Un différend diplomatique qui n’est pas passé inaperçu
Le différend diplomatique provoqué par la décision du président de la République de fermer les portes du Château de Prague à l’ambassadeur des Etats-Unis suite à une critique formulée par ce dernier au sujet de la participation probable de Miloš Zeman aux célébrations de la fin de la Deuxième Guerre mondiale à Moscou, le 9 mai prochain, a entraîné un certain nombre de réactions dans les médias tchèques. Ceux-ci se sont également interrogés sur les risques d’enlèvement lors de leurs reportages à l’étranger. La loi envisagée sur les logements sociaux devrait être un outil important pour lutter contre l’augmentation du nombre de sans-abri en République tchèque. Tels sont les principaux sujets qui ont alimenté la presse de ces derniers jours. Nous avons également retenu un entretien concernant le prochain tournage d’un film qui sera consacré à Milada Horáková, l’unique femme condamnée à mort lors des procès communistes des années 1950 en Tchécoslovaquie.
« Le territoire de la République tchèque a été dans une grande mesure libéré par l’Armée rouge, ce qui constitue un fait exceptionnel dans le cadre de l’Union européenne. Pour les Tchèques, il s’agissait alors d’une libération authentique. C’est pourquoi la volonté de Miloš Zeman de se rendre à Moscou pour le 70e anniversaire de la fin de la guerre est logique... Cette logique s’estompe cependant à la lumière du contexte dans lequel ses festivités se tiendront à Moscou. Miloš Zeman doit assister au traditionnel défilé sur la Place rouge qui a accueilli dans le passé, c’est vrai, d’importants hommes d’Etat, comme Angela Merkel en 2010. Mais le problème cette année est que les cérémonies sont plus une démonstration de la renaissance des ambitions impériales russes qu’une célébration de la victoire sur le nazisme. »
C’est donc ce point précis que le diplomate américain, toujours selon Zbyněk Petráček, a mentionné sans pour autant chercher à s’immiscer dans les affaires tchéco-tchèques. Dans une note publiée sur le site du magazine Respekt, Ondřej Kundra rappelle pour sa part les origines tchèques de l’ambassadeur américain Andrew Shapiro, sa mère ayant quitté Prague avec sa famille en 1939 lorsqu’elle était âgée de cinq ans. Ces liens permettent de donner de nouvelles impulsions importantes aux relations qu’entretiennent la République tchèque et les Etats-Unis. Tout en considérant par conséquent que la réaction de Miloš Zeman à l’avis exprimé par Andrew Shapiro a été inadéquate, l’éditorialiste écrit plus loin:
« Une telle diplomatie ne peut que porter préjudice à la République tchèque. Aux yeux des Américains, nous ne serons pas un pays attirant pour investir ou installer des éléments de défense. Mais il se peut que ce soit précisément ce que recherche Miloš Zeman en tant que chef d’Etat à orientation prorusse. »
Enfin, Ondřej Kundra constate que le Premier ministre Bohuslav Sobotka et certains autres responsables politiques n’ont pas particulièrement apprécié les propos du président et salue le fait qu’Andrew Shapiro ait de son côté fait savoir que les portes de l’ambassade américaine restaient toujours ouvertes à Miloš Zeman.
Les voyages face aux risques d’enlèvement
Les enlèvements de plus en plus fréquents influencent-ils d’une manière ou d’une autre vos intentions de voyages ? Telle est la question qui a été posée dans le dernier numéro de l’hebdomadaire Respekt à quatre journalistes tchèques habitués à se rendre régulièrement dans des pays et régions à risques. Ce qui est fondamental pour Břetislav Tureček, journaliste et professeur universitaire qui déplore le fait que les régions « sûres » ne cessent de s’amoindrir, c’est de mesurer les risques encourus par rapport à la valeur ajoutée d’un tel reportage. Iva Skochová, qui s’est fait connaître grâce à ses intéressantes notes de voyages pour différents périodiques, estime pour sa part :« Les enlèvements m’influencent comme tout autre facteur de risque du moment. Avant de me rendre quelque part, je cherche à recueillir le maximum d’informations actualisées sur la destination choisie, que ce soit sur la situation politique, la météo ou les recommandations sanitaires ou sécuritaires. On ne peut jamais exclure tous les risques, mais je m’efforce néanmoins de les minimiser. »
Estimant, lui, que les enlèvements ne sont pas plus fréquents ces derniers temps qu’ils ne l’étaient auparavant, le voyageur David Gladiš précise :
« Le risque d’enlèvement n’est pas plus élevé aujourd’hui qu’il ne l’était auparavant. A présent, il y a évidemment plus de monde qui se rend dans des régions très risquées, dont beaucoup de journalistes et de travailleurs humanitaires. Si on suivait cette logique, on pourrait dire que les accidents de voitures ou les crashs d’avions sont plus nombreux qu’il y a une trentaine d’années, alors que leur augmentation est proportionnelle à celle du nombre de voitures et d’avions. Et comme je continue à me déplacer en voiture et en avion, je continue également à voyager. Et puis, dans les régions problématiques, l’enlèvement n’est qu’un risque parmi d’autres et il reste encore le moins probable ».
Les logements sociaux, un outil important face au problème de l’augmentation des sans-abri
Selon le dernier recensement de la population effectué en 2011, quelque 13 000 sans-abri vivraient en République tchèque. Les sociologues estiment cependant que ce problème de la pauvreté touche en réalité jusqu’à 40 000 personnes. L’édition de jeudi du quotidien Právo a publié un article concernant les démarches envisagées par le ministère du Travail et des Affaires sociales afin de trouver des solutions à ce phénomène dans lequel son auteur signalait entre autres :« Les solutions présentées ont été adoptées à l’issue d’une première conférence consensuelle consacrée au problème des sans-abri et au risque de leur augmentation. Cette conférence avait réuni des experts, un public spécialisé et un jury. Des sans-abri avaient également été invités pour participer au débat. Selon le président du jury, Miloš Rejchrt, il s’agissait de trouver des solutions concrètes, pas des solutions formelles comme cela a été le cas dans le passé. La vision audacieuse soumise veut que d’ici quelques années, personne ne vive plus sans domicile en République tchèque. »
La loi sur le logement social qui devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2017 a été présentée comme une première démarche devant permettre d’atteindre cet ambitieux objectif. Le journal cite également la ministre Michaela Marksová qui entend s’inspirer des pays voisins. Elle cite le cas notamment de Vienne qui dispose d’un grand nombre de logements communaux.
L’histoire de Milada Horáková sera portée à l’écran
Reconnue coupable de faits de trahison et d’espionnage, Milada Horáková est l’unique femme à avoir été exécutée dans les années 1950 suite à un procès politique monté de toutes pièces. Bien que le verdict ait été annulé en 1968, ce n’est qu’après la chute du régime communiste en 1989 que Milada Horáková a pu être entièrement réhabilitée. Pour la première fois, 65 ans après, son histoire dramatique et tragique sera portée à l’écran. Le début du tournage du film est prévu pour juin prochain. Scénariste et réalisateur du film, David Mrnka s’est confié à ce sujet dans un entretien mis en ligne sur le site lidovky.cz :« Dès l’âge de dix-huit ans, j’ai vécu en Australie. Lorsque je suis venu un jour en Tchéquie, c’était le jour anniversaire de la mort de Milada Horáková. J’ai alors eu pour la première fois l’opportunité de voir à la télévision des enregistrements de son procès que je n’avais jamais pu voir avant, car j’ai quitté le pays dans les années 1990. J’en ai été vraiment touché et je me suis dit : comment se fait-il que personne n’ait encore filmé le récit de cette femme hors du commun ? Pendant plusieurs années, cette idée n’a cessé de me trotter dans la tête. J’ai finalement proposé de réaliser ce film à la société de production que j’ai créée. »
D’abord tourné en version anglaise avant d’être doublé en tchèque, le film qui couvrira la période allant de 1937 à 1950 de la vie de Milada Horáková sera une coproduction internationale. D’après David Mrnka, dont ce sera le premier long métrage, celui-ci sera destiné à la fois à un public étranger et tchèque. Il ajoute :
« Evidemment, moi-même, je me considère comme un Tchèque. Je ne réalise même pas que j’ai passé la moitié de ma vie à l’étranger. C’est ici que j’ai mes meilleurs amis, des copains, toute ma famille... Je suis bien sûr reconnaissant pour tout ce que l’Australie et l’Amérique m’ont donné et de m’avoir accueilli. Mais je suis Tchèque. Même là-bas, je suis attentivement tout ce qui se passe ici ».