Affaire du lithium : les députés se quittent après un âpre débat
Réunie une dernière fois exceptionnellement ce lundi à quelques jours des législatives, la Chambre des députés a discuté de l’affaire dite du lithium, du nom de ce métal rare dont le pays dispose de réserves au nord de la Bohême, qui embarrasse depuis quelques semaines la social-démocratie. Les parlementaires ont demandé au gouvernement d’annuler le mémorandum signé par le ministre de l’Industrie avec une société minière australienne, estimant que ce document allait à l’encontre des intérêts de la République tchèque.
« Ce remue-ménage, tout à fait légitime, a commencé par le fait que, deux semaines avant les législatives, un ministre du gouvernement tchèque, de son propre chef, signe un document aussi fondamental et vient ensuite nous dire qu’il n’est pas contraignant et que tout va bien. Mais le niveau d’hystérie de nos collègues de la social-démocratie montre bien que ce n’est probablement pas aussi clair que ça. »
Le document fondamental en question, c’est un mémorandum portant sur l’exploitation du lithium au nord de la Bohême, signé entre le ministre de l’Industrie et du Commerce, le social-démocrate Jiří Havlíček, et la société d’extraction minière australienne European Metals Holdings. Le lithium est un métal rare, essentiel pour de nombreuses industries, en particulier pour le secteur en plein développement des énergies renouvelables. C’est donc une matière première stratégique et le parti communiste, à l’initiative de la session extraordinaire des députés, estime qu’elle devrait restée dans le giron de l’Etat et ne pas être exploitée par une société étrangère. C’est ce qu’a exprimé le chef des communistes, Vojtěch Filip :
« Le gouvernement ne dit pas la vérité. Le fait de signer ce soi-disant ‘mémorandum’ avec une société qui dispose d’un prête-nom pour voler les réserves d’une matière première stratégique me semble écœurant et abject. »Les représentants du mouvement ANO, le parti d’Andrej Babiš, donné favori des législatives dans tous les sondages, n’hésitent d’ailleurs pas à parler d’un « vol commis par la social-démocratie ». Les partis de l’opposition considèrent pour leur part également que la signature du mémorandum va à l’encontre des intérêts de la République tchèque, mais ils mettent en cause tout le gouvernement, mouvement ANO y compris.
Du côté de la social-démocratie, la défense adoptée repose sur trois éléments. D’abord, ce mémorandum n’engagerait pas l’Etat tchèque. Ensuite le ministre de l’Environnement lui-même, un ministre ANO, suivait l’affaire de près depuis plusieurs années et était sensible aux velléités des sociétés minières privées. Enfin surtout, il s’agirait d’une machination politique visant à faire diversion pour éviter d’évoquer les affaires touchant Andrej Babiš. C’est ce qu’a défendu le Premier ministre Bohuslav Sobotka :
« Il faut détourner l’attention ! C’est que les gens et les journalistes pourraient se demander comment est-il possible que deux hommes poursuivis par la justice puissent rester à la tête du mouvement ANO et de surcroît candidater aux législatives (Andrej Babiš et Jaroslav Faltýnek dans l’affaire dite du nid de cigognes, ndlr)... Alors on utilise le scénario ‘Wag the Dog’ : on crée l’affaire du lithium pour qu’elle remplisse les médias de telle manière qu’on ne parle pas de l’affaire du nid de cigognes. »A l’issue du débat, les députés ont adopté deux propositions faites par les communistes : l’une demande tout simplement au gouvernement de déclarer la nullité juridique du mémorandum et l’autre de confirmer son caractère non contraignant, afin qu’une entreprise privée ne soit pas tentée de porter l’affaire devant un tribunal d’arbitrage. Une autre proposition a été soutenue, défendue par le mouvement xénophobe de Tomio Okamura, pour que l’exploitation du lithium soit le fait d’une entreprise publique et que les bénéfices de cette activité profitent au budget de l’Etat.
C'est au gouvernement issu des législatives à venir qu'il reviendra de trancher ce litigieux débat.