Lidice, le 10 juin 1942...
Il y a de cela 63 ans, le 10 juin 1942, la commune tchèque de Lidice a subi le même sort tragique que deux ans plus tard la commune martyre française d'Oradour-sur-Glane. Ce jour-là, Lidice a été complètement rasée par les nazis, les hommes fusillés, les femmes et les enfants déportés dans des camps de concentration. Aussitôt après la fin de la guerre, un nouveau village de Lidice a été édifié au nord-ouest de l'ancienne commune rasée. Le territoire de celle-ci a été aménagé en un lieu de piété marqué par une croix portant une couronne de fil de fer barbelé. On y trouve un Mémorial de la tragédie de Lidice, une grande Roseraie, plantée de rosiers envoyés d'un peu tous les coins du globe, et un monument à la mémoire des enfants de Lidice.
Une cérémonie du souvenir avait lieu à Lidice le jour anniversaire du massacre. La parole d'ouverture a été prononcée par un prêtre :
« Nous qui sommes rassemblés ici, au-dessous de cette croix, en pensant à nos chers frères et soeurs disparus de Lidice, nous cherchons un moyen, une possibilité, une voie qui pourraient nous unir à eux, et cette voie, c'est notre croyance, notre espoir et notre amour. Prions pour eux : Notre père qui êtes aux Cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne... »
A l'origine de la décision d'effacer la commune de Lidice de la carte : l'accusation selon laquelle les habitants de cette commune auraient été en liaison avec les auteurs de l'attentat contre le Protecteur du Reich en Bohême et en Moravie, Reinhardt Heydrich. En réalité, les liens de cette commune avec la résistance se résument à deux officiers partis en Angleterre comme pilotes de la RAF, Josef Horak et Josef Stribrny, qui en étaient originaires mais qui n'avaient rien à voir avec l'attentat perpétré par Josef Gabcik et Jan Kubis, et une lettre saisie sur une ouvrière et remise à la Gestapo, dont le contenu obscur aurait laissé penser que son auteur avait décidé de rejoindre la résistance. Aucune preuve concrète, aucune piste qui conduirait à Lidice n'a jamais été trouvée. Il n'empêche qu'il a fallu accomplir l'acte de vengeance pour la mort d'un « éminent homme de la nation allemande. » Sur décision de Hitler, ce sera Lidice, petite commune de 503 habitants à 20 km à l'ouest de Prague, qui subira ce destin tragique. Le jour des obsèques de Heydrich, le 9 juin 1942, l'ordre est donné :« Tous les hommes de Lidice doivent être fusillés. Toutes les femmes doivent être déportées. Les enfants qui peuvent être germanisés doivent être confiés à des familles SS, les autres rééduqués. Le village doit être complètement incendié et rasé. »
Le soir du 10 juin, les nazis encerclent le village. 173 hommes présents sont immédiatement fusillés, dans la ferme Horak, détruite en dernier parmi les 96 maisons de Lidice. 19 autres hommes qui revenaient de leur poste de nuit à la mine, ont été abbatus. Les femmes et les enfants sont séparés. Parmi les 196 femmes déportées au camp de Ravensbrück, 49 sont mortes, trois ont été portées disparues. Sur 105 enfants de Lidice arrachés à leurs mères, 88 enfants jugés inaptes à la germanisation ont été transportés dans le camp d'extermination de Chelmno en Pologne. Des enfants dont l'aspect physique correspondait aux critères de "race nordique pure", ont été placés dans des familles allemandes pour être rééduquées. Seuls 17 enfants sont retournés à Lidice, après la guerre.
L'anéantissement du village a marqué également la vie des enfants nés après la guerre, nous a confié Lenka Dvorakova :
« Ma mère était une de ces femmes de Lidice qui ont survécu à leur emprisonnement au camp de concentration. A Lidice, elle a perdu son fils de 5 ans et son mari. Sa chance, c'était qu'elle l'ignorait... C'est seulement grâce à cela, au fait de ne pas être au courant que Lidice n'existait plus, que ni leurs maris, ni leurs enfants n'étaient en vie, que des femmes de Lidice ont pu survivre, si elles l'avaient su, elles n'auraient pas eu de force psychique pour le supporter... »
Toutes les maisons de Lidice ont été rasées, et les nazis ne se sont pas arrêtés non plus devant l'église Saint-Martin et le cimetière local. Plus rien qu'une plaine silencieuse n'est restée de Lidice. La nouvelle de l'anéantissement du village tchèque a fait le tour du monde. L'intention de Hitler de faire effacer Lidice de la carte a échoué. Le nom de Lidice a été adopté par de nombreux villages dans différents pays du monde.
Après la guerre, 143 femmes sont retournées à Lidice et après deux ans de recherches, 17 enfants. Durant l'été 1947, la première pierre du nouveau village de Lidice a été posée, à 300 mètres du village anéanti. 150 nouvelles maisons ont été construites.
Comment se porte Lidice, aujourd'hui ? Le maire de la commune, Vaclav Zelenka, l'un des 17 enfants sauvés de Lidice, nous a dit :
« Le nombre d'habitants de Lidice d'origine diminue, il n'y a plus que 16 femmes et des 17 enfants trouvés, 16 vivent aujourd'hui à Lidice. A votre question de savoir est-ce que les jeunes s'intéressent au destin de Lidice, je dirais que les étrangers en savent plus que nos propres enfants... »