Les mosaïques du Jugement dernier et le tableau du Mendiant crucifié

Notre balade nous amènera aujourd'hui au Château de Prague, d'abord pour parler d'un précieux monument qui vient d'être inauguré après une longue restauration, et puis, comme tous les derniers week-ends du mois, pour céder le micro à notre collaboratrice, Jaroslava Gregorova, pour une nouvelle légende s'attachant cette fois-ci au Château de Prague.

huit ans de restauration à l'Institut américain Getty, les mosaïques représentant le Jugement dernier à la façade sud de la cathédrale se sont à nouveau présentées au public. On peut de nouveau admirer les mosaïques telles qu'elles étaient au moment de leur création, en 1371, à la commande de l'empereur Charles IV. On y voit le Christ - juge décidant des destinées des vivants et des morts ressuscités quand viendra la fin du monde. Agenouillés dans les tympans de l'arc central, les mains jointes en une solennelle supplication, on y reconnaît Charles IV et sa dernière épouse, Elisabeth de Poméranie. Autour d'eux, un groupe de six saints Tchèques.

Dans la longue histoire de ces mosaïques, il y avait relativement très peu d'occasions de voir cette oeuvre, composée de millions de petits cubes et de petites pierres, dans toute sa beauté. Bien qu'elles aient subi plusieurs restaurations durant les six cents ans, l'effet de ces dernières n'a jamais été de longue durée. Les mosaïques se sont toujours très vite perdues sous une couche grise de poussière. Lors d'une restauration complète en 1910, les mosaïques ont même été retirées et nouvellement installées. Non seulement l'air pollué, les incendies et les guerres, mais aussi un crépi dont elles étaient recouvertes au 17e siècle, ont abîmé cette oeuvre et contribué à son mauvais état.

La restauration de ce monument unique a été confiée à l'Institut américain Getty. Pendant six ans, une équipe internationale de savants, d'historiens et de conservateurs travaillait sur la recherche de la méthode de restauration la plus convenable. Finalement, elle a développé une méthode nouvelle: la surface de 84 mètres carrés des mosaïques a été soignée à l'aide du passage au jet d'air compressé et de poudre de verre. Après ce nettoyage, on a appliqué un revêtement protecteur. Le travail même a duré deux ans. Son coût se situe entre 350 000 et 500 000 dollars.

Aujourd'hui, un peu d'air pragois est à Los Angeles. Les laboratoires de l'Institut Getty abritent une boîte contenant l'air pragois. Au fond de la boîte, il y a un petit cube des mosaïques gothiques ornant la cathédrale Saint-Guy. L'explication est simple. On simule ce que les déchets pragois peuvent faire, en quelques années, des mosaïques restaurées.

L'empereur germanique et le roi tchèque, Charles IV, a fait orner par ce bijou la porte Dorée de la cathédrale Saint-Guy dans les années 1370 - 1371, sous l'effet de ses voyages en Italie. Les mosaïques sont donc fort probablement une oeuvre de maîtres vénitiens inconnus. A l'Est du Rhin et au Nord des Alpes, c'est une oeuvre gothique unique en son genre.

Pendant cinq siècles, la façade sud sera la façade principale et la porte Dorée, qui doit son nom justement au fond rouge et or des mosaïques, l'accès à la cathédrale. A partir de 1929, c'est la porte ouest qui devient la porte principale de la cathédrale. Et c'est ici que je vous laisse en compagnie de Jaroslava Gregorova.

La grille monumentale de l?entrée principale du Château de Prague, ornée d?un groupe de sculptures, qui représente des colosses en lutte, s?ouvre sur la place Hradcanske namesti. Sur le côté droit s?étend le palais Archiépiscopal.

Jadis, un tableau magnifique représentant le Christ crucifié était suspendu au-dessus de l?autel de la chapelle du palais. L?auteur de l?oeuvre était un peintre étranger dont le nom reste inconnu. Maître de son métier, il voulait saisir le plus fidèlement l?expression de l?angoisse mortelle sur le visage du Christ, pour satisfaire l?archevêque qui avait commandé le tableau. Il faisait de son mieux, mais l?expression du visage n?était toujours pas celle qu?il désirait. Au bout de force et d?inspiration, il a décidé d?aller chercher un modèle dans les rues de Prague. Finalement, il a réussi à trouver, sur le pont Charles, un mendiant dont le physique lui convenait. Il lui a demandé de servir de modèle pour son tableau en lui proposant une somme modeste. Le mendiant a accepté sur place. Le peintre l?a ramené dans son atelier et l?a attaché sur une grande croix en bois. Par cette manoeuvre, il voulait rendre la scène la plus authentique possible et donner libre cours à son inspiration. L?expression du visage du mendiant n?était pourtant pas celle qu?il espérait. Il resserra les cordes pour faire souffrir le mendiant et lui arracher ainsi une expression de douleur au visage. Contrairement à l?attente, le mendiant avait plutôt une expression de fureur et de colère. Ne sachant plus que faire, le peintre dégaina son poignard qu?il portait dans les plis de son habit, et le planta dans le coeur du pauvre homme. Cette fois-ci, le mendiant mourait vraiment. L?expression de l?angoisse mortelle était enfin présente dans les traits de la victime ! Le peintre pouvait achever son oeuvre.

Le tableau était très réussi. Un vrai chef-d?oeuvre. Mais au prix de la vie d?un être humain. Poursuivi par les remords, le peintre avait un comportement de plus en plus étrange. La nuit, il se baladait dans les ruelles sombres de Prague et murmurait des mots inintelligibles. Parfois, il éclatait même d?un rire malsain. L?artiste a complètement perdu la raison ! Pendant une de ces crises de folie, il se jeta au bas d?un des rochers qui bordent la Vltava. Son corps n?a jamais été retrouvé, mais on dit que, de temps à autre, on peut apercevoir une étrange lumière sur la surface de la rivière.

Le tableau du Christ crucifié a disparu un jour et on ne l?a jamais revu. Sa disparition reste jusqu?à nos jours inexpliquée.