Pour un véritable projet urbain sur la friche ferroviaire Masaryk
À Prague, on s’interroge sur le projet de reconversion choisi pour la friche ferroviaire Masaryk située à quelques pas du centre historique. Un quartier d’affaires conçu par la prestigieuse agence Zaha Hadid Architects y sera élevé à partir de 2017. Mais ce geste architectural répond-il aux enjeux économiques, culturels et sociaux du secteur ?
« Je crois que ce sera très bien car, comme vous le voyez, il y a ici un espace vide et des bâtiments abandonnés. J’ai hâte d’avoir une nouvelle gare et un nouveau centre commercial. Ce sera très agréable et propre, et je crois que les gens aimeront beaucoup. »
Les 90 000 m2 disponibles représentent l’opportunité de construire un nouveau quartier en plein cœur de la capitale tchèque. Aussi constituent-ils une réserve foncière attrayante pour les développeurs privés. Annoncée comme l’aboutissement d’un débat initié il y a plus de dix ans, la décision est connue depuis mai dernier. Selon la société Penta, principal investisseur, le futur Central Business District permettra de redynamiser une zone tombée à l’abandon et de créer de nouvelles liaisons urbaines.Pour confirmer son rayonnement au-delà des frontières, il est nécessaire que Prague poursuive l’intégration de l’architecture contemporaine dans son paysage, comme la ville l’a fait avec la « Maison dansante » (Tančící dům) de Frank Gehry et Vlado Milunić (1996) ou encore de l’Ange d’or (Zlatý Anděl) de Jean Nouvel (2001). Néanmoins, les friches urbaines requièrent davantage qu’une réalisation architecturale. Elles nécessitent une réflexion sur le tissu urbain, les relations entre les différents espaces de la ville et les usages de ses habitants. Elles appellent en outre la participation de développeurs soucieux de faire aboutir des réalisations durables et véritables moteurs de dynamisme social et économique. Directeur de l’Institut d’histoire de l’art de l’Université Charles de Prague et vice-président du Club du Vieux-Prague (Klub za starou Prahu), le professeur Richard Biegel rappelle qu’il est essentiel de concevoir un véritable projet urbain en amont :
« L’intervention d’un architecte n’est pas suffisante. Avant cela, il est indispensable de réaliser une analyse fine des relations urbaines du site, puis d’élaborer un plan de développement et finalement remplir par un projet architectural. »La rénovation du hall d’accueil de la gare a été finalisée en décembre 2011. En parallèle, les propositions émergeant d’une première consultation ont été présentées. Des personnalités de renommée internationale y ont participé, notamment l’architecte français Jean Nouvel et l’artiste tchèque David Černý. L’implication de ces grands noms a facilité la communication autour du projet. Les propositions, qui ont fait l’objet d’une exposition en 2011 à la faculté d’architecture de l’Université technique tchèque, ont suscité un débat public à Prague. Invités à partager leur avis, les visiteurs de l’exposition ont voté en majeure partie pour l’établissement d’un parc et de promenades. Ce désir d’établir un nouveau poumon constitue une invitation pour la ville à reconsidérer la densification de son tissu urbain.
Pourtant, aucun projet n’avait été retenu ni mis en œuvre à ce moment. La réflexion s’est ensuite poursuivie dans le contexte de l’établissement du plan métropolitain (metropolitní plán) conduit par la Ville de Prague depuis 2012. Actuellement dans sa phase préparatoire, ce plan constituera, à terme, le cadre légal de développement territorial de la capitale tchèque.
Pour éviter un développement sauvage à Prague, dévoreur du moindre espace libre, il est nécessaire de mettre en place de solides outils de régulation et de planification et d’inclure les habitants dans la réflexion. Ces dernières années, les experts ont relevé une mobilisation croissante des Praguois sur les questions d’urbanisme et de préservation du patrimoine. La responsabilité de la ville est ainsi invoquée à double titre : gagner de l’autorité en matière de développement urbain tout en facilitant une meilleure participation citoyenne.