Magda Dumas, une Tchèque établie en France. Rencontre

Lubéron

Une petite escapade en Provence nous a permis de rencontrer Magda Dumas, une Tchèque installée dans un petit village du Lubéron depuis maintenant plus de 30 ans. Magda nous a accueilli chez elle, au coin du feu et nous a ainsi un peu raconté son histoire. Elle nous a confié ses souvenirs, les difficultés liées à l'exil, et son amour pour Prague, sa ville natale.

Après 1968 plusieurs milliers de Tchèques se sont exilés en Europe occidentale, ou sur le continent américain. Mais ce ne sont pas des raisons politiques mais bien des raisons amoureuses qui ont poussé Magda Dumas à s'établir en Provence au début des années 70. Fille du compositeur Vaclav Dobias, son histoire et celle de sa famille pourraient être considérée comme un exemple presque classique d'un destin tchèque du XXème siècle; son père fut député communiste de 1960 à 1968, sa soeur a émigré au Canada suite à l'invasion soviétique en Tchécoslovaquie, mais son frère est resté à Prague. Etudiante en français, elle va participer à des stages linguistiques et rencontrer à Avignon son futur mari. Elle vit donc en France depuis 1972, mais elle revenait régulièrement en Tchécoslovaquie. Elle nous fait part de son expérience :

« Depuis 72' je suis là. J'ai gardé la double nationalité parce que mes parents étaient vivants et je voulais avoir la possibilité de rentrer au pays. Je suis allée au début souvent puis après moins. Il y a des enfants et petit à petit la vie s'installe en France, on se détache un peu. Pierre devait demander toujours le visa. Les enfants étaient inscrits sur les deux passeports. Mais quelque part, même s'il y avait des difficultés administratives, ça s'est toujours réglé. Ce n'était pas impossible. Au début il y avait un échange obligatoire par jour d'une somme d'argent à dépenser. Je suis une pragoise, la ville m'a manqué beaucoup et les gens aussi. Ce n'est pas facile à quitter. Donc c'était avec énormément de joie de me retrouver dans ma ville natale, de marcher à Prague, d'aller voir tous les lieux, de parler tchèque. »

L'intégration en France n'a pas non plus été toujours facile, malgré le fait qu'elle parlait déjà français:

« On était dans un petit village, quand j'arrivais les gens se taisaient. Devant moi on ne parlait pas. Il a fallu 6 mois avant qu'ils commencent à me parler, alors ce n'était vraiment pas facile. La Provence a un très grand avantage, il y a beaucoup d'étrangers. Et sincèrement c'est un avantage, parce que ça donne...c'est un petit peu ce mouvement où on juge un peu moins l'autre qui est différent. Parce que se trouver étranger au milieu des autres qui sont tous du même clan, c'est très dur. »

Magda a grandi à Prague pendant les années 60. Elle nous raconte donc ses souvenirs :

« Les années 60, c'était magique, il y avait de la magie. C'est vrai que c'était d'une très grande force et jusqu'à 68' ça allait crescendo. On a vécu quelque chose d'extraordinaire. Après il y a une chute, c'est là ou c'est difficile parce qu'on a vécu un enthousiasme merveilleux. Les gens étaient merveilleux, il y avait une fraternité exceptionnelle et ça tombait à l'eau avec cette sensation d'une trahison, d'une incompréhension et d'une trahison. Je peux comprendre jusqu'en 1968 où j'ai vécu, où j'ai participé, jusqu'en 1971, mais je ne sais pas les années après, les gens qui étaient sur place, peut-être certains avaient une vie de nouveau dure, je ne le sais pas. C'est uniquement les oui-dires, ce n'est pas pareil que quand on est sur place. Quand on vit à l'étranger, on vient avec ses souvenirs d'enfance. »

Toujours très attachée à sa ville natale, Magda Dumas nous confie aussi son affection pour son pays d'adoption, la Provence:

« Il y a énormément de beautés. Quand on vient de Prague, on a besoin de sites qui ont une mémoire. Prague est une ville de mémoire. J'admirais toujours les Tchèques qui n'ont pas détruit, qui n'ont pas cherché à effacer la mémoire; elle a sa place. Je plains les pays nouveaux qui détruisent pour raser, pour ne pas laisser la mémoire parler. A Prague, on a l'impression d'être nourrie par la terre quand on marche sur les trottoirs. Moi je suis nourrie. Alors la Provence elle a ce caractère aussi, elle a son histoire. »