Le 140e anniversaire de la fondation de l'association gymnique tchèque Sokol
Sokol, Faucon en français, est l'une des associations gymniques les plus anciennes dans le monde. Elle a été constituée le 16 février 1862, sous le nom d'Union gymnique de Prague, sur l'initiative de Miroslav Tyrs, professeur de l'Université Charles, et de Jindrich Fügner. Plus tard, elle a été rebaptisée Sokol Prazsky - Faucon de Prague. Sa création a été l'expression des tentatives émancipatrices de la nation tchèque à la fin du XIXe siècle. Au sein de l'empire austro-hongrois, dont la Bohême faisait partie, une période de détente politique suit au retrait de la scène politique du ministre autrichien de l'Intérieur, tant redouté, Alexander Bach. Les Tchèques commencent à imposer de façon plus énergique leurs intérêts nationaux. Ainsi est née l'idée de création d'un organisme national purement tchèque considérant la culture physique comme un moyen de regagner la dignité nationale. Le docteur Tyrs, en sa qualité d'historien, a essayé de ressusciter l'idéal de l'éducation grecque antique, le principe de kalokagathia, qui signifie une harmonie corporelle et spirituelle, et de le compléter par les principes de la philosophie moderne. Il a jeté les bases d'un mouvement qui allait être étroitement lié à la fondation de l'Etat tchécoslovaque et de ses destinées. Mouvement qui ne restera, et de loin, que gymnique. Dans ses ouvrages, Tyrs souligne que l'organisation gymnique ne devrait pas contribuer uniquement au développement de la vigueur physique, mais influer aussi sur les tâches à assumer par l'économie nationale, les tâches militaires, esthétiques et éducatives. Il vise l'éducation physique, spirituelle et morale à l'échelle nationale tendant automatiquement à un idéal commun à toute l'humanité.
Miroslav Tyrs formule les idéaux du mouvement des Sokols qui sont les suivants: la discipline, la persévérance, l'amour de la patrie, l'honnêteté, la sincérité, la volonté, la sociabilité, l'intrépidité, l'ascétisme, le bénévolat... Sokol développe le legs des grands de l'histoire tchèque - l'héritage spirituel et l'amour de la vérité de Hus, le courage de Zizka, le pacifisme de Chelcicky, l'humanisme de Comenius, le patriotisme de Havlicek. Sokol se réclame aussi des idéaux de la révolution française: liberté, égalité, fraternité. Dans cet esprit, les membres se tutoient et se disent frère et soeur. Les mots d'ordre de Tyrs expriment l'esprit du progrès et de la démocratie: L'individu n'est rien, la force est dans l'ensemble. Ni les bénéfices, ni la gloire. La stagnation, c'est la mort. En avant, pas un pas en arrière. Ce n'est que par l'activité que nous vivons et progressons. Tyrs forme les corps de moniteurs, fait paraître une revue spécialisée Sokol, lance les bases de la culture physique féminine et celle des handicapés. Du fait de la guerre entre la Prusse et l'Autriche en 1866, Tyrs accepte la proposition d'introduire l'éducation prémilitaire dans le mouvement des Sokols, à savoir de transformer les unités des Sokols en détachements militaires sportifs.
Sokol accueille les meilleurs fils de la nation - artistes, hommes de lettres, savants, instituteurs, artisans, journalistes, politiciens - le premier président tchécoslovaque, Tomas Garrigue Masaryk, en fut membre. Il traverse la frontière pour s'implanter au-delà de l'Atlantique. Il enthousiasme les communautés de compatriotes tchèques à Vienne, en Suisse, en Amérique, en France. Les relations avec la France sont tout particulièrement intenses. Les Sokols ont de très bons contacts avec l'Union des gymnastes français, conduite par Sansboeuf. Ces contacts jouent un grand rôle dans le rapprochement des nationalistes français et tchèques. En 1889, les Sokols sont invités aux festivités du centenaire de la révolution française à Paris. Les groupes, les délégations, les équipes sportives des Sokols visitent Nancy, Lyon, Paris, Nice, Arras...
Les Sokols adhèrent à l'Union Internationale européenne d'Education physique et remportent de nombreuses victoires aux concours. La VIe édition de la fête fédérale de 1912 fut non seulement la commémoration du 50e anniversaire de Sokol, mais aussi la première fête de l'Union des Sokols Slaves et représenta une action d'opposition à la politique austro-hongroise. Le gouvernement autrichien comprit l'influence des Sokols et essaya de les rallier à ses objectifs. A cette VIe édition de la fête, le maire des Sokols refusa l'interprétation de l'hymne autrichien. La réponse ne se fit pas attendre. Sokol fut interdit. Ceci poussa ses membres à participer à la résistance et à adhérer aux légions des armées alliées.
La naissance de la Tchécoslovaquie a marqué une renaissance de Sokol. Trois fois durant son existence, ses activités étaient interdites: pendant les deux guerres mondiales et sous le régime communiste. En 1990, Sokol renaît, pour la 4e fois, et renoue avec les traditions et les idées sur lesquelles il était né. Avec l'entrée au nouveau millénaire, le programme de Sokol fut modernisé. Sokol soutient 57 sports qui sont organisés en son sein. Le poids principal de ses activités réside cependant dans des unités de gymnastique, fréquentées par les personnes de tous les âges. Aujourd'hui, Sokol compte presque 1100 unités et réunit 190 000 membres.
Quelqu'un a écrit que Sokol est une communauté particulière qui a sa propre âme. Ceux qui le fréquentent sont d'accord que Sokol est une affaire de coeur. Les idéaux de Sokol ont influencé la vie de centaines de milliers d'hommes.