La gare de Těšnov, l’une des plus belles d’Europe centrale, était détruite il y a 30 ans
Considérée comme l’une des plus belles gares d’Europe centrale, la gare de Těšnov était détruite voici tout juste trente ans, le 16 mars 1985. L’édifice, devenu un symbole des décisions contestables prises sous le régime communiste en matière de patrimoine culturel, bénéficie à partir de ce mardi d’une exposition organisée par le Musée de la ville de Prague sur le lieu même où il était érigé, près de l’actuelle station de métro Florenc.
C’est ainsi que l’historien de l’architecture Benjamin Fragner évoque la destruction, au moyen de 400 kg d’explosifs, de la gare de Těšnov, un joyau architectural de style néo-Renaissance construit entre 1872 et 1875 sur les plans de Karel Schlimp et qui devait constituer une étape sur la ligne reliant Berlin et Vienne. Un autre spécialiste de l’architecture, mais répondant au nom de Pavel Schreier, évoque la richesse de ce monument érigé à la frontière entre les quartiers de Karlín et de Nové Město, sur un espace laissé désormais plus ou moins en friche :
« L’édifice de la gare de Těšnov était tout à fait exceptionnel sur le plan architectural. Si nous le comparons aux autres gares que nous avons dans le pays, nous aurions beaucoup de peine à lui trouver un concurrent. Son caractère exceptionnel résidait dans le fait qu’il s’agissait d’une architecture vraiment pompeuse. »D’abord appelée « gare du nord-ouest », le nœud ferroviaire, à l’intérieur décrit comme spacieux et agréable, prend durant l’entre-deux-guerres le nom de l’historien français slavophile Ernest Denis, lequel a beaucoup œuvré à promouvoir la culture et la cause tchéco-slovaque en France. Aussi, les Pragois ont longtemps désigné l’édifice sous l’appellation de « Deniska ».
La gare, qui prend finalement le nom de Těšnov à partir de 1953, voit progressivement son trafic baisser notamment en raison d’un remaniement du réseau ferré de la capitale. Bientôt, on décide de supprimer la ligne de chemin de fer reliant Těšnov à Vysočany. La gare est fermée le 1er juillet 1972. Le bâtiment, inutilisé, tombe alors petit à petit en décrépitude, et, d’après Karel Zeithammer, l’ancien directeur du Musée des chemins de fer du Musée national des techniques de Prague, son destin tragique était alors tout tracé :
« A partir du moment où l’on a cessé d’exploiter la gare de Těšnov, on peut dire qu’elle était pratiquement vouée à être remplacée. Mais la façon dont cela a été réalisé a été barbare. »Alors que la voie rapide « magistrála », une artère de macadam à l’esthétique douteuse qui traverse Prague, est construite à proximité de la gare désaffectée, les autorités lui cherchent une nouvelle fonction. Il est question de transformer le bâtiment en centre commercial ou en restaurant universitaire, mais la municipalité choisit pourtant, malgré les protestations de l’opinion publique, de le raser purement et simplement.
Une autre option envisagée évoquait la possibilité pour le Musée de la ville de Prague d’utiliser l’édifice comme dépôt. Le musée n’a pas eu cette opportunité. C’est lui qui est aujourd’hui à l’initiative de l’exposition consacrée à la gare de Těšnov, exposition qui a été supervisée par Tomáš Dvořák :
« L’exposition permet de découvrir à quoi ressemblait la gare juste après son ouverture, la façon dont elle a été décorée, comment elle était exploitée, comment elle était desservie, d’abord en tramways hippomobiles puis en tramways électriques et en autobus. C’est en quelque sorte une promenade dans le temps et dans l’espace. »Cette promenade, basée très largement sur le fonds propre du Musée de la ville de Prague et dans une moindre mesure sur des collections privées, est à découvrir en extérieur, près de la station de métro Florenc, jusqu’à la fin du mois de mai.