Le bilan de Jan Spata

Jan Spata

Le cinéaste tchèque Jan Spata fête son 70ème anniversaire et, pourtant, son visage reste étonnamment jeune. Il y a quatre ans déjà il a dit "assez!", et il est parti à la retraite. Vaclav Richter.

Jan Spata
Avec 300 films qu'il a tournés en tant que cameramen et 107 documentaires qu'il a signés aussi en tant que réalisateur, Jan Spata a sans doute le droit de se reposer. Lauréat de 60 prix remportés dans son pays et à l'étranger, il n'a plus besoin de démontrer ses qualités. Quel est le secret de cet homme qui a su hisser le film documentaire au niveau de l'art? Lui-même surprend ses interlocuteurs lorsqu'il dit: "Le film est une supercherie, c'est à la foi la vérité et le mensonge. Et c'est probablement surtout cette qualité qui affilie le film aux autres arts." Sa recette pour faire un bon documentaire? Si l'on choisit dans n'importe quelle vie, même dans la plus ennuyeuse, les moments critiques et on les réduit par le montage à un film de vingt minutes, on peut en faire un succès foudroyant."

Le véritable secret de son succès est cependant, sans doute, dans un autre aspect de sa création. Il se dit pragmatique mais il ajoute aussi que son ambition était d'enrichir le documentaire, genre pragmatique par excellence, grâce à la sensibilité et le sentiment. Et c'est là que réside la force de son art. Le spectateur sent que l'auteur du documentaire est loin d'être un observateur froid et distant, mais qu'il cherche à comprendre, qu'il ne manque pas d'empathie et de compassion.

Aujourd'hui, le documentariste tchèque le plus célèbre ne tourne plus mais il ne reste pas inactif. Professeur à la faculté du cinéma, il se prononce dans la presse aussi sur les problèmes brûlants de la société tchèque. Il considère sa retraite comme définitive. Il y a pourtant une chose qui pourrait le faire revenir à la caméra. S'il trouvait le moyen de tourner le bonheur, par exemple celui d'une famille où tout va bien, où l'on s'aime, où l'on est heureux et content, Jan Spata redeviendrait cinéaste. Il n'y a rien de plus difficile et de plus courageux que de tourner le bonheur, dit-il, car on risque toujours de glisser dans le kitsch.