L’opéra Rusalka revient à Paris après 13 ans d’absence

Rusalka, photo: Site officel de l'Opéra Bastille

Après 13 ans d’absence sur la scène lyrique parisienne, l’opéra-phare d’Antonín Dvořák, Rusalka, a fait son grand retour à l’Opéra Bastille. La mise en scène très épurée de Robert Carsen de 2002 a été reprise à cette occasion. Seul changement : la distribution sur scène et dans la fosse évidemment. Et au pupitre, c’est le tout jeune chef d’orchestre tchèque Jakub Hrůša qui remplace l’Américain James Conlon.

Rusalka,  photo: Site officiel de l'Opéra Bastille
C’est sans nul doute l’opéra tchèque le plus connu. Rusalka est le récit d’un amour déçu, celui d’une ondine, fille des eaux, qui rêve de vivre dans le monde des hommes pour rejoindre son prince, quitte à être rejetée par les siens et à être damnée. Plus tôt, après un pacte scellé avec la sorcière Ježibaba qui lui donne un corps de femme humaine, Rusalka s’est engagée en échange à faire le sacrifice ultime pour une femme amoureuse, et par extension pour son interprète lyrique : renoncer à sa voix. Cette histoire archétypale est vue et interprétée différemment en République tchèque, d’où l’opéra est originaire, et à l’étranger, comme le souligne Jakub Hrůša, à qui a été confié la direction musicale de Rusalka à l’Opéra Bastille :

Jakub Hrůša,  photo: ČT24
« En République tchèque, l’opinion qui prévaut au sujet de Rusalka, c’est qu’il s’agit d’un conte. Un conte qui peut même être une œuvre qu’on présente aux enfants. Ici, il est considéré presque comme un trésor national. A l’étranger, Rusalka est plutôt considérée comme une tragédie, un drame, une œuvre qui touche tout un chacun, une œuvre atemporelle. Du coup, les mises en scène à l’étranger laissent de côté l’aspect conte et s’efforcent plutôt d’actualiser l’opéra, de l’adapter à notre époque. »

C’est le cas de la mise en scène de Robert Carsen, qui a créé une scénographie presque abstraite, mais qui sait admirablement jouer du matériau offert par l’histoire : les jeux d’eau, mais aussi de lumière, sont autant de jeux de miroir et de reflets qui soulignent la tragique dualité des sentiments de Rusalka, déchirée entre le monde d’en-dessous, celui des eaux, et le monde d’au-dessus où vit son aimé. Illusions d’optique, dédoublement de la scène, tous ces éléments scénographiques contribuent à renforcer l’impression que l’ondine nage littéralement en eaux troubles, en voulant être quelqu’un d’autre. D’ailleurs Rusalka finira en ‘bludička’, un esprit ni mort ni vivant qui hante les profondeurs du lac. L’omniprésence du lit autour duquel évoluent les personnages a été souvent interprétée comme la vision psychanalytique du metteur en scène sur Rusalka, qui serait tourmentée par son désir interdit. Mais pour qui n’est guère intéressé par ces lectures freudiennes, l’épure de la mise en scène, de toute beauté, suffira à faire apprécier les choix esthétiques de Robert Carsen.

Rusalka,  photo: Site officiel de l'Opéra Bastille
Interrogé justement sur les interprétations scéniques de Rusalka qu’il préfère, Jakub Hrůša précise :

« Je préfère les mises en scène plus abstraites, plus sobres, mais qui travaillent avec la beauté visuelle, avec la lumière, avec les acteurs, avec les motivations intimes des personnages, mais aussi avec les symboles si ceux-ci sont respectueux de la musique. Donc, je préfère cela à une adaptation trop scrupuleuse, esclave du conte, où Rusalka a une queue de poisson etc. Si les Français doivent apprécier cette œuvre, c’est avant tout grâce à sa musique et à son message universel. C’est quelque chose qui m’est très familier, et je pense que Robert Carsen a réussi ce tour de force. »

Dans cette Rusalka qui se présente au public parisien en 2015, le rôle-titre n’est plus interprété par la magistrale Renée Flemming comme en 2002, mais en alternance par Kristine Opolais et Svetlana Aksenova. Seul chanteur tchèque présent sur la scène de l’Opéra Bastille, le ténor Pavel Černoch à qui revient le personnage du Prince.

Quant à Jakub Hrůša, choisi pour diriger l’orchestre de la Bastille, il s’agit ni plus ni moins d’un des espoirs de la scène musicale tchèque. A 33 ans seulement, cet élève du grand chef d’orchestre Jiří Bělohlávek, vient juste de se voir attribuer le poste de chef d’orchestre invité permanent de la prestigieuse Philharmonie tchèque, dirigée par son ancien mentor et le principal chef invité Manfred Honecke.

Les prochaines représentations de Rusalka à l'Opéra Bastille sont le 16, 18, 23 et 26 avril.