« Les jeunes designers tchèques savent désormais confronter la tradition au monde contemporain »

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La 18e édition du Designblok s’est achevée lundi à Prague. Quelque 200 créateurs de différents domaines du design, en provenance d’une vingtaine de pays, ont participé à ce qui est devenu le plus important rendez-vous consacré au design en République tchèque. L’occasion pour nous d’évoquer l’évolution récente du design tchèque avec Gilles Massé, chef de projet de l’une des sections du prestigieux Salon du meuble de Milan et membre cette année d’un jury à Designblok :

« Je viens à Prague depuis près de dix ans pour acheter, d’abord les u décorations de Noël pour La Rinascente (société italienne de grands magasins de haut de gamme spécialisée dans le secteur des produits d'habillement et d'équipement pour la maison), et depuis trois ans pour le Wallpaper store (exposition consacrée au papier peint) du Salon du meuble de Milan. En l’espace de dix ans, j’ai donc vu la transformation des designers tchèques et leur capacité à se confronter au reste du monde. Il y a huit ou dix ans de cela, on trouvait des collections un peu basiques dans le sens où, en République tchèque, on trouvait toujours du verre, de la porcelaine et d’autres grands classiques de ce type. Mais il n’y avait pas de contamination entre les matériaux, les designers et les catégories. Il y avait les grands designers comme Borek Šípek qui étaient bien présents sur la scène internationale mais proposaient toujours un peu le même style de produits. Aujourd’hui, on rencontre des jeunes designers qui osent faire quelque chose de différent. J’ai donc assisté durant cette décennie à une véritable évolution du concept de la part ces designers. Celui-ci est désormais plus en ligne avec le design international. »

Le design tchèque est-il donc plus compétitif ?

Photo: Présentation officiele du Designblok 2016
« Exactement. C’est un design contemporain qui ne parle pas seulement aux Tchèques. Nous avons affaire à des designers qui sont conscients qu’ils sont capables de produire en République tchèque, mais que ce marché est insuffisant et qu’il leur faut donc parler la langue de Londres, de Paris, de New York ou de Hong-Kong. Ce sont désormais des jeunes designers qui ont beaucoup d’énergie, veulent voyager, rencontrer des gens et rendre compte de la compétition sur les marchés internationaux. Pour cela, il faut donc créer des produits intéressants qui peuvent se vendre et être compétitifs dans le monde. »

Ces designers conservent-ils néanmoins leur particularité tchèque ?

« Je crois qu’il existe vraiment une particularité tchèque. On rencontre beaucoup de jeunes qui vont à l’école à UmPrum (L’Ecole des arts appliqués de Prague, établissement d’enseignement supérieur artistique) ou sont nés à Nový Bor (ville de Bohême du Nord célèbre pour sa production de verre) et sont donc confrontés à des traditions de production tchèques. Ils possèdent une éducation traditionnelle tout en étant confrontés à un monde contemporain. Ils intègrent donc cette tradition pour la transformer et l’adapter au marché international. La particularité tchèque est donc cette capacité de connaître l’histoire du design et de l’art de leur pays. En même temps, il y a cent ans de cela, ce n’était pas seulement la République tchèque, cela regroupait un peu tous les pays d’Europe de l’Est avec la culture du verre, de la porcelaine et des grandes traditions de manufactures. Ces designers tchèques sont donc jeunes, mais ils savent comment on souffle le verre, comment on produit un vase ou une lampe… Tout un tas de produits dont les designers français ou italiens ne savent peut-être pas grand-chose parce qu’ils n’ont pas été éduqués et confrontés à cette longue tradition qui existe en République tchèque. »