Montrer les différentes facettes, même moins glorieuses, de Charles IV
Les Tchèques s’apprêtent à célébrer à deux anniversaires historiques : le premier lié à Charles IV, roi de Bohême et empereur romain, le second au rappel de la révolution qui a entraîné, il y a 26 ans de cela, la chute du régime communiste. L’extrême droite tchèque a remplacé son discours anti-Roms par un discours anti-islam. Une nouvelle loi devrait empêcher les sponsors d’influencer la scène politique. Une nourriture plus saine pour les enfants et des déjeuners gratuits pour certaines catégories d’écoliers : autant de projets envisagés par le ministère de l’Education. Tels sont les sujets qui ont trouvé un écho dans notre revue de presse de cette semaine.
« Les festivités prévues seront l’occasion, par exemple, de faire revenir à Prague, pour la première fois, la couronne qui a fait de Charles IV, définitivement, le souverain du Saint-Empire romain germanique. Créée à Prague en 1349, cette couronne a été déposée depuis à Aix-en-Provence. D’autres objets exceptionnels, d’origine pragoise, seront également empruntés pour être exposés à la Galerie nationale qui prépare, pour le mois de mai prochain, une grande exposition au palais Valenstein. Organisée en coopération avec la partie allemande, cette exposition présentera non seulement Charles IV mais aussi tout le XIVe siècle comme une période de catastrophes marquée par des sécheresses, des inondations, des famines, des mauvaises récoltes et des épidémies de peste ».
Selon l’auteure de l’article, les célébrations de cet important anniversaire permettront également aux Tchèques de se familiariser avec des facettes méconnues de leur roi admiré. Il s’agit, par exemple, de la destruction du quartier juif à Nuremberg à laquelle Charles IV a donné son aval, en dépit de la promesse qu’il avait faite officiellement de protéger les Juifs. Cette décision avait alors entraîné la mort d’environ 400 Juifs. Eliška Nová constate enfin que les festivités qui s’étendront tout au long de l’année 2016 seront conçues de façon à susciter également l’intérêt des touristes étrangers.
Le 17 novembre, jour de festivités officielles et moins officielles
Ce 17 novembre, vingt-six ans se seront écoulés depuis le début de la révolution dite de Velours qui a abouti à la chute du régime communiste dans l’ancienne Tchécoslovaquie. Devenue depuis jour de fête nationale, cette date offre l’opportunité d’organiser toutes sortes de manifestations, officielles et moins officielles. Un texte publié sur le site echo24.cz rappelle ainsi les protestations qui, l’année dernière, ont accompagné le discours solennel prononcé par le président de la République dans la rue Albertov à Prague. Les manifestants avaient alors jeté des œufs sur Miloš Zeman et brandi des cartons rouges en signe de protestation contre certaines des positions du chef de l’Etat. L’auteure du texte, Kristýna Novotná, explique que, cette année encore, des cartons, pas forcément rouges, seront probablement de nouveau sortis, mais cette pour un motif différent :« Les organisateurs des protestations de l’année dernière ont prévu pour le 17 novembre une manifestation intitulée ‘Un carton pour le prochain président’. Présentée et convoquée sur Facebook, cette initiative invite les participants à écrire sur un carton le nom de celle ou celui qu’ils souhaiteraient voir devenir prochain président de la République. A ce jour, près de 6 000 personnes ont annoncé leur présence à ce rassemblement. »
Comme le remarque l’article publié sur le site echo24.cz, on peut cependant supposer que les événements commémoratifs du 17 novembre se dérouleront cette année plutôt avec le thème des réfugiés en arrière-plan. Ainsi, la place Venceslas accueillera plusieurs groupes souhaitant exprimer leur solidarité avec les migrants, tandis que la rue Albertov sera le théâtre d’une manifestation du Bloc contre l’islam. La présence du président Zeman à ce rassemblement n’a pas été confirmée par le Château de Prague, et ce en dépit des informations allant dans ce sens diffusées par ses promoteurs et du fait que, tout comme l’année dernière, le chef de l’Etat tienne à se rendre dans la rue Albertov. Il s’agit en effet d’un lieu culte, car c’est là que les étudiants avaient participé en 1989 à la première des manifestations qui ont concouru à l’effondrement définitif du régime communiste.
L’extrême droite profite des tendances islamophobes
L’auteur de l’éditorial de l’édition de jeudi du quotidien Mladá fronta Dnes explique que, depuis près de trois mois, il suit les activités de différents groupes qui organisent des manifestations contre l’accueil des réfugiés. Le résultat en serait le suivant, selon Václav Janouš:« Le thème de l’immigration a repoussé en arrière-plan le débat anti-Roms. C’est d’ailleurs la première fois que les radicaux de différents groupes d’extrême-droite, auparavant ennemis, ont tendance à s’unifier, notamment parce que les manifestations organisées par les mouvements anti-islamiques ont beaucoup d’attrait pour une partie de la population. Ils peuvent également compter sur les sympathies des policiers à leur égard, ceux-ci avouant souvent, sous couvert de l’anonymat, comprendre les gens qui rejettent les migrants ».
En conclusion, le journal indique que le rapport annuel du Service de renseignement et de sécurité (BIS) fait état lui aussi d’une évolution de la scène à l’extrême-droite. Il constate que le discours anti-Roms n’apporte plus aux groupes extrémistes une attention aussi importante qu’en 2013 lorsque le pays avait été le théâtre de toute une série de manifestations contre la population rom. En quête alors de nouveaux thèmes, l’extrême droite a saisi ceux d’ordre anti-islamique, et ce afin de répondre au climat islamophobe qui règne dans une partie de la société tchèque.
Des démarches pour limiter l’influence des sponsors sur la politique
La dernière édition de l’hebdomadaire Respekt relate le débat en cours sur la loi visant à limiter l’influence des sponsors dans la vie politique. Jaroslav Spurný présente d’abord plusieurs exemples relativement récents de sponsoring douteux en lien avec plusieurs grands partis politiques, avant de détailler :« Le gouvernement cherche à inclure dans cette loi toutes les recommandations de l’Union européenne. Il s’agit en premier lieu de réduire au maximum le risque de voir rejeter ou adopter les différentes lois au gré des intérêts des riches sponsors des partis politiques et, aussi, d’empêcher que les subventions nationales ou européennes soient accordées comme récompense d’un sponsoring politique. Ainsi, l’Europe veut limiter au maximum les possibilités pour les sociétés et les personnes riches d’influencer la politique ou de la modifier par l’intermédiaire de dons ».
La nouvelle loi devrait rendre plus transparent le financement des partis politiques, celui-ci devenant accessible pour chaque citoyen en pouvant être consulté en ligne. Dans ce contexte, Jaroslav Spurný remarque que de telles réformes sont urgentes en Tchéquie, car les partis politiques locaux ont, par exemple, des revenus de sponsoring deux fois plus importants qu’en Pologne voisine, qui est pourtant un pays cinq fois plus grand que la Tchéquie. Il note également qu’un débat très houleux concernant cette nouvelle disposition est à attendre à la Chambre des députés.
Pour une alimentation plus saine et gratuite dans les écoles
Déjeuner dans les cantines scolaires représentent est une évidence pour les petits Tchèques depuis soixante-dix ans déjà. Cette semaine, le journal Lidové noviny a fait part de quelques-unes des nouveautés envisagées dans ce domaine par la ministre de l’Education, Kateřina Valachová. Celle-ci entend d’abord imposer une nourriture plus saine avec moins de semi-produits, de conservants et de substances colorantes et plus de fruits, de légumes et de légumineuses pour les écoliers. Autre de ses revendications plus radicale encore : garantir des déjeuners gratuits depuis la première jusqu’à la troisième classe (soit l’équivalent du CP au CE2), ainsi que pour les enfants en dernière année de maternelle. Dans l’article signé Ludmila Hamplová, on peut lire à ce sujet :« Considérant le temps passé à la cantine comme un important facteur de socialisation, la ministre estime qu’il est inacceptable que des enfants puissent ressentir des inégalités sociales dès leur plus jeune âge et à leurs dépens. Il existe en effet des parents qui n’ont pas assez d’argent pour payer les déjeuners de leurs enfants à l’école. L’intérêt croissant pour le projet ‘Déjeuners pour les enfants’, soutenu par l’organisation Women for Women qui assure des repas pour les enfants de familles défavorisées sans parvenir à satisfaire tous ceux qui sont dans le besoin, en dit d’ailleurs long sur le problème. »
La présentation du projet ministériel, si tant est qu’il bénéficie du soutien politique nécessaire, est prévue pour 2018.