Nedim Gürsel : « Je suis un acquitté en sursis »
Le 21e Festival des écrivains de Prague s’achève ce mercredi. Parmi les invités du festival, l’écrivain turc vivant en France, Nedim Gürsel. Récemment, il s’est retrouvé sous le coup d’un procès en Turquie, pour son roman Les filles d’Allah, considéré comme blasphématoire. Notre collègue de Radio Vltava lui a demandé où en était ce procès…
« Ce procès a duré un an, ce qui est beaucoup à mon avis. J’ai été acquitté, mais le parquet a fait appel, donc c’est désormais la Cour d’appel qui va trancher et dira le dernier mot. Je peux dire que je suis un acquitté en sursis ! Je croyais que la Turquie qui est candidate à l’Union européenne et qui est le seul Etat laïc de la région, avait résolu ce problème, que la religion n’était plus un tabou. Mais je pense que ce procès n’aurait pas eu lieu dans la Turquie d’il y a vingt ans. Aujourd’hui la société turque est devenue beaucoup plus conservatrice. Dans ce contexte, j’ai été accusé de dénigrer les valeurs religieuses de population. C’est l’article 216 du Code pénal. Pourtant mon roman Les filles d’Allah a été très bien accueilli en Turquie dans la presse : il y a eu des articles très élogieux, sauf dans la presse islamiste, qui a considéré que j’avais commis un blasphème. Je suis donc devenu un peu la cible des islamistes. »
Nedim Gürsel a publié de nombreux romans, tous écrits en turc, car cet écrivain exilé, qui aujourd’hui peut toutefois circuler entre Paris et Istanbul, estime que la langue est sa seule patrie. Parmi ces ouvrages, un récit de voyage intitulé Ombres et Traces, où dans son périple littéraire à travers de nombreuses villes, il fait une halte à Prague :
« J’ai également écrit des récits de voyages. Dans Ombres et Traces j’ai consacré tout un chapitre à la ville de Prague que j’ai découverte en 2001 et qui m’a fasciné. Dans ce chapitre sur la ville de Prague, je suis un peu parti sur les traces de Kafka, un auteur et mythe littéraire. Mais j’ai aussi parlé du poète Vítězslav Nezval qui était lié d’amitié avec Nâzim Hikmet, le grand poète turc auquel j’ai consacré ma thèse de doctorat. Nâzim Hikmet a écrit de très beaux poèmes sur Prague. Mais je parle aussi de l’empereur Rodolphe II, de son portrait fait par Arcimboldo. J’évoque aussi cette étrange statue de janissaire sur le Pont Charles qui me permet de parler de la peur des Turcs en Europe. Prague est une ville qui a un mythe littéraire et j’ai essayé de le reprendre à ma manière pour en parler au lecteur turc. »