Les Tchèques redécouvrent le sacrifice du Polonais Ryszard Siwiec

Photo: CTK

Le 21 août 1968, les troupes du Pacte de Varsovie ont envahi la Tchécoslovaquie, étouffant ainsi l’effervescence du Printemps de Prague et plongeant le pays dans un marasme qui a duré pas moins de vingt ans. A la veille de cet anniversaire, la République tchèque a rendu hommage au Polonais Ryszard Siwiec qui, quelques mois avant le Tchèque Jan Palach, s’était lui aussi immolé par le feu, en signe de protestation contre cette occupation brutale.

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Professeur, ancien combattant antifasciste, père de cinq enfants, catholique. Ryszard Siwiec est la première « torche vivante » que l’Europe, sinon le bloc soviétique, ait connue. Il s’est suicidé par le feu le 12 septembre 1968, près de trois semaines seulement après l’entrée dans la Tchécoslovaquie des armées de cinq pays satellites de l’URSS, dont celle de Pologne.

Cet acte radical, Ryszard Siwiec l’a réalité à Varsovie, en plein milieu d’une fête de fin des moissons, célébrée dans un grand stade devant quelques 100 000 personnes et en présence de la nomenklatura du pays. Un geste bien réfléchi et soigneusement préparé à l’avance, ce dont témoigne le message qu’il avait enregistré deux jours auparavant.

Riszard Siwiec
« Entendez mon cri, » disait-il dans son ultime appel. La phrase a été reprise dans le titre d’un documentaire qui a été réalisé en Pologne au début des années 1990 par Maciej Drygas et présenté, cette semaine, à Prague. Outre des témoignages de sa famille et de ses proches, il montre durant quelques interminables secondes, tout le sacrifice de Ryszard Siwiec, devant les yeux ébahis du public, et immortalisé par les caméras présentes dans le stade.

Emmené d’abord par la police avant d’être transporté dans un hôpital, Ryszard Siwiec, 59 ans, a succombé à ses blessures quatre jours plus tard. Il a été enterré dans la ville de Przemysl, dont il était originaire.

Radek John et Daniel Herman,  photo: CTK
Pour Daniel Herman, directeur de l’Institut d’études des régimes totalitaires, le geste de Ryszard Siwiec constitue une confirmation très forte de ce qu’il y a parmi nous des gens prêts à faire, dans des situations extrêmes, un sacrifice suprême :

« Je pense qu’il s’agit d’un geste digne d’admiration que l’on ne saurait comprendre qu’en le situant dans un contexte hors norme, ce qui fut le cas lors de l’occupation soviétique du pays. Je pense que c’est un acte qu’il faut profondément apprécier. »

Les régimes en Pologne et en Tchécoslovaquie ont tout fait pour donner une fausse interprétation à cet acte de protestation, pour le tenir secret. Encore aujourd’hui, vingt ans après la chute du régime communiste, il n’est pas très connu en République tchèque, en dépit du fait que le président Václav Havel ait décerné en 2001 à Ryszard Siwiec l’ordre Tomáš Garrigue Masaryk in memorian. Daniel Herman :

« Il est évident que la police d’Etat a déployé beaucoup d’efforts dans ce sens. Depuis 1989, on cherche petit à petit à mieux faire connaître et à identifier différents chapitres de notre histoire, ainsi que de l’histoire des Etats voisins. Le rôle de l’Institut que je gère est dans ce sens irremplaçable. »

Ce vendredi, un monument dédié à Ryszard Siwiec a été inauguré dans une rue de Prague qui porte le nom de ce Polonais intrépide et qui se trouve près de l’Institut en question.