L'histoire et le présent de la minorité des Slaves sorabes
Aujourd'hui, je vous propose un thème jamais traité dans cette émission: l'histoire et le présent de la minorité des Slaves sorabes occupant la région de Lusace. Cette minorité ethnique vit en Allemagne, mais dans le passé, elle a fait pendant plusieurs siècles partie du royaume de Bohême. Aujourd'hui, sa culture, pareillement aux cultures d'autres minorités, est menacée de disparition. Le problème s'est encore aggravé lors de cette rentrée scolaire. Les autorités saxonnes ont décidé de ne pas ouvrir les classes l'école de Crostwitz où l'on enseigne en langue sorabe. Le ministère tchèque des Affaires étrangères s'est placé du côté de la minorité sorabe en proposant une aide financière à l'organisation Domowina représentant ses intérêts en Allemagne. Qui sont les Slaves sorabes, quelle est leur histoire, leurs liens avec les pays tchèques? Les réponses dans cette page d'histoire.
Il y a plus de mille ans, une trentaine de tribus slaves vivaient dans des plaines au nord de la frontière de Bohême, jusqu'à la mer Balte. Les Slaves sorabes occupaient originellement la région de Lusace qui a donné le nom aux monts de Lusace formant la frontière entre l'Allemagne et la Tchéquie. En 929, la région a été soumise par la Germanie et est entrée plus tard dans le Saint Empire. La christianisation et la germanisation ont souvent été accompagnées de violences. Les symboles religieux de Lusace étaient déboulonnés. La langue slave s'est tue sur le littoral balte au 12e siècle. Les seuls îlots ayant persévéré jusqu'à présent - la Haute et la Basse Lusace.
Le sort des Slaves sorabes ne s'est adouci que lorsque la région a été rattachée, en 1373, sous le règne de Charles IV, au royaume de Bohême. Après plusieurs péripéties, la Lusace a été partagée, en 1815, entre la Saxe et la Prusse et soumise à une germanisation intense. Ainsi, la langue de Basse-Lusace est beaucoup influencée par l'allemand. Le nombre de ses usagers est évalué à 10 000. La langue des Slaves sorabes de Haute-Lusace est très proche de la langue vieille-tchèque du 15e siècle. On évalue qu'elle est parlée par environ 40 000 personnes. Les deux langues appartiennent au même groupe de langues que le tchèque, c'est-à-dire au groupe de langues slaves occidentales. Les habitants de Haute et de Basse-Lusace sont bilingues, ils parlent sans problème leur langue slave et l'allemand. Des mots vieux-tchèques se sont conservés dans le vocabulaire de ces langues. On y trouve aussi les expressions compréhensibles à touts les Slaves: woda /l'eau/, zemja /la terre/, clowjek /l'homme/... Certains mots ont été empruntés au tchèque: hudzba /la musique/, dziwadlo /le théâtre/, spisowacel /l'écrivain/.
Aujourd'hui, la Haute-Lusace relève de la Saxe, la Basse-Lusace du Brandebourg. Ceci ne peut rien changer aux liens qui se sont créés, au fil des siècles, entre la Lusace et la Bohême. Au 19e siècle, beaucoup de prêtres catholiques de Lusace ont fait leurs études à Prague pour devenir, de retour dans leur petite patrie, des éveilleurs nationaux. Les plus connus parmi eux sont Jan Arnost Smoler, Michal Hornik, Arnost Muka. Beaucoup de personnalités marquantes de la culture tchèque, du 19e siècle, dont Josef Dobrovsky et Frantisek Palacky, ont séjourné en Lusace.
Parmi les collectionneurs de la culture de Lusace, c'était le peintre tchèque, Ludvik Kuba, qui s'est fait remarquer le plus. Par son pinceau, il a surtout saisi la beauté des costumes populaires.
Le premier Président tchécoslovaque, Tomas Garrigue Masaryk, portait un intérêt énorme pour les Slaves sorabes. Le docteur Adolf Cerny, grand connaisseur de la problématique sorabe, a été le premier à enseigner la langue des Slaves sorabes à l'Université Charles. La société des amis de la Lusace a été fondée après la Première Guerre mondiale en Tchécoslovaquie. Cette société existe jusqu'à présent. Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement tchécoslovaque a créé un lycée pour Slaves sorabes portant le nom de Frantisek Stasek qui a contribué le plus à sa création. L'enseignement a commencé le 1er décembre 1945 à Ceska Lipa. Trois ans plus tard, le lycée a été déplacé à Varnsdorf et, plus tard encore, à Liberec. Le milieu tchèque a influencé plusieurs étudiants pour toute la vie. Ils ont créé toute une génération d'intellectuels d'après-guerre.
La culture sorabe a de nos jours deux principaux représentants: une génération de jeunes poètes se réclame du legs de leurs ancêtres. Ensuite, c'est l'ensemble de l'Etat pour la culture populaire de Lusace qui se produit un peu partout en Europe.
En 1991, un groupe d'étudiants d'écoles supérieures a créé l'Association tchéco-sorabe. Elle a son siège à Prague et fait paraître un bulletin mensuel tchéco-sorabe.
La culture de la région de Lusace est riche et mérite d'être connue. Toute la région est très intéressante, avec les villes de Bautzen - Budysin, centre culturel et administratif de Haute-Lusace, et d'autres, telles que Görlitz et Zittau... Lorsque vous y arrivez à partir de la République tchèque, par les monts de Lusace, vous trouvez sur le chemin des forteresses en béton, édifiées dans les années 1937 - 1938, pour protéger la Tchécoslovaquie contre l'Allemagne hitlérienne. On les surnommait petite ligne Maginot. Hélas, ces forteresses n'ont pas pu accomplir leur rôle et restent des témoins tacites d'un chapitre dramatique dans l'histoire de notre pays.