Miloš Zeman candidat à sa propre succession à la présidence de la République

Miloš Zeman, photo: ČTK

Miloš Zeman sera bien candidat à sa propre succession à la présidence de la République. Devant un parterre de supporteurs réunis jeudi soir au château de Prague pour fêter le quatrième anniversaire de son intronisation, le chef de l’Etat a confirmé ce que tout le monde attendait : sa participation à l’élection présidentielle prévue pour janvier 2018. Et il figurera clairement parmi les favoris.

Miloš Zeman,  photo: ČTK
Après ses fans, ce sont les journalistes, ce vendredi matin, qui étaient réunis au siège de la présidence tchèque pour entendre l’annonce officielle de sa candidature. M. Zeman dit avoir pesé les facteurs qui auraient pu le dissuader de prendre cette décision. Il a tour à tour évoqué son âge, actuellement de 72 ans, quand l’espérance de vie moyenne chez les hommes tchèques est de 75 ans, comme il l’a rappelé, son désir de se reposer et de pouvoir se consacrer à la lecture, et enfin son état de santé, pas optimal mais selon lui stationnaire. Mais tout bien pesé, pour l’ancien premier ministre social-démocrate, le soutien dont il pense jouir au sein de l’opinion publique ainsi que l’amour qu’il dit porter pour la fonction l’ont convaincu de solliciter à nouveau le vote des électeurs tchèques.

Cerise sur la conférence de presse, M. Zeman a indiqué qu’il ne mènerait pas campagne. Il souhaite en effet rester à son poste de combat jusqu’au moment du scrutin. Pour commenter l’annonce de cette candidature, Radio Prague a joint le politologue Michel Perottino :

« Depuis qu’il est président, Miloš Zeman nous laisse un peu dans l’expectative de ce qui va se produire, même si en pratique le résultat est toujours prévisible. En l’occurrence, il était sous la pression de son entourage, et il est assez clair qu’il n’avait aucune volonté de ne pas se représenter, même si on pouvait imaginer une situation inverse. »

Il a fait cette annonce jeudi soir au château de Prague alors qu’il célébrait le quatrième anniversaire de son intronisation. Il était en compagnie de ses soutiens, ceux-là même qui l’ont poussé. Qui sont-ils ?

« C’est assez variable. D’une part, il y a des personnes du milieu politique qui l’ont accompagné depuis les années 1990, qui ont fait partie de son gouvernement. Je dirais que ce sont des compagnons de route beaucoup plus anciens et pour certains d’entre eux aussi âgés que lui. Ce sont des groupes ou des personnes issues de milieux notamment financiers ou industriels et aussi liés à la Russie. Son entourage est aussi beaucoup présent, je pense en particulier à M. Mynář qui est très actif et qui a lui-même ses propres groupes.

Entre parenthèses, il y a quelque chose d’assez atypique. Par exemple, quand on regardait ce jeudi à la télévision ce qui se produisait, il n’y avait pas de caméra puisqu’elles ont été refusées, il y avait très peu de journaliste. On a fait pression sur les journalistes. Et la retransmission s’est faite par une vidéo prise sur un téléphone mobile, donc c’est assez caractéristique aussi de son modus operandi très particulier. »

Michal Horáček,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
Avant M. Zeman, plusieurs autres personnalités avaient déjà annoncé leur candidature, par exemple l’homme d’affaires Michal Horáček. Mais il n’y en a aucun qui semble pouvoir vraiment rivaliser avec M. Zeman, qui est assez populaire dans les sondages. Quelles sont pour vous les chances de M. Zeman à l’heure actuelle dans l’optique de cette présidentielle ?

« D’une part, on n’a pas encore tous les candidats. Et d’autre part, on a encore de nombreux mois avant les élections, donc beaucoup de choses peuvent se modifier entre temps. Mais actuellement, sur le papier, c’est plutôt Miloš Zeman qui mène et qui a pas mal de chances d’être réélu, ce qui est sans doute une des raisons pour lesquelles il se représente. »

Il n’en reste pas moins que même s’il est populaire dans les sondages, c’est un personnage assez clivant. On l’avait déjà vu lors de la présidentielle de 2013 où son opposition avec M. Schwarzenberg avait donné lieu à une sorte d’opposition entre la ville et la campagne. Risque-t-on d’assister à une nouvelle fracture dans la société tchèque avec cette élection en 2018 ?

« Très clairement, la fracture continue, la fracture reste. Ce qui a un peu changé, notamment dans sa rhétorique et sa façon de présenter les choses, c’est que Miloš Zeman est encore plus populiste qu’il ne l’était il y a quelques années, sur certaines thématiques. »

Quelles sont ces thématiques ? Celle des migrants notamment ?

« C’est notamment celle des migrants, c’est relativement large et cela dépend beaucoup de l’actualité. Mais effectivement, la question de la crise migratoire a été une des plus marquantes durant la présidence. »

Pour la deuxième fois, la présidentielle va se jouer au suffrage universel direct. Pourtant, on le répète régulièrement, le président a un rôle essentiellement représentatif en République tchèque. Quel sera l’enjeu de cette élection présidentielle en 2018 ?

« Effectivement, au niveau de la constitution écrite, on peut dire qu’il a un rôle essentiellement symbolique ou représentatif, mais son poids peut être relativement important, ce qui se dégage d’une longue histoire depuis le premier président tchécoslovaque Masaryk. Fondamentalement, on va se retrouver un peu dans la même situation qu’aujourd’hui, avec un président, qui, évidemment en fonction de son état de santé, va être relativement présent, actif, et qui pourra beaucoup bouleverser les données, notamment suite aux élections législatives. »

Quels parallèles peut-on faire ou quelles différences peut-on observer avec les présidences de ses prédécesseurs, Václav Havel et Václav Klaus ?

« C’est difficile car chacun était très particulier, et chacun était président à une période un peu spécifique. Mais dans tous les cas de figure, on peut constater au moins une chose. Si, sur le papier, le président est plutôt en retrait, représentatif et symbolique, il a en fait une capacité assez importante de faire évoluer ou stopper certaines choses. Donc il s’agira d’un président qui va continuer à être relativement actif, même si par rapport à ses prédécesseurs, je pense que Miloš Zeman est encore plus clivant et qu’il a face à lui une opposition beaucoup plus ferme que ne l’avaient ses prédécesseurs en fonction des périodes considérées. »