Tolkien et la Tchécoslovaquie
C'est dans les années 1970, alors que la normalisation politique et culturelle bat son plein en Tchécoslovaquie, que sort « Bilbo le Hobbit », premier livre de l'écrivain Britanique John Ronald Reuel Tolkien. Cette parution aux éditions « Odéon » reste l'un des exemples réussis d'ouvrage passant plus ou moins par hasard au travers de la censure officielle. En effet, malgrè les illustrations enfantines de Jiri Salamoun invitant à une lecture innocente, il s'est vite avéré que le sujet essentiel du livre tournait autour du thème du pouvoir totalitaire, présenté comme démoniaque. La lecture qui s'est faite au premier degrè par les censeurs, comme étant l'histoire des aventures chevaleresques de Bilbo, a vite été interprétée et mise en parallèle avec un pouvoir tout puissant, tyran d'un peuple opprimé. Les descriptions de paysages ravagés, de forêts dévastées, de statues monstrueuses et gigantesques ont vite permis aux lecteurs d'y sentir un rapprochement avec la pesante réalité communiste.
Le livre fut alors rapidement enlevé des librairies, mais sa réputation de critique du système totalitaire en général était faite. On a pu le retrouver, alors, au marché noir et l'échanger par exemple contre une ordonnance médicale permettant une cure thermale, contre une autorisation pour la délivrance de devises étrangères, ou tout simplement contre un morceau de viande de qualité.Ce premier contact avec Tolkien suscita une curiosité réelle et pressante pour la suite de son oeuvre. Ainsi, « Le Seigneur des Anneaux » non publié sous le communisme, circula tant bien que mal en version originale pour ceux qui pouvaient le lire, et se propagea vers les lecteurs
en langue tchèque sous forme de samizdat. Les chanceux qui eurent accès à la trilogie du « Seigneur des Anneaux », contribuèrent à élargir la légende de Tolkien en Tchécoslovaquie, par ailleurs véritable phénomène littéraire mondial des années 1980. Comme dans le premier ouvrage, on y retrouve une organisation politique dictatoriale qui repose sur un « oeil » tout puissant et malfaisant, surveillant, par l'intermédiaire de sa police et de ses espions, le peuple oppressé. C'est après la Révolution de Velours, en 1991, que l'oeuvre de Tolkien pu enfin paraître librement. Le succès fut immédiat, mais la légende autour de cet auteur s'essouffla progressivement avec le retour à la démocratie.L'adaptation du « Seigneurs des Anneaux » au cinéma semble être une réussite qui ne prive pas les spéctateurs du texte magique et novateur de Tolkien. La qualité artistique des images lui présage aussi un beau succès. « Le Seigneur des Anneaux » est sorti dans les salles pragoises à la mi-janvier 2002.