L'ONDINE

Les rues attenantes à la place Venceslas sont situées aux endroits où jadis s'étendaient des jardins, des champs, des mares et quelques petits étangs bordés d'aulnes.

Il y a longtemps, très longtemps, le soir, une jeune fille émergeait des profondeurs d'une des mares et s'asseyait au bord de l'eau sous les aulnes. Elle était vêtue d'une robe transparente, complètement trempée qu'elle étalait sur l'herbe. Ses cheveux noirs lui descendaient jusqu'à la taille et ses yeux doux regardaient douloureusement au-delà de l'horizon. La créature chantait des chansons si tristes que les gens qui l'entendaient jusque dans les maisons, pourtant assez éloignées à l'époque, ressentaient un chagrin à leur briser le coeur. On disait qu'il s'agissait d'une ondine. Son apparence inhabituelle et le son de sa voix intriguaient et attiraient l'attention des jeunes garçons. Certains essayèrent de l'approcher mais dès qu'ils étaient à proximité, l'étrange créature plongea et disparut dans la mare. Finalement, tous ont abandonné leurs vains efforts.

Un des jeunes hommes retournait pourtant toujours auprès de la mare car il était tombé vraiment très amoureux de la jeune fille aux yeux tristes. Il l'observait et repartait par la suite sans jamais oser lui parler. Un beau soir chaud du mois de mai, le jeune homme rassembla enfin tout son courage, s'approcha de la jeune fille, la prit par la taille et l'embrassa. Surprise et ensorcelée par le baiser d'un être humain, la créature ne pensa plus à s'échapper. Elle regardait dans les yeux du jeune homme qui lui plaisait infiniment. Il la supplia de l'épouser. La jeune fille à la robe mouillée lui répondit : « En vérité, je suis la fille d'un pêcheur qui s'est noyé dans la Vltava au printemps. Ma mère, jeune et belle, voulut se remarier mais, malheureusement, son futur époux tomba amoureux de moi. Quand ma mère l'apprit elle était tellement furieuse qu'elle me maudit à ce que je rejoigne mon père et devienne une ondine errante dans les eaux souterraines, ne pouvant sortir sur terre que le soir et seulement pour quelques brefs instants. Lorsque le futur mari apprit ce que ma mère avait fait, il l'assassina. Je ne peux être libérée qu'à condition qu'un jeune homme veuille m'épouser et que sa mère m'accepte en tant que bru ». Le jeune homme repartit chez lui et raconta tout à sa mère. La mère hocha la tête en disant : « Bien, tu veux donc épouser une ondine ? ! Amènes-là donc! On verra bien?! »

Le jeune homme heureux retourna à la mare avec sa mère pour retrouver l'ondine adorée et l'emmener chez lui. En apercevant l'ondine, la mère du jeune homme s'écria: « Monstre des eaux, tu voudrais épouser mon fils?! Retourne donc parmi les siens et laisse mon fils tranquille, créature infâme! ».

La pauvre ondine émit un cri douleureux, disparut dans la mare et ne réapparut jamais. Elle resta prisonnière des eaux souterraines. Le jeune homme découragé sauta dans l'eau et se noya car à l'époque, peu de gens savaient nager. Sa mère comprit l'erreur qu'elle avait commise mais il était trop tard de regretter. Son fils était mort.

De nos jours, il n'y a plus de mares ni d'autre point d'eau mais il existe toujours des sources souterraines se jettant dans la Vltava. Parfois, lorsqu'il y a beaucoup de pluie, les eaux souterraines innondent les caves des maisons mais personne ne se souvient de la malheureuse ondine.