Les pilotes tchécoslovaques en Grande-Bretagne

Cesti letci

De nouveaux témoignages ont été livrés par des archives sur les pilotes tchécoslovaques péris lors de la bataille aérienne de la Grande-Bretagne. Jusqu'ici, 150 pilotes ont eu le statut de "porté disparu". 57 ans après la fin de la guerre, leurs familles pourront enfin apprendre où est dans quelles circonstances ils étaient morts.

Pilotes tchécoslovaques
Le mérite en revient à l'historien Jiri Rajlich de l'Institut historique de l'Armée de la République tchèque. L'exactitude allemande proverbiale lui a permis de sortir des archives de la Luftwaffe des données jusqu'ici ignorées sur les lieux et les circonstances de la mort des pilotes tchécoslovaques dans les eaux de l'Atlantique et de la mer du Nord. Après des recherches de longues années dans des archives britanniques et américaines, l'historien termine la reconstitution des combats aériens tchéco-allemands. Un rôle dans ce retard a été joué par le fait que les Etats-Unis n'ont rendu que tout récemment accessibles les documents allemands. Grâce à cela, on connaît les lieux et les circonstances des combats, et dans la plupart de cas aussi les noms des pilotes allemands ayant envoyé à mort les pilotes tchécoslovaques.

Le boxeur légendaire, Vilem Jaks, dont les destinées ont servi de sujet d'un film, est mort lors de son premier vol. Ce vice-champion de boxe, qui a failli décrocher le titre de champion du monde en 1935 à Paris, ne cachait pas sa peur qu'il éprouvait à chaque fois qu'il devait s'asseoir dans la tour de tir du bombardier. L'historien n'hésite point de parler de Vilem Jaks, ayant renoncé à l'offre de sa fiancée, la vedette du film Käthe Nagy, de rester sur la Côte d'Azur, comme d'un héros. Jaks a été l'un des huit membres de l'équipage du bombardier Liberator, abattu le 21 août 1943 à 220 km au nord-ouest de Brest, par un groupe de Messerschmitt. Tous les pilotes reposent jusqu'ici au fond de l'océan.

Selon l'historien Rejlich, les souffrances des dernières heures vécues par des pilotes ayant fait un atterrissage forcé et perdus dans la mer sont indescriptibles. La difficile situation est décrite par l'un des rares survivants, le général Alois Siska, obligé d'atterrir, en décembre 1941, avec son bombardier endommagé Wellington dans la mer du Nord. Après avoir passé six jours au canot de sauvetage plein d'eau glaciale, ses deux jambes ont été atteintes d'une gangrène. De cinq pilotes de l'équipage, deux sont morts, après quelques jours. Le général Siska se souvient de ces moments terribles: "Nous avons jeté dans la mer le deuxième pilote, Josef Tomanek, mais les forces nous ont manqué pour y jeter le navigateur, Josef Mohr. La douleur croissante m'a contraint de proposer à deux autres pilotes restés en vie de mettre fin à nos souffrances. Ce que nous craignions le plus c'était l'idée insupportable que quelqu'un de nous reste seul avec les morts. Nous avons pris six doses de morphine et perdu conscience. Les courants de la mer nous ont emportés vers les côtes néerlandaises où les Allemands nous ont capturés."

Les familles des pilotes tombés sont reconnaissantes du moindre détail livré, 57 ans après la fin de la guerre, par les archives. La famille du capitaine Stanislav Fejfar n'a appris que maintenant la description détaillée de l'abattage du Spitfire dans lequel Fejfar a trouvé la mort. Dans les archives s'est conservé le rapport d'un as des chasseurs allemands, Josef Priller: le 17 mai 1942, j'ai abattu à une distance de 20 à 50 mètres le Spitfire qui, après avoir pris feu, descendait en piqué pour exploser contre la terre. L'historien a trouvé aussi une photo du chasseur allemand, Josef Bigge, lequel, au-dessus de la Manche, près des Sept Iles, a abattu, le 3 mai 1943, le sergent-major Karel Körber. Le tombeur de ce dernier, Josef Bigge, vit toujours en Allemagne.

Les destinées tragiques des pilotes tchécoslovaques sont considérées par des historiens comme une preuve de ce que les Tchèques n'étaient pas une nation de lâches. Ces destinées réfutent l'avis que les Tchèques aient lutté pour la dernière fois en 1620 à la Montagne Blanche. Les experts ont raison de dire que les hommes, ayant fui le protectorat pour lutter à l'étranger contre le nazisme, ont choisi à eux seuls leur destin. La République était en danger et ils n'ont pas hésité d'aller lutter pour sa libération, sans penser à leurs personnes. Une armée régulière n'existait pas sous le protectorat de Bohême-Moravie, occupé depuis le 15 mars 1939 par Hitler. L'armée étrangère composée de volontaires a été la seule possibilité de lutter contre les nazis. Les Tchèques et les Slovaques partaient à l'étranger au péril de vie: ils devaient fuir les gardes frontières nazis, les gardes de la Slovaquie fascisante de Hlinka, les gendarmes hongrois. Pendant le second conflit mondial, plus de 50 000 patriotes tchécoslovaques ont combattu dans l'armée à l'étranger. La participation de pilotes tchécoslovaques aux combats aériens pendant la guerre est un chapitre tout à fait exceptionnel. Dès les premiers mois de guerre en France, 146 pilotes tchécoslovaques, soit le quart des effectifs d'alors de chasseurs français, sont intervenus dans les combats aériens. Le nombre de pilotes tchécoslovaques en Grande-Bretagne a atteint 2200. 537 d'entre eux ont trouvé la mort au-dessus de l'Atlantique et dans la mer du Nord. 150 pilotes ont été portés, jusqu'à présent, disparus. Le succès de l'historien tchèque Jiri Rajlich dans la recherche de leurs destinées a encouragé ses collègues polonais qui se mettent au travail de détective dans des archives allemandes, britanniques et américaines.