Chapitres de l’histoire
Le 14 septembre 1937 est mort Tomas Garrigue Masaryk, premier Président tchécoslovaque. Un anniversaire et, surtout une personnalité, qui mérite d'être rappelée, non seulement en tant que fondateur de l'Etat indépendant des Tchèques et des Slovaques, mais aussi en tant qu'homme politique faisant prévaloir en toute circonstance les valeurs telles que la vérité, la justesse, l'humanité et la moralité et qui, à plusieurs égards, a devancé son temps.
Les opinions politiques de Masaryk ont mûri pendant la Première Guerre mondiale. Il fut l'un des premiers à comprendre l'immense occasion qui se présentait dans cette guerre, celle de briser l'empire des Habsbourg et de libérer les Tchèques et les Slovaques de leur domination. Masaryk s'est rendu compte que la voie vers la défaite de l'Allemagne ne conduit pas à travers la paix séparée avec la monarchie austro-hongroise, mais au contraire, par la désintégration de celle-ci. Pour réaliser ses objectifs, il a fallu lutter sur deux champs - le diplomatique et celui de la bataille. Masaryk fait fonder des légions tchécoslovaques à l'étranger - en Russie, en France, en Italie. En combattant du côté des Alliés, ces légions combattaient dans le même temps pour leur indépendance. Sur le champ diplomatique, Masaryk entreprend des démarches auprès des principales puissances pour obtenir leur aval à l'idée de la création d'un Etat. En mars 1918, il se rend aux Etats-Unis, où son activité est couronnée du plein consentement de la représentation américaine aux revendications des peuples opprimés de l'Autriche-Hongrie, revendications formulées dans la Déclaration de Washington. C'est aux Etats-Unis, également, la signature, le 30 mai, des Accords de Pittsburgh, par les représentants des organisations de compatriotes tchèques et slovaques et Masaryk. C'était le premier document étatique, la première expression de la volonté des Tchèques et des Slovaques d'avoir un Etat commun. En juin 1918, le gouvernement français reconnaît le Conseil national tchécoslovaque à Paris, dont Masaryk fut, depuis 1917 président, comme l'unique organe représentatif du prochain gouvernement tchécoslovaque. C'est à Paris que la Déclaration de l'indépendance tchécoslovaque, formulée à Washington, est proclamée.
Après la proclamation de l'Etat tchécoslovaque, le 28 octobre 1918, Masaryk rentre en triomphateur à l'antique château de Prague. Il est salué en tant que président libérateur. Il a 67 ans au moment de sa première élection aux fonctions du chef de l'Etat. La République tchécoslovaque jouissait, grâce à lui, de la stabilité politique et de la prospérité économique. Les principes démocratiques sur lesquels cet Etat reposait furent ancrés dans la Constitution promulguée en 1920. Réélu 4 fois président, Masaryk est resté aux fonctions au total pendant 17 ans. Son idéal était de faire représenter dans le gouvernement toutes les principales couches de la population. Il supposait que leur collaboration fasse naître un système démocratique au sens le plus profond du mot, système capable de faire face aux extrémistes de droite aussi bien que de gauche.
Sur le plan international, Masaryk s'est fait remarquer par sa conception de l'organisation d'après-guerre de l'Europe centrale: un document dépassant le cadre de la Tchécoslovaquie et connu sous le nom d'Europe nouvelle. Cette conception supposait la création d'une fédération libre de nations centre-européennes, de la mer Baltique jusqu'à l'Adriatique. Masaryk s'opposa au rattachement des Sudètes à l'Allemagne. Il mena une politique de rapprochement avec la France et la Petite-Entente. Pour des raisons de santé, il renonça, le 14 décembre 1935, aux fonctions présidentielles pour se réfugier au château de Lany. Il meurt ici deux ans plus tard, le 14 septembre 1937, un an avant Munich.
Même aujourd'hui, Masaryk reste le symbole des meilleures traditions de l'Etat tchèque, un point de repère de notre histoire. Cela en dépit du fait que l'Etat tchécoslovaque dont il était fondateur n'existe plus. Au moment de sa création, en 1918, c'était la seule alternative d'assurer aux Tchèques et aux Slovaques leur indépendance dont ils étaient privés depuis 1526.