Les films tchèques des années 1960, connus ou moins connus, sortent en DVD en France

Coup de chapeau et coup de cœur pour la maison d’édition et de distribution de films français Malavida, qui a pris l’initiative d’éditer, souvent pour la première fois, les grands chef-d’œuvres de la nouvelle vague tchèque des années 1960, connus ou moins connus. Avec en prime : un beau graphisme côté jaquette, ce qui ne gâche rien à l’affaire. Lionel Ithurralde, de la société Malavida évoque pour Radio Prague ce travail d'édition.

« On est à la fois une boîte de distribution de films en salle et une boîte d’édition et de distribution de DVD. On est majoritairement orientés vers l’édition de DVD de films d’auteur, que ce soit dans différents genres : documentaires, fictions, animation, etc. Depuis deux ans, on s’est réorientés vers l’édition de films des années 1960, majoritairement européens. Ce qu’on pourrait appeler une ‘nouvelle vague’. »

Dans ce cadre-là vous vous êtes notamment intéressé au cinéma polonais, mais vous vous êtes aussi penché sur le cinéma tchèque, en tout cas tchécoslovaque à l’époque. En 2008, vous avez commencé par éditer des films tchèques. Pourquoi avoir décidé d’éditer ces films tchèques ? Parlons d’abord de ceux de 2008...

Photo: Malavida
« En 2008, on a édité deux films de Menzel : Mon cher petit village et Trains étroitement surveillés, ainsi que le film de Milos Forman L’as de pique. On a édité Le miroir aux alouettes, de Jan Kadar et Elmar Klos, et le dernier, c’était Les petites marguerites, de Věra Chytilová. Pourquoi ces films-là ? On savait très bien qu’il y a un manque côté édition de DVD de films du cinéma tchèque des années 1960. Rien n’avait été édité en France à part L’incinérateur de cadavres de Juraj Herz. C’est vrai que le cinéma tchèque de cette époque est très réputé mais on n’avait pas l’occasion de le voir. On a eu la chance d’obtenir les droits sur quelques films pour commencer. Comme l’expérience s’est avérée très concluante tant en termes de critique que de ventes et surtout de qualité des films, on s’est dit que ça valait le coup de développer cet aspect-là de nos éditions et d’éditer une sorte de panorama assez large de ce qui s’est fait dans le cinéma tchèque de ces années-là, du début des années 1960 jusqu’en 1970. »

Cet automne vous ressortez de nouveaux films. Parmi ceux-ci, certains moins connus. Tout à l’heure vous évoquiez Menzel et Forman, qui n’existaient pas en DVD, mais ils ont pu passer parfois en France au cinéma de minuit ou sur Arte. Mais vous éditez des films comme Markéta Lazárová, par exemple, un monument du cinéma tchécoslovaque, connu des Tchèques, mais sans doute moins connu à l’étranger...

Markéta Lazarová
« Oui. En France on se targue souvent de diffuser le cinéma mondial mais c’est vrai que sur l’exemple du cinéma tchèque, comme d’autres cinémas européens de cette période, ce sont les Anglo-saxons qui, en général, font un travail plus développé que les Français. Markéta Lazarová, on pouvait le trouver en Angleterre et aux Etats-Unis. Les Anglo-saxons ont écrit pas mal de choses sur le sujet, ont commencé à éditer beaucoup de films, tandis qu’en France, non. On l’a vu, on a trouvé que c’était un chef-d’œuvre comme par exemple Un jour, un chat que je trouve formidable.
Markéta Lazarová
On a été étonné par le niveau de qualité cinématographique, la diversité de ces films, autant thématique que visuelle. Sur les neufs titres qu’on édite, qui sont de neufs réalisateurs différents, on peut dire que la qualité est exceptionnelle. On envisage d’ailleurs de faire la même chose pour 2010. Ce qui est étonnant, c’est que Markéta Lazarová est une grande fresque historique qui n’est pas du tout dans l’esprit du cinéma tchèque des années 1960. C’est une sorte d’OVNI, mais qui est d’une qualité étonnante. »

C’est intéressant : vous sortez également Un cas pour un bourreau débutant de Pavel Juráček qui a l’air d’être un film surréaliste, complètement sorti de nulle part...

« C’est complètement surréaliste. C’est quasiment mon film préféré de la série des neuf. C’est brillant. Le réalisateur a une trajectoire étonnante. Il a pu réaliser quasiment un seul film de long-métrage et ensuite a été obligé de ne travailler que sur des scénarios. Il avait un univers très décalé, surréaliste. Il ne s’est pas intégré à la normalisation après 1968 et a été empêché de travailler. Pour moi c’est un des plus brillants. On aura peut-être un peu de mal à diffuser le film en France mais je trouve qu’il méritait d’être édité. C’est à découvrir ou à redécouvrir pour certains. Cela correspond à notre idée pour cette collection : éditer les films les plus connus comme Les petites marguerites, qui est une sorte de film culte mondial, mais aussi éditer à côté de cela, des films moins connus, mais de qualité équivalente voire supérieure. »

Vous comblez en effet un manque en France. Vous avez également aggrémenté ces DVD de bonus. Notamment il y a des interviews réalisées par Antonín Liehm...

« On est en contact avec Antonín Liehm qui réside la plupart du temps à Paris. Il a édité un recueil d’interviews avec des réalisateurs et techniciens du cinéma de ces années-là. C’est un document étonnant car ce sont des interviews très fouillées. Elles ont été réalisées entre 1965 et 1969. Pour beaucoup d’entre elles, en plein printemps de Prague. Ce sont des documents très éclairants sur la façon dont les réalisateurs tchèques pensaient leur cinéma à l’époque, la situation politique et l’avenir. »

Qu’y apprend-on justement ?

« Ce qui est étonnant c’est de voir justement la diversité des avis sur 1968. Il y en a qui sont extrêmement pessimistes et qui ont eu raison sur ce qui allait se passer. D’autres étaient optimistes. Mais finalement personne ne savait vraiment ce qui allait se passer, juste avant l’arrivée des chars et même juste après. Beaucoup de gens pensaient que les Tchèques allaient résister malgré l’occupation. Il y avait une sorte de sous-estimation de la puissance de la censure et du régime totalitaire qui allait se réinstaller. »

En ce qui concerne le sous-titrage, avez-vous refait des sous-titres ou avez-vous réutilisé les sous-titres déjà existants ?

L'as de pique par Miloš Forman
« On s’est appuyé sur des sous-titres déjà existants en sachant qu’il a fallu entièrement les refaire. Tout simplement parce que les standards des sous-titres de l’époque ne sont plus les mêmes qu’aujourd’hui. Ils étaient en général incomplets, il y avait pas mal de coquilles et des erreurs de traduction. On a dû les refaire. Et on a dû restaurer les films en terme d’image. Mais dans l’ensemble ils étaient de bonne qualité. La cinémathèque tchèque a fait un bon travail de conservation par rapport à d’autres films est-européens. Les masters qu’on a eus étaient plutôt bien conservés mais nécessitaient une restauration. »