« A Prague, le smartphone s’invite avec humour sur grand écran »
Avis aux passionnés de courts-métrages : le smartphone s’invite sur grand écran à Prague. La 4ème édition du festival amateur du film pour smartphone « Some Like It Short », organisé dans la capitale tchèque, se tiendra le temps d’une soirée, le vendredi 13 décembre, au cinéma Bio Oko dans le quartier praguois de Holešovice. Quelques jours avant la tenue de ce festival international, Radio Prague Int. est allée à la rencontre de ses deux créateurs, Bruce Chaboud et Giuseppe Picheca qui ont répondu à nos questions au cinéma Bio Oko.
Bruce Chaboud : « Beaucoup de choses, à commencer par le cinéma lui-même. On s’est rencontré Pepe et moi dans ce cinéma il y a cinq ans (Bio Oko, ndlr) Et puis, parce qu’on a un amour pour le cinéma en général, on est assez cinéphiles tous les deux. Il y a aussi cette idée finalement un peu stupide qui nous parcourt toujours de créer des événements, de créer des objets qui sont sources de dérision. Donc notre festival est un peu un grand événement autour de quelque chose de petit et d’amateur. C’est pour cela qu’il s’appelle 'Some Like It Short', une référence à un grand film de Billy Wilder (Some Like It Hot, ndlr). Et en même temps ‘we like it short’, on n’aime pas quand c’est trop pompeux. »
Peut-être que parfois on peut en dire beaucoup plus avec beaucoup moins ?
Giuseppe Picheca : « Je crois que ce n’est pas vraiment cela. Je crois que la question pour moi ou pour nous, c’est la possibilité que chacun a de s’exprimer, de produire quelque chose avec sa créativité. Il n’est pas facile pour quelqu’un de produire une pellicule, de faire du cinéma. Pour nous, l’idée n’est pas vraiment de créer un message différent mais de proposer un niveau pour faciliter la création, la créativité des gens. Et ça, c’est spécial. Chez Bruce, on a invité seulement des amis à faire une petite vidéo et après à choisir les meilleures et on a découvert la créativité, la puissance de la créativité. Elle était incroyable. Une addiction ».
B.C : « En même temps, c’est vrai que dans l’idée d’amateurisme dans l’art, c’est toujours bien d’avoir un format assez petit, assez étroit quand on commence. Dans la littérature, dans le cinéma en général on dit souvent que les premiers films sont trop longs, on veut toujours en dire trop. Et c’est vrai que l’idée de faire quelque chose d’amateur mais de petit format, c’est aussi avoir la garantie qu’on ne va pas souffrir. Parce qu’un film mauvais, très long est très, très, très long. »G.C : « La règle du festival, c’est bien sûr que tous les films sont faits avec le smartphone mais aussi qu’il y a un maximum de 6 minutes, 17 secondes. »
B.C : « Il n’y a jamais vraiment eu de raison à ce choix. On a juste mis 6 minutes 17 secondes et on ne sait pas pourquoi. Ça fait partie de nos règles. »
Les films sont en tchèque et en anglais, il y a une dimension internationale au festival. Est-ce ce que vous pensez que le court-métrage, c’est aussi un moyen de fédérer les gens autour de l’humour, des émotions ?
B.C : « Effectivement, on est tous les deux des expats à Prague : un Italien, un Français. Nos amis sont tchèques, slovaques, français. On a autour de nous une communauté disons d’expats intégrés dans la République tchèque, dans Prague. Dans un cinéma où on connaît un peu tout le monde parce qu’on va souvent y boire des coups. Nos amis s’exportent, puisqu’ils sont expats donc ils repartent, ils rencontrent d’autres gens, ils diffusent un peu l’événement. Pour le prochain festival, nous avons des films qui viennent de Berlin, un film produit par un Pakistanais vivant au Japon. Un ami originaire de Jordanie qui nous envoie son film donc c’est un vrai festival international. »G.P : « Mais aussi connecté à Prague. Tous les films ont des sous-titres en tchèque. La présentation de tous les films a une traduction en tchèque. Nous avons une interprète. »
B.C : « Une interprète de très haut niveau, Petra Majerčíková qui est un petit peu la troisième pièce de notre puzzle parce qu’elle joue un rôle très important dans le festival. »
Dernièrement Martin Scorcese a parlé de son nouveau film The Irishmen en demandant à son public de ne pas le regarder sur un smartphone. Qu’est-ce que vous pensez du cinéma sur smartphone ?
B.C : « En même temps The Irishmen, il est produit par Netflix donc cela ouvre une deuxième discussion sur la production et la diffusion… »
G.P : « Il faut clarifier cela. Moi, Bruce et tous les gens de 'Some Like It Short', on aime le cinéma, vraiment. On aime le cinéma dans le cinéma. On n’aime pas le cinéma à la maison, sur l’ordinateur. On n’aime pas beaucoup Netflix, HBO et toute la puissance de ces nouveaux marchés du cinéma. Avec notre film sur smartphone, on ne veut pas faire se substituer au cinéma. Le film professionnel pour nous, c’est très important. On ne va jamais penser que notre film va être plus ou moins au même niveau. On a seulement envie de s’amuser et de libérer sa créativité. Ce sont deux choses vraiment différentes. On fait des pellicules de mauvaise qualité pour s’amuser. Il faut avoir cette attraction à être plus protagoniste dans le cinéma. Je voudrais bien que le public de notre festival vienne souvent dans ce cinéma, dans les autres cinémas de Prague et ne regarde pas trop de vidéos en ligne, des pellicules sur le petit écran de l’ordinateur. » B.C : « C’est toute la démarche et ce qui est intéressant pour moi dans notre festival : tout en étant un peu un objet – comme je le disais au début – de dérision, pas forcément très sérieux, on l’organise comme un événement assez drôle. Les téléphones portables sont souvent utilisés de façon individuelle, chacun sur son petit écran. Je suis arrivé en tram, chacun est sur son écran, il n’y a pas vraiment de partage avec cet outil. Et tout d’un coup on se trouve à Bio Oko comme on le sera le vendredi prochain et il y a quelqu’un qui est en face de nous qui a fait un film et qui est prêt à nous en parler. Voilà, ce n’est pas Martin Scorcese mais c’est quelqu’un qui a fait ça avec son cœur ou avec son humour, avec tout ce qu’il a. On n’est pas Scorcese mais on commence à savoir ce que c’est qu’un traveling, on apprend, on est forcé d’apprendre un petit peu. »G.P : « Et de toute façon, il y a le mec du Pakistan qui nous a envoyé la petite vidéo du Japon et cette vidéo, elle va être sur l’écran du cinéma. Mais The Irishmen non. Alors qui a gagné ? »