La reine Elisabeth des Premyslides et sa place dans l'histoire tchèque à l'occasion du 670e anniversaire de son décès
Dans le calendrier des dates historiques de notre pays, le 28 septembre est non seulement le jour de la mort tragique de saint Venceslas, patron des Tchèques. Le 28 septembre est aussi le jour du 670e anniversaire du décès de la dernière reine tchèque de la dynastie des Premyslides, Elisabeth /en tchèque, la forme exacte de son nom est Eliska/. La place de cette femme dans notre histoire a été en quelque sorte exceptionnelle. Avec elle, par son mariage avec Jean de Luxembourg, la dynastie luxembourgeoise est venue s'installer au trône tchèque, et c'est elle qui a donné la vie au plus illustre roi tchèque, Charles IV. Sa vie privée ne correspondait cependant pas toujours à l'importance de cette position: des bouleversements de l'époque ont marqué, de manière assez dramatique, son destin, comme nous allons le voir dans son bref portrait.
Elisabeth, fille du roi tchèque Venceslas II, est née le 20 janvier 1292. A l'âge de 5 ans seulement, elle a perdu sa mère Guta, issue de la famille des Habsbourg. Dès l'enfance, elle était d'une beauté exceptionnelle et c'est sans doute pour cette raison qu'elle était prise pour une femme passionnée, voire dominatrice. En réalité, elle supportait assez difficilement la perte de la mère ainsi que le manque de compréhension auprès de son père. La situation s'est encore aggravée après que son père épousa en secondes noces une jeune Polonaise, Elisabeth Rejcka, âgée alors de 17 ans seulement. La rancune qui s'est créée entre les deux jeunes femmes risquait de se transformer en haine ouverte après la mort du roi Venceslas II. Peu après, en 1306, également le fils de ce roi, Venceslas III, frère d'Elisabeth, est mort et la famille des Premyslides s'éteint ainsi en ligne masculine.
La belle-mère d'Elisabeth a épousé un Habsbourg, Rodolphe, qui est devenu pour une courte période d'un an roi tchèque. Après sa mort, c'est Henri de Carinthie qui a épousé la soeur aînée d'Elisabeth, Anne, ce qui est ressenti d'abord comme un soulagement, mais pas pour longtemps. Bientôt, une déception amère est éprouvée devant l'égoïsme et l'incapacité du roi Henri. C'est en ce moment néfaste pour le pays que les yeux des Tchèques sont fixés vers Elisabeth qui, après être chassée par Rodolphe du Château de Prague, vit dans des conditions modestes du couvent Saint-Georges. C'est là, qu'elle rencontre en secret l'abbé du monastère de Zbraslav, Conrad, pour lui demander de chercher une aide aux pays tchèques auprès de l'empereur romain. Une mission tchèque a été reçue en juin 1309 par l'empereur Henri VII. Les longues et difficiles négociations ont finalement abouti à la conclusion du mariage entre le fils de Henri VII, Jean de Luxembourg, et Elisabeth des Premyslides, en septembre 1310. Aux côtés de Jean de Luxembourg, Elisabeth rentre en reine dans son pays, où le nouveau roi est cependant considéré comme un étranger et c'est pour cela qu'un grand rôle à jouer dans la haute politique revient à son épouse qui connaît mieux que lui le milieu. Ce rôle, Elisabeth ne le refuse pas, d'autant plus que dans la restauration du pouvoir royal, elle voit un espoir pour l'avenir de son pays et qu'elle se sent être héritière de la dynastie des Premyslides disparue. Son grand désir, longtemps inaccompli, a été de donner un héritier au trône tchèque. Seulement en 1313, une fille lui est née à laquelle on a donné le nom de Marguerite. Sous le règne de Jean de Luxembourg, le pouvoir absolutiste des souverains commence à être affaibli par l'influence croissante de la noblesse, toujours de plus en plus riche. Cette situation a été lourdement ressentie aussi par son épouse, habituée, elle, à la monarchie féodale de son père. C'est aussi l'une des raisons de nombreux désaccords qui se sont manifestés entre la reine et la noblesse tchèque. C'est dans ce temps agité, qu'Elisabeth, en 1306, met au monde le futur héritier du trône tchèque, Charles IV, baptisé à la naissance d'après son grand-père - Venceslas.
Les ambitions d'Elisabeth ont encore augmenté après la naissance de l'héritier, dont elle voulait justement se servir pour maintenir son pouvoir et qui, en plus, figurait dans ses intentions comme un instrument pour s'emparer entièrement du pouvoir. Toutefois, la naissance de son deuxième fils a mis fin à ces ambitions. La reine et son nouveau-né se sont réfugiés au château de Loket, en Bohême occidentale. Le roi en profite pour prendre le château et pour lui enlever le fils aîné, Venceslas. Elisabeth, elle, est envoyée à Melnik, à l'écart de la vie politique... Plus tard, elle fait des séjours en Bavière où elle donne encore la vie à des jumelles. Malade, elle retourne en Bohême pour y terminer sa vie remplie de combat pour le pouvoir. Elle meurt le 28 septembre 1330, à l'âge de 39 ans inachevés.
A l'âge de 7 ans, le fils aîné d'Elisabeth, baptisé Venceslas, a été envoyé par son père Jean de Luxembourg à la cour de France, pour y passer un long séjour auprès de Jeanne d'Evreux, femme du roi français Charles IV, dont il a pris le nom pour abandonner son prénom Venceslas. C'est en France aussi que Charles de Luxembourg s'est fiancé à Blanche de Valois, s'est lié d'amitié avec le futur roi Charles V et y a poursuivi des études sous la direction de Pierre Roger, futur pape sous le nom de Clément VI. Après un séjour en Italie, il a gagné finalement la Bohême comme représentant plénipotentiaire de son père. En juillet 1346, Charles de Luxembourg est élu roi des Romains. Lorsque son père, Jean de Luxembourg, meurt, en août 1346, sur le champ de bataille de Crécy, il succède à son père sur le trône de Bohême et ceint, en 1355, la couronne impériale.
Par le règne de Jean de Luxembourg, la culture occidentale et surtout française s'est introduite en Bohême, et cette influence a encore été accentuée sous le règne de son fils Charles IV, héritier des meilleures traditions de la dynastie tchèque des Premyslides, par sa mère Elisabeth, et celles de la dynastie des Luxembourg, par son père Jean. On peut dire, pour conclure, que Jean de Luxembourg a été conduit sur le trône tchèque par un heureux concours de circonstances, dans lequel s'unissaient la prévoyance d'Elisabeth et la politique habile des moines cisterciens de Zbraslav qui, en cherchant le meilleur adepte au trône tchèque, se sont tournés vers l'homme le plus puissant à l'époque en Europe, Henri VII de Luxembourg. Leur choix a assuré au royaume de Bohême une longue période de prospérité et d'éclat.