Miloslav Moucha et les autres peintres tchèques reconnus exposés à Prague par la Galerie Mathieu de Lyon

Miloslav Moucha, Champ de Colza

La VIe foire d'art contemporain Art Prague s'est déroulée cette semaine dans la salle d'exposition Manes, au centre de la capitale. Une quarantaine de galeries privées de République tchèque, d'Allemagne, d'Autriche, de Finlande, d'Italie et d'autres pays encore ont présenté les travaux de leurs artistes à un public toujours plus nombreux, composé d'amateurs d'art, de collectionneurs, d'étudiants et de touristes. Tous les genres y ont été représentés : peinture, sculpture, gravure, photographie, verre, installation...

La France a été, elle aussi, présente à Art Prague, par le biais de la Galerie Mathieu de Lyon. Sa fondatrice Geneviève Mathieu, figure incontournable de la foire, expose et vend, depuis bientôt trente ans, des artistes tchèques et slovaques. D'ailleurs, ce sont eux et non pas les Français qui sont sollicités à Art Prague. Mais cette année, elle a quand même ramené quelques tableaux français...

« Il y a du nouveau, mais il y a aussi les grands classiques, comme Bostik, Moucha, Kucerova, Zeithamml... Les nouveaux, ce sont donc les Français que je n'ai encore jamais emmenés jusqu'à Prague : Yves Dubail, un vieil artiste qui fait de l'art construit, de l'art concret, géométrique, et Pierre Mabille que j'ai quand même présenté il y a deux ans. Il est Parisien et il fait aussi de l'abstraction. »

Au total, vous avez combien de tableaux ? Je vois qu'ils ne sont pas tous accrochés...

« Une quarantaine. En effet, j'ai une réserve assez importante. Je fais toujours comme ça, parce que quand quelqu'un est intéressé par un artiste, il est important de pouvoir lui montrer plusieurs périodes et plusieurs styles. Cette année, j'ai emmené des Moucha qui ont vingt-cinq ans et que les gens ont peut-être oubliés. Ils sont géométriques, alors qu'aujourd'hui, il est dans une ligne beaucoup plus figurative, plus romantique je dirais. »

Pour Geneviève Mathieu, Miloslav Moucha est un artiste fétiche : c'est après l'avoir rencontré, en tant qu'étudiante aux Beaux-Arts, qu'elle a commencé à s'intéresser aux plasticiens-dissidents tchèques de l'époque. Elle présente ce peintre tchéco-français :

« Miloslav Moucha est un peintre immigré depuis quarante ans. Il a vécu d'abord à Paris, maintenant, il est installé à Lyon. Il est reconnu à Prague, ainsi qu'en France, car il a exposé dans de grandes galeries parisiennes. Il expose également dans ma galerie à Lyon, il a justement une exposition, jusqu'au 14 juillet, 200m², de grands tableaux... C'est impressionnant, très beau. Après 1989, il est revenu dans son pays. Il a acheté une maison de campagne où il a vécu 7, 8 ans je crois... Mais c'était quand même assez dur pour lui. Il n'était ni Tchèque, ni Français, mais il se sent quand même plus proche de la France maintenant. Dons il était revenu à Paris, il a travaillé sur Paris et avec des galeries parisiennes. »

Comment caractérisez-vous son style ?

« Avec Moucha c'est difficile...Il ne s'occupe ni de son style, ni de sa notoriété, ni de ce qui plaît. Il fait ce qu'il a envie de faire et change de style assez régulièrement, à peu près tous les cinq ans. On est une fois dans les installations, une autre fois dans la géométrie, après dans le 'presque rien'... c'est le brouillard... Maintenant, il est revenu à un travail plus figuratif, mais quand même très poétique et transformé par rapport à la réalité du paysage, du portrait, de la nature... »

Avez-vous une clientèle stable à Prague ?

« Oui, ça commence. Ici, il y a beaucoup plus de jeunes collectionneurs qu'en France. J'en ai quatre à Prague, qui m'achètent chaque année quelque chose. C'est assez réconfortant et confortable ! »

En France, avez-vous vendu récemment des artistes tchèques ?

« Ah oui, je vends régulièrement. J'ai 'fabriqué' des collectionneurs pour Bostik, Moucha et tous ces artistes tchèques. Je les vends tout le temps. »

Etes-vous en contact avec les jeunes artistes ?

« Non. C'est une grande carence de ma part...Je ne les connais pas, parce que leur création ne correspond pas du tout à ce que j'aime. J'aime les choses calmes, méditatives. Tout ce que je vois ici est très expressionniste, dur et coloré. Ce n'est pas ma sensibilité et je ne fais pas beaucoup d'efforts pour aller voir de jeunes artistes dans des ateliers à Prague. Ce n'est pas bien, mais c'est comme ça... »

Vous êtes la seule galerie française et même francophone présente à Art Prague... Cela ne vous étonne pas ?

« L'année dernière, j'étais venue avec une autre galerie de Lyon qui, malheureusement, n'a pas pu revenir cette fois-ci. J'essaie de faire venir des galeries, mais vous savez, si je n'avais pas mes artistes tchèques, je ne ferais pas du tout un chiffre d'affaire intéressant... Je ne conseille pas trop à mes collègues de venir à Prague si leurs galeries n'ont pas un passé tchèque. Les Tchèques achètent tchèque, les Allemands achètent allemand, les Français achètent français... C'est comme ça sur toutes les foires, j'ai toujours du mal à vendre les Français. Mais peut-être que les Pragois sont quand même plus cosmopolites que les Français. C'est difficile... On est dans un art très différent. A part ces Tchèques que je présente et qui sont quasiment tous mort ou qui ont 80, 85 ans, la nouvelle génération ne correspond plus à cette ligne contemplative, méditative. Nous, les Français, nous sommes un peu déroutés par cet art expressif, proche de l'art allemand, mais absolument pas de l'art français. »