après l’occupation russe, je suis resté en France. Grâce à l’hospitalité du gouvernement français, tous les Tchèques, étudiants comme touristes, ont été accueillis. On nous a donné une petite bourse de 400 francs, ce qui correspondait à peu près à ce que les étudiants payaient à l’époque pour un logement dans le Quartier latin. J’ai voulu y étudier, mais c’était malheureusement pendant la révolte des étudiants, et à Rennes il n’y avait aucun programme pour les architectes. Au bout de quatre mois, je suis donc rentré à Prague pour y passer quelques examens. Je suis ensuite revenu en France, mais seulement pour y finir certaines affaires. Ce qui est important, c’est que j’y ai enregistré un album chez la société Vogue, qui n’existe plus aujourd’hui. Je suis donc rentré à Prague comme Bob Dylan, avec mon premier LP. »
C’est ainsi qu’est donc né le seul et unique album de Vladimír Merta avec un titre français : « Ballades de Prague ». Cet album contient à la fois des chansons populaires tchèques et les propres créations de l’artiste. Ce relatif succès en dehors des frontières de son pays d’origine ne l’a pourtant pas convaincu de rester en France :
« Je ne me suis pas accommodé de l’exil ou de l’émigration. Pour moi, c’était une honte de rester en France, de boire du vin et de manger des gâteaux, et de laisser les autres se battre. C’était si soudain que nous n’étions pas vraiment préparés. Et puis comme j’étais un petit chanteur européen avec mon premier album, j’ai cru que la société Supraphon (le seul éditeur de musique en Tchécoslovaquie dans les années 1970 et 1980, ndlr) allait vouloir enregistrer quelque chose avec moi chez nous aussi. Mais à mon retour, cela a été une grande désillusion… »
Les années de normalisation ont représenté un coup de massue pour la plupart des artistes qui n’étaient pas dans les petits papiers du régime. L’album Ballades de Prague reste donc comme le témoignage d’une époque marquante mais révolue : celui d’une liberté à laquelle on a goûté, mais qui laisse un goût amer.