Une soirée d'Avignon pour Vaclav Havel, sans Havel

Vaclav Havel en France, photo: CTK

Une soirée en hommage de Vaclav Havel a eu lieu, ce mercredi, dans le cadre du festival de théâtre d'Avignon. Celui qui devait être le protagoniste de la soirée était, hélas, absent. Alena Gebertova récapitule le bref séjour de Vaclav Havel en France.

Vaclav Havel en France,  photo: CTK
Au lieu de trois jours, Vaclav Havel, accompagné de son épouse Dagmar, n'a pas passé plus de vingt-quatre heures en France. Une nouvelle fois, c'est sa santé qui l'a trahi. A cause d'un retour précipité à Prague, seul le volet politique de cette visite a pu être pleinement accompli : il a été marqué par des conversations du Président tchèque avec Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin. Outre des thèmes politiques, tels que l'élargissement de l'Union européenne ou les relations bilatérales, c'est aussi la Saison tchèque en cours en France qui a été à leur menu. Une manifestation à laquelle Vaclav Havel souhaitait donner du poids par sa venue dans la capitale française et à Avignon.

« J'ai été surpris de voir à quel point le Président Jaques Chirac en est bien informé », a pu constater Vaclav Havel.

La Saison tchèque, Bohemia magica, couvre près de 700 événements. Dans son cadre, Vaclav Havel a pu assister, au Centre tchèque de Paris, à l'inauguration de l'exposition de l'artiste Borek Sipek, son ami de toujours.

Avignon a été la seconde et la principale destination en France du couple présidentiel tchèque... Dans le cadre du célèbre festival de théâtre, Vaclav Havel a voulu remercier tous ceux qui, il y a vingt ans, au même endroit, lui avaient exprimé leur solidarité et leur soutien. A cette époque-là, il se trouvait en prison, souffrant d'une pneumonie. Des créateurs de théâtre du monde entier s'étaient alors engagés dans la « Nuit Vaclav Havel », histoire de lever leurs voix contre le totalitarisme et son arbitraire. Des centaines de lettres de participants avaient été envoyées alors d'Avignon pour demander la libération immédiate de Vaclav Havel.

Dagamr Havlova et Vaclav Havel,  photo: CTK
Ce mercredi soir donc, vingt ans après, une soirée a été de nouveau consacrée à Avignon à Vaclav Havel. L'ironie du sort veut qu'elle se déroule, de nouveau, sans lui. Si, mardi soir, il pouvait encore savourer tranquillement, avec son époque Dagmar, ex-comédienne, la douce nuit avignonaise en se promenant en ville, la situation a brusquement changé, le lendemain matin, avec des problèmes respiratoires. Le verdict des médecins a été catégorique : retour à Prague immédiat, pour éviter tout risque d'aggravation de santé...

« On déplore ce retour prématuré, surtout à cause de l'absence de Vaclav Havel à la soirée organisée en son honneur », a dit Ladislav Spacek, porte-parole présidentiel. Et d'ajouter : il tenait beaucoup à remercier les organisateurs de la fameuse « nuit avignonaise » d'il y a vingt ans, nuit de solidarité avec Vaclav Havel incarcéré. Il aurait aimé prononcer un discours en vue de défendre d'autres personnes actuellement en prison qui luttent pour les droits de l'homme... Ce discours, qu'il n'a pu prononcer en personne, a pourtant été lu, mercredi soir, à Avignon. En voici un bref extrait :

Je garde un vif souvenir de la joie que j'ai éprouvée dans ma prison, il y a vingt ans, en apprenant tout d'abord la mise en scène de notre procès, où le rôle de nous autres accusés fut confié à d'aussi remarquables acteurs qu'Yves Montand ou Simone Signoret et, plus tard, en apprenant que nombre d'artistes ont manifesté leur solidarité avec moi, avec nous et, en fin de compte, de la nuit que le célèbre Festival d'Avignon a dédiée à ma personne. J'ai eu du mal à en croire mes oreilles lorsqu'on me fit savoir que des textes d'auteurs tels que Samuel Beckett et Arthur Miller étaient descendus de l'Olympe des dramaturges d'alors dans ce palais. Mais ce que je ressentais à l'époque n'était pas uniquement une joie, et encore moins une joie maligne. Quel encouragement, voir quel sentiment édifiant que de constater que nos peines n'étaient pas gratuites, qu'elles avaient un sens communément compréhensible et aidaient la bonne cause : notre emprisonnement insensé attira l'attention du public mondial vers la situation étouffante dans notre pays et, ainsi, vers celle des autres pays oùi les droits de l'homme étaient bafoués. Ce fut une remarquable manifestation de solidarité professionnelle de mes colègues, mais aussi une brillante expression de leur responsabilité envers la destinée de l'homme et de sa liberté. Autant d'actes qui nous aidaient à vivre, qui aidaient notre partie du monde à s'affranchir.

A la fin de son discours, Vaclav Havel exprime sa solidarité avec des écrivains de Chine, de Birmanie et de Biélorussie en concluant, je cite :

J'estime qu'il convient de rappeler en ce moment et en ce lieu précis le sort de nos collègues et leur exprimer notre soutien. La lutte pour la liberté d'opinion et d'expression est loin d'être terminée.