Le rejet de la loi antitabac, source de conflits au sein de la coalition
Les Tchèques pourront continuer à fumer dans les bars, cafés, restaurants et autres lieux collectifs. La Chambre des députés a rejeté, ce mercredi dans son vote final, le projet de loi antitabac, et cela même après l’adoption de plusieurs amendements « assouplissants ». Contre la loi se sont prononcés non seulement les députés de l’opposition gouvernementale mais, à la grande surprise de leurs collègues de la coalition, également certains membres du mouvement ANO.
Reportée à maintes reprises, la loi antitabac, présentée par le gouvernement en janvier 2015, a fait, par le passé, l’objet de nombreuses critiques de la part de l’opposition gouvernementale, représentée par les partis TOP 09 et ODS, qui la considérait comme trop répressive et allant contre la politique de la libre-entreprise. C’est également pour cette raison que les députés ont débattu, ce mercredi matin, de plus de 220 propositions d’amendements. Avant le vote final, ils ont ainsi approuvé la création de fumoirs, pièces isolées, sans service, et représentant moins de 25 % de la surface de l’établissement, un compromis consenti même par le ministre de la Santé, le social-démocrate Svatopluk Němeček. Pourtant, le résultat définitif a été surprenant : après avoir mis en doute le scrutin à deux reprises, les députés se sont prononcés contre cette mesure ; huit votes ont manqué pour son adoption. La plus grande surprise : 31 sur 44 députés du mouvement ANO, un des trois principaux partenaires de la coalition, n’ont pas voté ou ont voté contre ce projet du gouvernement. Selon ministre de la Santé, cette conduite représente une grave violation de l’accord de coalition et met à mal des centaines d’heures de travail qui auraient pu contribuer à la protection des non-fumeurs :
« Nous avons discuté avec le mouvement ANO à plusieurs reprises lors des négociations relatives à cette loi, ils ont participé à tous les ‘pas décisifs’. Mais ils n’ont annoncé à personne leur intention de rejeter cette loi lors du vote final. Je dois dire que je considère ce qui s’est passé à la Chambre des députés comme un mépris des citoyens tchèques et de leur santé et comme une grande victoire du lobby du tabac. Les députés du mouvement ANO ont rejeté un projet complexe qui atteignait le niveau de l’UE. »C’est d’ailleurs ce que pense aussi le Premier ministre et leader du Parti social-démocrate (ČSSD), Bohuslav Sobotka, qui a indiqué que ce n’était pas la première fois que les membres d’ANO n’ont pas voté majoritairement et ont ainsi perturbé le fonctionnement de la coalition.
Le mouvement ANO s’oppose néanmoins à ces propos en affirmant que ce sont justement les sociaux-démocrates qui ont violé l’accord de coalition en adoptant l’amendement de l’opposition relatif à l’installation des fumoirs dans les établissements de restauration. D’après le chef d’ANO et ministre des Finances, Andrej Babiš, qui se dit lui-même favorable à l’interdiction totale de fumer dans ces lieux, le parti manifeste ainsi son désaccord avec un quelconque assouplissement de la loi :
« Monsieur le Premier ministre ment. Ce qu'il dit n’est pas vrai. La loi qui avait été présentée par M. Němeček a été modifiée par un projet du député Marek Benda pour lequel ont voté 39 députés du ČSSD. Le Premier ministre ne dit donc pas la vérité. Il s’agit d’une trahison classique de la part des sociaux-démocrates et des chrétiens-démocrates vis-à-vis de notre mouvement. Il ne s’agirait plus d’une loi antitabac s’il y avait dans ces établissements 20 % de surface où il serait possible de fumer. Pourquoi donc M. Němeček a-t-il adopté une position neutre, pourquoi ne s’est-il pas exprimé contre ? Je souligne que l'on ne votait pas pour ou contre le projet de la coalition, on a voté pour ou contre une loi modifiée par un amendement de l’opposition. J’en ai déjà ras-le-bol. Si cela continue ainsi, je crois que la coalition ne durera pas très longtemps. »Le Premier ministre entend prochainement convoquer le conseil de coalition et inviter M. Babiš à expliquer cette position des députés du mouvement ANO. Selon le ministre de la Santé, Svatopluk Němeček, ces controverses ne changeront néanmoins rien au fait que la loi a été rejetée et que la République tchèque ne verra très probablement pas de projet similaire avant un certain temps, en tout cas au moins pas jusqu’à la formation d’un nouveau gouvernement.