Les manifestations islamophobes du week-end marquées par des incidents

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A l’initiative du mouvement islamophobe allemand Pegida, une journée de manifestations « contre les migrants » étaient organisée ce samedi dans différentes villes européennes dont notamment dans la capitale tchèque. Environ un millier d’individus se sont donc rassemblés aux abords du château de Prague sous les bannières du groupuscule « Bloc contre l’islam » et du parti de l’Aube, un événement à la marge duquel un certain nombre d’incidents ont été à déplorer, et en particulier l’attaque au cocktail Molotov du centre social autogéré Klinika.

Martin Konvička,  photo: ČTK
« En réalité, ce n’est rien d’autre qu’une invasion non-armée de centaines de milliers de personnes, essentiellement des jeunes hommes, dont nous ne savons rien. »

Voici en substance le message de Martin Konvička, ce professeur de biologie qui fait désormais parler de lui en tant que leader du « Bloc contre l’islam » et qui s’exprimait samedi après-midi devant ses supporteurs rassemblés sur la place Hradčanská, où avait lieu la principale manifestation islamophobe de la journée, mais pas la seule dans le centre-ville de Prague, sous le mot d’ordre « Forteresse Europe ». Après la vague des manifestations anti-rom en 2013, c’est désormais la peur de l’islam et des réfugiés qui fait recette, quand bien même la République tchèque n’est qu’éventuellement un pays de transit pour les migrants et fait face à un nombre de demandes d’asile toujours relativement faible.

La manifestation à Brno,  photo: ČTK
A l’inverse de ce qui s’est passé à Brno, où une action similaire était organisée par le mouvement fascisant DSSS, pour dénoncer là aussi l’action de l’Union européenne, d’Angela Merkel et du gouvernement tchèque, lesquels sont jugés trop permissifs vis-à-vis des réfugiés, la journée a été émaillée d’incidents à Prague, où la police a procédé à l’interpellation de plus d’une dizaine d’individus. Dans le cadre du rassemblement au château de Prague, des journalistes de la Radio publique tchèque (ČRo) se plaignent ainsi du fait que leur véhicule ait été la cible d’agresseurs, qui auraient tenté d’interrompre l’émission de leur programme, le tout sans que les policiers présents sur place ne réagissent. Directeur de l’information pour la Radio tchèque, Jan Pokorný ne veut pas que l’affaire en reste là :

« Ils (les agresseurs, ndlr) nous ont dit que c’était notre problème, le problème de la station Radiožurnál, que nous étions responsables car nous mentirions et que nous devrions venir avec notre propre service de sécurité. La Radio tchèque demande à la direction de la police de la République tchèque d’ordonner une enquête sur ces incidents. »

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Dans le quartier de Malá Strana, sous le château de Prague, se tenait une contre-manifestation, solidaire des réfugiés, avec la participation par exemple de Matěj Stropnický, le nouveau président du parti des Verts. La tension est montée d’un cran quand une bande d’hommes cagoulés, visiblement moins solidaires des réfugiés et plutôt désireux d’en découdre, est venue au contact du rassemblement, avant que la police ne sépare les deux parties antagonistes.

Mais la violence a culminé dans la soirée, quand une vingtaine d’individus, eux-aussi encagoulés, se sont attaqués au centre social autogéré Klinika, dans le quartier de Žižkov, en jetant des pierres mais aussi des cocktails Molotov avec pour résultat de blesser une personne et de causer des dégâts à hauteur de quelques dizaines de milliers de couronnes. Dans un communiqué publié sur le net, les membres du centre ont rapidement établi un lien très clair entre ces assaillants et les incidents survenus plus tôt dans la journée, et plus généralement avec la diffusion d’idées racistes et xénophobes dans la société tchèque. La police refuse pour l’heure de confirmer un éventuel lien entre la mobilisation islamophobe et ces violences.

Le centre Klinika,  photo: ČTK
Toujours est-il que l’attaque de la Klinika, centre qui occupe une ancienne clinique sur la base d’un accord dont la question de la prolongation se pose ce mois-ci et qui propose entre autres activités des cours de langue, des ateliers de travail, des concerts, mais qui gère par exemple aussi une collecte de vêtements en faveur des réfugiés, a suscité de nombreuses réactions indignées et plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées dimanche pour exprimer leur solidarité avec le collectif. Parmi elles, le ministre en charge des droits de l’homme, le social-démocrate Jiří Dienstbier, qui s’inquiète de la montée des sentiments haineux en Tchéquie :

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« Il s’agit d’une peur énorme qui n’a pas de base rationnelle parce que la République tchèque est un pays sûr. Le seul risque qui augmente est celui lié à cette haine, à ces actions extrémistes. Samedi, cela en était une des illustrations. Le problème, ce n’est pas seulement cela, c’est ce que nous entendons dans différents rassemblements, les appels à la haine. Ce dimanche, j’ai moi-même été la cible d’appel à ma pendaison ou à ma liquidation physique sur Facebook et ce sont des choses qui sont désormais courantes. Je ne crois pas que cela soit normal .Cette atmosphère commence vraiment à rappeler la façon dont je me représente celle des années 1930. Nous savons tous où cela a mené et je pense que personne ne souhaite répéter cette expérience historique. »

Quelques politiciens tchèques, dont le premier ministre Bohuslav Sobotka, pointent du doigt la responsabilité du chef de l’Etat, qui à force de déclarations anti-migrants et anti-islam, contribuerait à attiser le feu dans une société tchèque de plus en plus polarisée sur le sujet de l’accueil des migrants.