Les « tableaux de la jungle » du Douanier Rousseau exposés pour la première fois à Prague
La Galerie nationale de Prague consacre, à compter de ce jeudi, une exposition au peintre français Henri Rousseau. Déjà présentée à Venise et tout récemment au Musée d’Orsay à Paris, l’exposition propose des chefs-d’œuvre du Douanier Rousseau confrontées aux toiles de ses admirateurs, dont Pablo Picasso, Paul Signac ou les Tchèques Jan Zrzavý, Jindřich Štýrský et Toyen.
C’est justement la jungle exubérante, inquiétante et haute en couleur, typique pour Henri Rousseau, qui est au cœur de cette première exposition de l’artiste jamais organisée en République tchèque. Le public peut y admirer quelques-unes de ses œuvres les plus connues, provenant des collections françaises, dont le « Combat de tigre et buffle », « La Charmeuse de serpents » ou la « Forêt tropicale avec singes », ainsi que ses paysages urbains et portraits de femmes ou encore son célèbre autoportrait. Intitulé « Moi-même, portrait-paysage », il a été acheté en 1923 par l’Etat tchécoslovaque pour 300 000 couronnes, somme qui correspondrait à 11 000 euros actuels. De plus, une trentaine de peintures d’Henri Rousseau dialoguent avec le même nombre de tableaux créés par d’autres personnalités de la peinture mondiale, comme nous l’explique la commissaire de l’exposition, Kristýna Brožová :
« A Venise, l’œuvre de Rousseau avait été présentée dans un contexte très large, celui des peintres anonymes, des peintres de la Renaissance. L’exposition parisienne a déjà été moins vaste, elle s’est concentrée sur ses meilleures œuvres. Nous n’avons repris qu’une partie des tableaux exposés à Paris et surtout nous les avons complétés avec des œuvres de peintres tchèques. C’est-à-dire que nous exposons d’une part les contemporains français de Rousseau, tels Pablo Picasso, Paul Signac ou Georges Seurat, d’autre part les plasticiens tchèques des années 1920, époque où Rousseau était très populaire dans le milieu local. Il inspirait notamment les membres du groupe d’avant-garde Devětsil, comme Jindřich Štýrský ou Toyen, mais aussi Adolf Hoffmeister ou Josef Čapek qui, lui, évoqua à plusieurs reprises Rousseau dans ses écrits. » Peintre naïf, le plus atypique des peintres de la modernité, le précurseur de l’art moderne, un cas unique dans l’histoire de l’art européen… Autant d’étiquettes que l’on colle aujourd’hui à Henri Rousseau, cet homme sans doute pas comme les autres, qui ne s’est adonné à la peinture que vers l’âge de quarante ans et que les critiques de son époque prenaient pour un simple « peintre du dimanche ».Pour Kristýna Brožová, l’exposition pragoise a aussi pour objectif de faire mentir certains mythes liés aujourd’hui encore à la personnalité et à la vie du Douanier Rousseau :
« On le prend souvent pour un autodidacte, pour un peintre amateur. Ce n’est pas correct. Rousseau a reçu une certaine formation auprès des peintres Clément et Gérôme, ce qui lui a permis de travailler comme copiste dans des musées parisiens. Une autre légende concerne sa carrière militaire. Il est vrai que Rousseau était membre de l’Armée, mais il n’a pas participé à l’intervention française au Mexique, ni à d’importants combats. Le dernier mythe concerne ce métier de douanier : non, Henri Rousseau n’était pas douanier, mais employé de l’Octroi de Paris. »
L’exposition intitulée « Douannier Rousseau et son paradis perdu » est ouverte jusqu’au 15 janvier prochain au palais Kinský à Prague, sur la place de la Vieille-ville. En marge de celle-ci, un riche programme destiné au public de tout âge, tchèque et étranger, est organisé. Il est à consulter sur le site de la Galerie nationale : www.ngprague.cz