Plus de 600 000 chômeurs en République tchèque, un record
Le taux de chômage en République tchèque a atteint un record historique de 8,6%. Près de 630 000 personnes étaient sans emploi à la fin du mois de janvier, soit 32 000 de plus qu’au mois de décembre et 44 000 de plus par rapport à la même période l’année dernière. Ces chiffres ont été communiqués, ce lundi, par le Bureau central du travail, l’administration nationale en charge de l’emploi. Ses données montrent également d’importantes disparités entre les régions et entre les catégories d’âges. Au micro de Radio Prague, deux économistes, Jiří Šteg de l’initiative ProAlt, fondée en 2010 pour critiquer les réformes libérales de l’ancien gouvernement de droite de Petr Nečas, et l’économiste auprès de Moody’s Analytics, Martin Janíčko.
« L’économie tchèque n’est sortie qu’au deuxième trimestre 2013 d’une longue récession, ce qui se répercute encore sur le marché du travail. De plus, je pense que le recul des travaux saisonniers ainsi que le fait que beaucoup de contrats à durée déterminée se sont achevés fin décembre ont pu jouer un rôle. Mais il y aussi des raisons structurelles derrière ce taux de chômage, il s’agit avant tout de l’incapacité à flexibiliser notre marché du travail. »
Jiří Šteg de ProAlt, trouve lui aussi ce taux de chômage de 8,6% inquiétant d’autant plus que celui-ci ne reflète pas le nombre total des personnes sans emploi puisque sont exclus du calcul les personnes durablement au chômage. De plus, Jiří Šteg voit les origines de la situation actuelle principalement du fait de paramètres structurels :
« A mon avis, il s’agit d’une manifestation de problèmes structurels du marché tchèque, lesquels remontent à la transition de l’économie planifiée à l’économie capitaliste. Nous sommes devenus un pays « décapitalisé », qui se concentre sur la production de biens intermédiaires et non sur des produits finis qui auraient une plus grande valeur ajoutée. Nos gouvernements ont également sous-estimé le rôle que la demande interne peut jouer dans la stabilisation du marché en cas de fluctuations. Enfin, la politique d’austérité des gouvernements de droite a affaibli les stabilisateurs automatiques du marché. »Martin Janíčko considère au contraire que les mesures d’austérité ont porté leurs fruits tout en diminuant le chômage de long terme ainsi que le chômage « volontaire ».
Hormis tous ces indicateurs généraux, le taux de chômage change de manière significative en fonction des régions. Si elle est de plus de 5,4% à Prague, elle monte jusqu’à 12% dans la région d’Ústí nad Labem en Bohême. Quant à la Moravie du Nord, 40 % d’habitants de la microrégion d’Osoblažsko sont sans emploi.
En dehors des disparités régionales, certaines tranches d’âge sont particulièrement affectées par le chômage, comme les jeunes et les personnes âgées. A court et moyen terme, Jiří Šteg propose d’accroître la protection de ces derniers et de lancer plus de programmes facilitant l’entrée sur le marché du travail des premiers. Mais à long terme, il invite à repenser notre rapport au travail :« Ces deux groupes, les jeunes et les personnes proches de la retraite, sont menacés par le chômage dans chaque société qui prône la performance. Dans un contexte où il y a moins de travail en raison de l’avancée technologique, il faut s’interroger sur nos options de redistribution. Nous pouvons soit réfléchir à mettre en place un revenu de base inconditionnel (cf. reportage sur le revenu de base, nldr, http://www.radio.cz/fr/rubrique/economie/revenu-de-base-derriere-lidee-genereuse-un-tas-de-questions) ou bien diminuer le nombre de jours de travail. Bref, si nous redistribuons les richesses, il faudrait également redistribuer le travail. »
Sur ce point, Martin Janíčko est d’accord sur certaines mesures, mais moins sur leur contenu réel :
« Il faut aussi adopter des mesures pour relancer le marché du travail, comme le travail partagé, ou le kurzarbeit (où la baisse des salaires est compensé par l’Etat, nldr), cela peut aussi signifier une baisse des salaires, mais il faut se demander si il est mieux d’avoir du chômage ou de baisser un peu les salaires. »Un compromis inacceptable pour Jiří Šteg qui refuse que le partage du travail entraîne une baisse des salaires. Le gouvernement, pour sa part, se penchera sur ces questions vers la fin de la semaine, quand le Premier ministre Bohuslav Sobotka rencontrera la ministre du Travail.