« In bed with Maradona en Biélorussie » ou l’histoire de Marcel Lička, l’entraîneur tchèque champion au pays de Loukachenko avec l’ancien club de Diego
Pour la première fois depuis treize ans, un autre club que l’indéboulonnable Bate Borisov a été sacré, fin novembre, champion de Biélorussie de football. Le nouveau lauréat est le Dinamo Brest. Un club dont beaucoup ont découvert l’existence au printemps 2018 lorsque Diego Maradona en a été nommé président d’honneur. Un an et demi plus tard, le Dinamo Brest a décroché le premier titre de champion national de son histoire. Sans Diego reparti entretemps au Mexique, mais avec un entraîneur tchèque à sa tête. Un entraîneur aussi parfaitement francophone. Son nom ? Marcel Lička. Malgré une ligne téléphonique souvent aléatoire entre Prague et le sud-ouest de la Biélorussie, il a raconté son aventure pour Radio Prague International.
Quel est le niveau de ce championnat de Biélorussie, qui est certes un grand pays mais dont le football est mal connu à l’exception des deux grands clubs que sont le Bate Borisov, habitué des coupes d’Europe, et le Dinamo Minsk, qui était un habitué du championnat d’URSS (champion en 1982) ?
« Pour ce qui est des deux clubs que vous venez de citer, mais aussi Soligorsk et donc nous, je pense que nous avons tous le niveau pour disputer la Ligue Europa. Financièrement, ces clubs ne sont pas très costauds, mais ils sont bien organisés. Tactiquement, ce sont des équipes qui défendent bien notamment, il n’y a donc pas de matchs faciles. »
Au-delà de ce titre de champion, le Dinamo Brest est aujourd’hui mieux connu aussi en raison du passage de Diego Maradona en 2018…
« Oui, nous nous sommes croisés et avons discuté ensemble une vingtaine de minutes. Disons que sa venue était avant tout un bon coup pour le club en matière de relations publiques et de communication. Quand Maradona a signé à Brest comme président d’honneur, j’ai reçu au moins une centaine d’appels de République tchèque, mais aussi de Pologne et de France. Personne ou presque ne connaissait le Dinamo Brest et tout le monde voulait savoir ce qui s’y passait. Maradona reste un authentique passionné. Il est habité par la passion pour le jeu. Il aime le foot à la folie. Cela se voit et s’entend tout de suite. Après, Diego a aussi une vie privée, et c’est autre chose… Tout le temps que j’ai passé avec, il ne s’est pas assis une seule fois. Il était toujours en train de bouger pour m’exposer sa vision du jeu. C’était un dialogue en mouvement. C’était un personnage qui fera toujours parler de lui, jusqu’à la fin de sa mort (sic). Bon, on voit bien que cela fait longtemps qu’il n’a plus joué, mais dès qu’il bouge, ça donne des frissons. Le moindre de ses mouvements suscite des réactions, bonnes ou mauvaises selon qu’on aime ou pas le personnage. Mais Diego, qu’on le veuille ou non, ça reste le top du top ! »Comment vit-on au quotidien, en dehors du terrain, dans ce pays fermé au monde qu’est la Biélorussie ?
« Brest est davantage une ville européenne, car elle est située à la frontière avec la Pologne. C’est une ville tranquille, très propre comme d’ailleurs les autres villes du pays. Et puis vous ne devez avoir aucune crainte par rapport à la sécurité, le contrôle est très strict et les gens ont peur de la violence. Vous vous sentez donc bien protégés et je m’y sens très bien. La vie est aussi beaucoup moins chère qu’en Europe. Mais c’est vrai aussi que les gens sont très fermés, ils n’ont pas les libertés auxquelles nous sommes habitués en Europe. »Ressentez-vous ce manque de liberté dans vos relations avec vos joueurs et vos dirigeants ?
« Avec les dirigeants, oui ! Ils sont toujours à vouloir vous donner des ordres. Mais ce n’est pas ma mentalité. Je leur ai déjà dit qu’ils n’avaient pas besoin de moi et que je pouvais rentrer chez moi si je ne pouvais pas faire les choses comme je l’entends. C’est moi le responsable et si ça ne leur plaît pas, ils peuvent choisir un entraîneur biélorusse qui les écoutera. Le président veut toujours ordonner, mais le problème, c’est qu’il ne comprend pas le football. Moi, je ne m’occupe pas de ses affaires, donc qu’il ne se mêle pas des miennes. Se comprendre est parfois compliqué. »
Marcel Lička, comment entretenez-vous votre excellent français ?
« Je ne pense pas que mon niveau soit excellent, mais j’ai la chance de pouvoir parler avec le joueur camerounais de notre équipe, Gaby Kiki. Mon avantage ici est de pouvoir communiquer en russe, en français, en espagnol et en anglais. Cela facilite le travail et les relations. Pour ce qui est du français, j’ai chez moi des chaînes de télévision françaises et j’ai pas mal d’amis français avec lesquels je reste en contact régulier. »Précisons que vous avez grandi en France…
« Oui, à Grenoble et à Calais, où mon père Verner a joué (dans la seconde moitié des années 1980 et au début des années 1990). Même à Anvers, en Belgique, j’ai fréquenté une école française. Au total, j’ai passé six à sept ans dans une école française. Nous sommes arrivés à Grenoble quand j’avais huit ans et nous sommes repartis de France quand j’avais quinze ou seize ans. Et cela a été la même chose pour mon frère cadet Mario, qui a commencé à l’école maternelle. »
Qui sait, peut-être vous reverra-t-on un jour en France en tant qu’entraîneur ?
« Ah, ce serait avec grand plaisir ! J’aime beaucoup la France. Je m’y considère un peu comme chez moi. Chaque année, je passe un certain temps chez mes amis à Calais. Donc oui, y travailler me tenterait bien. Quand nous étions gamins, mon frère et moi étions supporters du RC Lens. Mon rêve serait d’ailleurs d’entraîner au stade Bollaert quand il est plein. Les supporters lensois sont parmi les meilleurs en France. »
Ou peut-être ce sera à Brest, mais cette fois en Bretagne, où a joué votre frère Mario…
« Ah oui, ce serait bien aussi… Vous savez, je suis allé une fois chez Mario à Brest. Je ne connaissais pas la Bretagne avant ça, mais les villages, la ville, la région… les paysages sont magnifiques ! J’ai beaucoup aimé, et comme mon frère était bien apprécié, les gens étaient très accueillants. Bon, la seule chose, c’est la météo (il se marre au téléphone)… Il pleut, cinq minutes après il fait du soleil, puis il pleut de nouveau… Mais bon, c’est comme Calais, je m’y suis bien senti. »