L’opéra Rinaldo, une tentative de faire revivre l’esprit baroque
Grâce à une coproduction du Théâtre national de Prague, des théâtres de Caen, de Luxembourg et de l’Opéra de Rennes, le public français a ces jours-ci l’occasion de savourer deux représentations de l’opéra Rinaldo de Georg Friedrich Haendel dans le cadre splendide de l’opéra royal de Versailles. La première du spectacle a eu lieu en avril 2009 au Théâtre des Etats à Prague et l’opéra a été présenté depuis avec succès en France, en Belgique et au Luxembourg. L’œuvre est interprétée par un plateau de solistes international avec cependant une prédominance de chanteurs tchèques et l’orchestre « Collegium 1704 », dirigé par Václav Luks. La mise en scène a été confiée à la Française Louise Moaty qui a répondu aux questions de Václav Richter. Il lui a demandé entre autres comment elle expliquait l’engouement pour les opéras de Haendel, actuellement le deuxième compositeur lyrique le plus souvent joué dans le monde :
« Je pense que c’est aussi un engouement lié à la grande place que Händel accorde à la voix. C’est quelque chose qui est lié à la musique. D’après moi, Händel est un compositeur qui écrivait pour le chant et du coup il me paraît normal aussi que l’opéra lui fasse toute sa place. Voilà, c’est ma vision des choses. »
Avez-vous décidé de faire une espèce de reconstitution de la première de l’opéra Rinaldo qui a avait eu lieu à Londres ou est-ce une conception moderne?
« Ce n’est pas une reconstitution, mais il s’agit quand même de travailler dans l’esthétique baroque, c’est-à-dire, comme les instrumentistes utilisent des instruments anciens, d’utiliser aussi les instruments pour qui ces textes, ces chants et cette musique ont été écrits. Nos instruments, ce sont les corps des chanteurs qui sont développés jusqu’aux bouts des doigts et accompagnent le chant d’une gestuelle. Donc il y a tout un travail là-dessus. Nous travaillons aussi selon certains codes de représentations comme la frontalité - le fait de jouer face aux spectateurs, ce qui donne au public une place très importante puisque c’est lui qui est au centre des rapports, et le fait de jouer aux bougies. S’y ajoute aussi un travail de la scénographie et des costumes et tout cela permet de faire revivre, non pas de reconstituer, non pas de reconstruire la première représentation, mais plutôt de faire revivre un esprit, une énergie qui est propre à l’esthétique de cette époque et à laquelle on essaie de s’inscrire tout en gardant notre liberté de regard contemporain aussi sur cette forme. »
Voulez-vous raconter dans votre production l’histoire de Rinaldo telle qu’elle est racontée par le Tasse ou aimeriez-vous donner à l’opéra une autre signification, une signification moderne ?
« J’ai vraiment envie de raconter l’histoire de Rinaldo parce que j’ai été très touchée par « La Jérusalem délivrée » du Tasse que j’ai adorée et que je considère comme, je dirais, le fondateur de notre civilisation. Du coup, j’ai vraiment eu envie de travailler dans son esprit et de raconter son histoire. Evidemment avec la situation actuelle dans le monde on pourrait aussi être tenté de faire de cet opéra une Jérusalem moderne, contemporaine, avec la guerre. Mais je n’ai pas choisi cette option… (rires) »
Avez-vous trouvé à Prague les interprètes capables de donner tout ce qu’il faut à cette musique qui est très difficile à interpréter, à cause, entre autres, de l’ornementation vocale ? Avez-vous préparé ces chanteurs et ces danseurs d’une façon spéciale ?
« J’ai été très agréablement surprise par équipe de chanteurs que je trouve vraiment super à mes yeux et mes oreilles de novice dans ce genre de musique. Je trouve qu’ils chantent admirablement bien et la plupart avaient déjà travaillé avec le chef d’orchestre Václav Luks. Si je ne me trompe pas, tous connaissaient déjà le style baroque et en tout cas, ils l’interprètent remarquablement bien. En tous cas, je suis assez contente d’autre part du casting lui-même parce que je trouve que les chanteurs sont assez bien accordés avec les personnages. Vous verrez qu’Armide est une belle Armide et qu’Argante est bien venu pour jouer Argente etc. Et je les ai trouvés aussi très réceptifs au travail de gestuelle et de théâtre baroque. Je crois ne pas me tromper en disant qu’ils attendaient aussi de rencontrer ce travail et certains avaient déjà travaillé avec des metteurs en scène spécialistes de ce style. »