Tempête Boris en Tchéquie : avec la décrue à venir, le terrible constat des dégâts et le besoin de solidarité

Krnov

Ce lundi, un peu plus de 200 localités en Tchéquie étaient encore au plus haut niveau d’alerte inondation. Alors que dans certains endroits, le pic de crue est attendu ce lundi, avant le retour progressif d’une météo plus clémente dans les jours qui viennent, le pays déplorait ce matin huit personnes disparues et une personne morte noyée.

Après trois jours de pluies intenses et quasiment sans discontinuer, un faible espoir est permis dans certaines régions touchées par les inondations où l’eau a commencé à se retirer et alors que les prévisions météo pour les jours à revenir tablent sur un retour progressif du beau temps à partir de mercredi. Seulement cet espoir suscité par le retrait des eaux va de pair avec une forme de découragement.

C’est le cas par exemple à Krnov, en Moravie-Silésie : dans cette petite ville du nord-est du pays, située dans la région montagneuse des Jeseníky, une des plus durement touchées, les habitants ne peuvent désormais que constater les dégâts. Avec 80 % de la surface de la ville inondée au cours des derniers jours, le constat matériel est terrible avec des maisons dévastées, et une ville totalement privée d’électricité, d’eau potable et de connexion internet.

Même constat à venir dans d’autres villes ce lundi matin qui, elles, sont encore sous les eaux : une grande partie de la ville de Bohumín était sans courant ce lundi matin, les écoles fermées et la seule « bonne nouvelle » est que dans cette ville de Silésie à la confluence des rivières Olše et Oder, cette dernière a atteint son pic de crue dimanche soir, amorçant l’espoir d’une baisse du niveau de l’eau dans les heures qui viennent.

Dans le bassin industriel de la ville d’Ostrava qui concentre la plus grande partie de la population de la région, pas d’eau chaude ni d’électricité ce matin non plus, et le transport ferroviaire est totalement interrompu, une situation qui devrait durer toute la semaine.

Ces quelques exemples donnent la mesure de l’ampleur de la catastrophe qui a touché tout le nord, nord-est de la Tchéquie, ainsi qu’une partie du sud de la Bohême. Ce lundi matin, on comptait malheureusement une première victime, morte noyée dans la rivière Krasovka, en Moravie-Silésie et sept personnes disparues, dont trois qui ont été emportées dans leur voiture à Lipová-lazně par un cours d’eau en crue dans la région d’Olomouc et dont on est sans nouvelles depuis samedi.

Photo: Matěj Vodička,  Český rozhlas

Parmi les disparus, une personne qui a sauté dans la rivière Otava en crue : les autorités tchèques ont souligné l’inconscience de certaines personnes ces derniers jours, comme ces trois jeunes gens interpellés par la police alors qu’ils descendaient une rivière en paddle-board. Alors que la fin des précipitations n’est attendue que pour mercredi à l’est du pays et que d’ici là, le sud-ouest du pays devrait être particulièrement touché, le chef du gouvernement Petr Fiala a rappelé dimanche quelques principes de base :

« Je demande à tout le monde de bien respecter les consignes des maires, mais aussi celles du système de secours, notamment les consignes en provenance des pompiers sur le terrain. Aucune des mesures mises en place de manière préventive ne sont inutiles : ces décisions sont prises pour sauver des vies et protéger les biens. Certaines personnes ont refusé d’être évacuées, mais c’est dangereux pour eux et ensuite pour les sauveteurs qui doivent venir les secourir lorsque la situation est devenue dramatique. »

Les leçons des crues de 2002

Dès le début de la semaine dernière, les autorités tchèques ont prévenu la population de l’approche de la tempête Boris qui a également touché les pays voisins comme la Pologne et l’Autriche. En Tchéquie, le traumatisme des crues de 1997, et plus près de nous, en 2002, est toujours dans les têtes : à l’époque ce sont plus de 220 000 personnes qui avaient dû être évacuées, plus de 750 villes et communes ravagées par les eaux et un triste bilan humain de 17 personnes mortes en raison de la montée des eaux.

La capitale tchèque avait vu plusieurs de ses quartiers ravagés, le métro inondé, les transports publics paralysés et des dizaines de milliers de Pragois évacués. Si Prague a été relativement épargnée cette-fois-ci, l’alerte aux inondations n’ayant pas dépassé le niveau 1, jusqu’à plus de 240 localités du pays ont été placées au plus haut niveau de danger au cours des trois derniers jours. Pour le Premier ministre, le souvenir de 2002 a permis aux autorités de réagir en amont :

« La Tchéquie a tiré les leçons des inondations dévastatrices de 2002. Comme l’a dit le directeur de l’Institut hydrométéorologique tchèque, c’est la première fois que nous avons pris des mesures préventives en avance. Depuis mardi dernier, nous réagissons aux prévisions, et aux modèles météo qui sont bien plus précis. Toutes les personnes concernées à tous les niveaux ont été mobilisées afin de pouvoir réguler le débit des eaux à certains endroits. Certains établissements hospitaliers, comme à Brno, ont été évacués de manière préventive. D’un autre côté, nous faisons face à une situation exceptionnelle. L’eau peut être imprévisible et destructrice comme nous le voyons aujourd’hui et tout ne peut pas être prévu et préparé à 100%. »

Kampa à Prague | Photo: René Volfík,  iROZHLAS.cz

Solidarité nationale et au-delà

Outre la mobilisation de 100 000 pompiers professionnels et volontaires, épaulés par les forces de police et l’armée, les principales ONG du pays ont également été sur le pied de guerre depuis trois jours, entre collecte de fonds, remplissage de sacs de sable et distribution de provisions aux personnes évacuées.

Plus de 10 000 personnes ont dû trouver refuge dans des hébergements d’urgence ou chez des proches. Le président tchèque Petr Pavel a appelé à la solidarité nationale : rappelant que les régions les plus touchées comptent parmi les plus défavorisées du pays, il a souligné que l’après-inondation serait probablement pire que la crue elle-même et que l’aide de l’Etat, des assurances mais aussi des citoyens serait particulièrement nécessaire dans les semaines et mois à venir.

Signe également d’une solidarité transfrontalière : en dépit du fait qu’elle soit en guerre depuis plus de deux ans, l’Ukraine a proposé à la Tchéquie l’assistance personnelle et matérielle de ses forces de secours pour faire face aux conséquences des inondations qui frappent le pays, a fait savoir dimanche le ministre des Affaires étrangères, Jan Lipavský (Pirates). Déjà samedi, sur la plateforme X, le nouvel ambassadeur d’Ukraine en Tchéquie avait appelé ses compatriotes vivant sur le territoire tchèque à proposer leur aide aux Tchèques, dans la mesure des besoins des autorités locales.