Ces cabines où le téléphone a cédé la place aux livres
Dans plusieurs villes tchèques vous pouvez trouver actuellement de petites bibliothèques installées dans des cabines téléphoniques désaffectées. Les livres se trouvant dans ces cabines sont mis à la disposition des lecteurs qui peuvent s’en servir librement et gratuitement. Ce projet intitulé « KnihoBudka » (Bibliocabine) est réalisé par deux jeunes enthousiastes, Pavel Železný et Monika Serbusová.
Le dernier refuge des livres
Comment se présentent donc ces cabines qui sont souvent le dernier refuge pour les livres dont on ne veut plus ? Pavel Železný explique :« La bibliocabine, plus précisément notre bibliocabine, est une ancienne cabine téléphonique qui a été réaménagée et installée à un endroit assez fréquenté. Elle est repeinte, dotée d’étagères, parfois elle a aussi une porte, et elle est pleine de livres. C’est sa caractéristique principale. Et parfois il y a également le nom du sponsor qui nous a donné de l’argent pour le réaménagement de la cabine, et les règles de comportement de ceux qui s’en serviront. »
L’idée de ce projet est venue à Pavel Železný et à son amie Monika Serbusová en Angleterre, lorsque qu’ils ont vu quelque part dans les champs une ancienne cabine téléphonique que quelqu’un avait remplie de livres et mise à la disposition des lecteurs comme une bibliothèque publique gratuite. La transformation en petite bibliothèque n’est d’ailleurs pas la seule façon de réutiliser la cabine téléphonique désaffectée. S’intéressant à ce genre de réaménagement, Pavel Železný a Monika Serbusová ont découvert des cabines téléphoniques transformées en aquarium, en œuvre d’art, etc. :
« Et comme en Tchéquie de nombreuses cabines téléphoniques ont été supprimées, nous nous sommes dit qu’il serait intéressant de les réutiliser. Nous avons donc présenté une demande de subvention que nous avons obtenue et, il y a deux ans, nous avons lancé ce projet. »
Faire circuler les livres parmi les gens
Pavel Železný et Monika Serbusová ont créé leur première bibliocabine en juillet 2013 et à partir de ce moment le nombre de ces petites bibliothèques pour tout le monde ne cesse de croitre. Les livres proviennent surtout de sources privées dont par exemple la société Elpida qui stocke ses fonds de vieux livres dans les archives de Prague-Písnice. Cependant les organisateurs du projet « KnihoBudka » n’en ont presque pas besoin pour approvisionner leurs cabines, parce que les gens y apportent des tas de livres dont ils ont hérités, trouvés dans la cave ou qu’ils ont en deux exemplaires identiques. Ainsi se réalise donc un des objectifs principaux du projet – faire circuler les livres parmi les gens. Pavel Železný :« Nous sommes une petite association à but non lucratif ou plutôt quelques volontaires. Nous devons donc toujours trouver quelqu’un pour nous payer la transformation de la cabine, et c’est ce que nous appelons adoption. Quelqu’un prend à sa charge le réaménagement et, en échange, il peut placer son nom sur la paroi de la cabine qu’il a adoptée et peut l’utiliser donc pour sa publicité. Il se peut que ce soit une municipalité, une société, un individu, n’importe qui. »
Pavel Železný et Monika Serbusová ne collaborent pas pour l’instant avec les bouquineries qui achètent et vendent des livres anciens et travaillent sur une base lucrative. Les bouquinistes ont cependant la possibilité de placer dans les bibliocabines les livres dont ils veulent se débarrasser, mais s’ils le font, c’est à leur propre initiative sans concertation avec les organisateurs du projet KnihoBudka. Il peut arriver parfois que quelqu’un prenne une dizaine ou une vingtaine de livres dans les bibliocabines pour les vendre dans une bouquinerie, mais les auteurs du projet ne protestent pas contre une telle utilisation de leurs livres parce que c’est une des possibilités de remettre les vieux bouquins en circulation. Ils sont également extrêmement tolérants et peu exigeants en ce qui concerne les règles d’usage des bibliocabines :
« Nous ne faisons que prier les gens de ne pas détruire la bibliocabine, mais nous les rassurons aussi que sur les cabines il n’y aucune caméra, aucun système de sécurité, et que nous leur faisons confiance et espérons qu’ils savent se comporter bien. Nous n’avons pas voulu écrire sur les cabines une longue liste de règles à observer. Nous n’avons même pas un système qui permettrait d’enregistrer combien de livres une personne a pris et ce qu’elle en fait. C’est vraiment une expérimentation sociale qui démontrera comment les gens se comporteront. »Les réactions positives
Pour l’instant les résultats de cette expérience sont très positifs. Il est vrai que la mairie a placé sur la bibliocabine de Prague –Slivenec un avertissement appelant les gens à ne pas emporter les livres en grande quantité, mais c’est une exception. Par contre, il arrive parfois qu’une cabine soit pleine de livres qui ne trouvent pas d’acquéreur et les organisateurs sont obligés de faire le tri. Ils enlèvent donc les livres sans intérêt ou ceux qui sont très abimés. Et parfois ils sont contactés par une personne qui se charge volontairement de la supervision de la cabine et de veiller désormais sur la qualité littéraire des livres qui s’y trouvent. Pavel Železný résume les résultats atteints jusqu’à présent :
« Je pense qu’actuellement il y a seize bibliocabines que nous avons aménagées et mises à la disposition du public mais il y a au moins une vingtaine d’autres endroits où les livres sont échangés gratuitement mais qui se présentent différemment. Parfois ils ont la forme d’un nichoir pour oiseaux ou c’est une simple étagère pleine de livres dans une gare par exemple. Dans la ville de Litvínov les volontaires ont réaménagé une vielle construction avec un toit et en ont fait une belle petite bibliothèque en bois. Ainsi les knihobudky – bibliocabines sont devenues populaires et désormais sont créées dans tout le pays même sans nous. »L’année prochaine Pavel et Monika se proposent de créer une dizaine de nouvelles bibliocabines. Les réactions des lecteurs, qui se servent dans ces petites bouquineries où ils ne sont pas obligés de payer, sont presque toujours positives. Ils appellent les auteurs de cette initiative par téléphone pour leur dire que c’est une excellente idée et pour les remercier. Parfois des représentants d’organisations publiques et d’entreprises leurs demandent de créer une bibliocabine chez eux. Encouragés par ce succès Pavel et Monika envisagent donc de continuer :
« Nous aimerions avoir une bibliocabine dans un endroit public de chaque ville tchèque d’une certaine importance et même si possible dans un certain nombre de petites villes. Il s’agit donc encore de dizaines de bibliocabines qu’il nous faudra aménager. Nous nous intéressons aussi à la variante de cabine avec la possibilité de se brancher sur Internet, avec une borne Wi-Fi, et nous aimerions créer le design d’une cabine pour l’intérieur, une cabine qui pourrait être installée par exemple à l’aéroport, à la gare centrale, à un endroit où elle aurait un caractère un tout petit peu différent. Il faut se rendre compte qu’une cabine téléphonique pèse quelque 250 kilos et est conçue pour être installée en plein air. Son installation à l’intérieur risque donc de ne pas être toujours envisageable. »