La Tchéquie sort le grand jeu pour le centenaire de la Tchécoslovaquie
Rarement un Etat disparu aura autant été fêté. Durant tout le weekend, la Tchéquie a mis les petits plats dans les grands pour célébrer, à travers de multiples événements, le centenaire de la déclaration d’indépendance de la Tchécoslovaquie, le 28 octobre 1918. Retour sur ces deux jours de festivités.
La République tchèque a beau être officiellement née le 1er janvier 1993, suite à la scission de la Tchécoslovaquie, c’est bien le 28 octobre le jour de sa fête nationale. Cette année, elle a pris une ampleur toute particulière à l’occasion du centenaire de l’indépendance tchécoslovaque, un événement auquel il était impossible de couper dans tous les médias tchèques, y compris Radio Prague, qui avaient sorti le grand jeu pour ne pas rater une miette du weekend, tant pour retracer l’histoire de la création du nouvel Etat, que pour discuter du rôle de ses principaux acteurs, Edvard Beneš, Milan Rastislav Štefánik et surtout Tomáš Garrigue Masaryk, ou encore pour s’interroger sur les liens qui ont uni et qui unissent encore aujourd’hui, malgré la disparation de leur pays commun, les Tchèques et les Slovaques.
Cette dernière question est d’ailleurs au cœur de la nouvelle exposition, sur l’histoire des deux peuples au cours du siècle écoulé, visible dès à présent et gratuitement au Musée national à Prague. Le bâtiment historique de cette institution muséale, dont la construction a constitué un moment important de l’histoire du renouveau national tchèque au XIXe siècle, a été rouvert au public samedi après plusieurs années de travaux de rénovation. L’inauguration, un des moments forts du weekend, s’est déroulée en présence du Premier ministre tchèque Andrej Babiš et son homologue slovaque Peter Pelligrini, lequel a insisté sur l’excellence des relations tchéco-slovaques :« Nous ne devons pas considérer nos relations magnifiques comme étant automatiques. C’est pour cela que nous devons les entretenir, les cultiver, maintenir les rituels que nous avons institués. Si nous ne le faisons pas, la situation pourrait changer d’ici cinq, dix ou vingt ans. Mais il est vrai aujourd’hui que nous sommes probablement les deux nations les plus proches au monde. »
C’est pour entretenir ces relations que les dirigeants slovaques, Peter Pelligrini mais aussi le président Andrej Kiska, ont été invités et associés aux principaux événements qui ont émaillé le weekend : la prestation de serment de militaires et de policiers tchèques samedi au Château de Prague, la cérémonie mémorielle le lendemain au Mémorial national de Vítkov, où une gerbe a été déposée sur la tombe du soldat inconnu, ou bien encore le défilé militaire organisée sur l’avenue Evropská.
Ceux qui aiment ce genre d’exercice étaient aux anges dimanche, puisqu’il s’agit de la plus grande marche de ce type jamais vue dans la capitale tchèque, avec plus de 2 000 soldats mobilisés. La fête a été cependant quelque peu gâchée par le mauvais temps et il a fallu revoir à la baisse les ambitions de la parade aérienne. Seuls deux chasseurs Gripen ont survolé la ville, mais ils sont restés invisibles du public. Pas de quoi briser le moral de Jiří Baloun, officier de l’armée tchèque responsable de l’organisation du défilé :
« Même s’il a plu et que nous n’avons pas vu toute la parade aérienne, je pense que le résultat est formidable. Il est même meilleur du fait que des milliers de personnes soient venues, malgré ce temps. Les soldats comme ces gens ont montré qu’ils n’étaient pas faits en sucre. »La soirée de dimanche s’est achevée par la traditionnelle remise des décorations nationales au Château de Prague par le chef de l’Etat Miloš Zeman. L’épisode a cependant fait grincer des dents, d’une part parce que nombre de personnalités jugées critiques du président n’ont pas été invitées à la cérémonie, d’autre part en raison de l’identité de certaines de 41 personnes récompensées. Parmi elles, on trouvait par exemple le financier slovaque Pavol Krúpa, un ennemi juré, comme M. Zeman, de l’homme d’affaires Zdeněk Bakala, ou bien encore le chanteur pop Michal David, qui a connu son heure de gloire dans les années 1980 :
« Je pense que n’importe quelle récompense du président de la République, de n’importe quelle république, est un honneur. J’en suis très fier. Evidemment, ceux avec qui je collabore depuis quarante ans que je suis dans ce business le méritent aussi. »Michal David illustre en tout cas une autre coloration de ces festivités : la mise en avant de la culture sous toutes ses formes. Cela a été le cas samedi avec la représentation au Théâtre national de l’opéra Libuše de Bedřich Smetana ou bien dimanche avec un concert sur la place de la Vieille Ville où des artistes contemporains ont interprété certains des plus grands tubes du siècle dernier.